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Quelque aigreur qui les anime,
Quand , malgré l'emportement,
Comme eux, l'un l'autre on s'estime,
L'accord se fait aisément.
Mon embarras est comment
On pourra finir la guerre
De Pradon et du parterre.

XXX. Contre Boyer et La Chapelle.
J'approuve que chez vous, messieurs, on examine
Qui du pompeux Corneille ou du tendre Racine
Excita dans Paris plus d'applaudissemens :
Mais je voudrois qu'on cherchât tout d'un temps

(La question n'est pas moins belle) Qui du fade Boyer ou du sec La Chapelle

Excita plus de sifflemens.

XXXI.- Sur une harangue d'un magistrat dans laquelle les procureurs

éloient fort maltraités. Lorsque dans ce sénat à qui tout rend hommage

Vous haranguez en vieux langage,
Paul, j'aime à vous voir, en fureur,
'Gronder maint et maint procureur;
Car leurs chicanes sans pareilles
Méritent bien ce traitement :
Mais que vous ont fait nos oreilles
Pour les traiter si durement?

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Ne cherchez point comment s'appelle

L'écrivain peint dans ce tableau :
A l'air dont il regarde et montre la Pucelle

Qui ne reconnoîtroit Boileau ?

XXXIV. - Sur une gravure qu'on a faite de moi,
Du célèbre Boileau tu vois ici l'image.
Quoi ! c'est là, diras-tu, ce critique achevé !

D'où vient ce noir chagrin qu'on lit sur son visage ?

C'est de se voir si mal gravé.

XXXV. - Aux révérends pères jésuites auteurs du Journal ile Trévoux,

1703.
Mes révérends pères en Dieu,
Et mes confrères en satire,

Dans vos écrits en plus d'un lieu,
Je vois qu'à mes dépens vous affectez de rire.
Mais ne craignez-vous point que pour rire de vous,
Relisant Juvénal, refeuilletant Horace,
Je ne ranime encor ma satirique audace ?

Grands Aristarques de Trévoux,
N'allez point de nouveau faire courir aux armes
Un athlète tout prêt à prendre son congé,
Qui par vos traits malins au combat rengagé,
Peut encore aux cieurs faire verser des larmes.

Apprenez un mot de Regnier
Notre célèbre devancier :
« Corsaires attaquant corsaires

Ne font pas, dit-il, leurs affaires. »
XXXVI. - Réplique à une épigramme par laquelle les journalistes de

Trévous avoient répondu à la précédente.
Non, pour montrer que Dieu veut être aimé de nous,
Je n'ai rien emprunté de Perse ni d'Horace,
Et je n'ai point suivi Juvénal à la trace.
Car bien qu'en leurs écrits, ces auteurs, mieux que vous,
Attaquent les erreurs dont nos âmes sont ivres,

La nécessité d'aimer Dieu
Ne s'y trouve jamais prêchée en aucun lieu,

Mes pères, non plus qu'en vos livres.

XXXVII.

Aux mêmes sur le livre des Flagellans, composé par mod

frère le docteur de Sorbonnel.

1703.

Non, le livre des Flagellans
N'a jamais condamné, lisez-le bien, mes pères,

Ces rigidités salutaires
Que, pour ravir le ciel, saintement violens,
Exercent sur leurs corps tant de chrétiens austères.
Il blâme seulement ces abus odieux

1. Ce livre, publié en latin, en 1700, fut amèrement critiqué par les jésuites dans le cahier de juin 1703 de leur Journal de Trévoux.

D'étaler et d'offrir aux yeux
Ce que leur doit toujours cacher la bienséance ;
Et combat vivement la fausse piété
Qui, sous couleur d'éteindre en nous la voluptė,
Par l'austérité même et par la pénitence,
Sait allumer le feu de la lubricité.

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XXXIX,
Qui ne hait point tes vers, ridicule Mauroi,
Pourroit bien, pour sa peine, aimer ceux de Fourcroi.

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XL.
La figure de Pellisson 1
Est une figure effroyable;
Mais quoique ce vilain garçon
Soit plus laid qu’un singe et qu'un diable,
Sapho lui trouve des appas;
Mais je ne m'en étonne pas :
Car chacun aime son semblable.

XLI.
On dit que l'abbé Roquette
Prêche les sermons d'autrui :
Moi, qui sais qu'il les achète,
Je soutiens qu'ils sont à lui.

1. Ces vers, ainsi que les suivans, ont été attribués à Boileau, Sapho , c'est Mlle de Scudéri.

FIN DES ÉPIGRAMMES.

FRAGMENT D'UN PROLOGUE D'OPÉRA.

AVERTISSEMENT AU LECTEUR. Mme de Montespan et Mme de Thianges, sa soeur, lasses des opéra de M. Quinault, proposèrent au roi d'en faire faire un par M. Racine, qui s'engagea assez légèrement à leur donner cette satisfaction, ne songeant pas dans ce moment-là à une chose, dont il étoit plusieurs fois convenu avec moi, qu'on ne peut jamais faire un bon opéra, parce que la musique ne sauroit narrer; que les passions n'y peuvent être peintes dans toute l'étendue qu'elles demandent; que d'ailleurs elle ne sauroit souvent mettre en chant les expressions vraiment sublimes et courageuses. C'est ce que je lui représentai, quand il me déclara son engagement; et il m'avoua que j'avois raison; mais il étoit trop avancé pour reculer. Il commença dès lors en effet un opéra, dont le sujet étoit la chute de Phaéton. Il en fit même quelques vers qu'il récita au roi qui en parut content. Mais comme M. Racine n'entreprenoit cet ouvrage qu'à regret, il me témoigna résolúment qu'il ne l'achèveroit point que je n'y travaillasse avec lui, et me déclara avant tout qu'il falloit que j'en composasse le prologue. J'eus beau lui représenter mon peu de talent pour ces sortes d'ouvrages, et que je n'avois jamais fait de vers d'amourettes : il persista dans sa résolution, et me dit qu'il me le feroit ordonner par le roi. Je songeai donc en moi-même à voir de quoi je serois capable, en cas que je fusse absolument obligé de travailler à un ouvrage si opposé à mon génie et à mon inclination. Ainsi, pour m'essayer, je traçai, sans en rien dire à personne, non pas même à M. Racine, le canevas d'un prologue; et j'en composai une première scène. Le sujet de cette scène étoit une dispute de la Poésie et de la Musique, qui se querelloient sur l'excellence de leur art, et étoient enfin toutes prêtes à se séparer, lorsque tout à coup la déesse des accords, je veux dire l'Harmonie, descendoit du ciel avec tous ses charmes et ses agrémens, et les réconcilioit. Elle devoit dire ensuite la raison qui la faisoit venir sur la terre, qui n'étoit autre que de divertir le prince de l'univers le plus digne d'être servi, et à qui elle devoit le plus, puisque c'étoit lui qui la maintenoit dans la France, où elle régnoit en toutes choses. Elle ajoutoit ensuite que, pour empêcher que quelque audacieux ne vînt troubler, en s'élevant contre un si grand prince, la gloire dont elle jouissoit avec lui, elle vouloit que dès aujourd'hui même, sans perdre de temps, on représentåt sur la scène la chute de l'ambitieux Phaéton. Aussitôt tous les poëtes et tous les musiciens, par son ordre, se retiroient et s'alloient habiller. Voilà le sujet de mon prologue, auquel je travaillai trois ou quatre jours avec un assez grand dégoût, tandis

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que M. Racine de son côté, avec non moins de dégoût, continuoit à disposer le plan de son opéra, sur lequel je lui prodiguois mes conseils. Nous étions occupés à ce misérable travail, dont je ne sais si nous nous serions bien tirés, lorsque tout à coup un heureux incident nous tira d'affaire. L'incident fut que M. Quinault s'étant présenté au roi les larmes aux yeux, et lui ayant remontré l'affront qu'il alloit recevoir s'il ne travailloit plus au divertissement de Sa Majesté, le roi, touché de compassion, déclara fran-. chement aux dames dont j'ai parlé, qu'il ne pouvoit se résoudre à lui donner ce déplaisir. Sic nos servavit Apollo. Nous retournâmes donc, M. Racine et moi, à notre premier emploi, et il ne fut plus mention de notre opéra, dont il ne resta que quelques vers de M. Racine, qu'on n'a point trouvés dans ses papiers après sa mort, et que vraisemblablement il avoit supprimés par délicatesse de conscience, à cause qu'il y étoit parlé d'amour. Pour moi, comme il n'étoit point question d'amourettes dans la scène que j'avois composée, non-seulement je n'ai pas jugé à propos de la supprimer; mais je la donne ici au public, persuadé qu'elle fera plaisir aux lecteurs, qui ne seront eut-être pas fâchés de voir de quelle manière je m'y étois pris, pour adoucir l'amertume et la • force de ma poésie satirique, et pour me jeter dans le style doucereux. C'est de quoi ils pourront juger par le fragment que je leur présente ici, et que je leur présente avec d'autant plus de confiance, qu'étant fort court, s'il ne les divertit, il ne leur laissera pas du moins le temps de s'ennuyer.

PROLOGUE D'OPÉRA.

LA POÉSIE, LA MUSIQUE.

LA POÉSIE.
Quoi ! par de vains accords et des sons impuissans,
Vous croyez exprimer tout ce que je sais dire !

LA MUSIQUE.
Aux doux transports qu'Apollon vous inspire,
Je crois pouvoir mêler la douceur de mes chants.

LA POÉSIE.
Oui, vous pouvez aux bords d'une fontaine
Avec moi soupirer une amoureuse peine,
Faire gémir Thyrsis, faire craindre Clymėne;
Mais, quand je fais parler les héros et les dieux,

Vos chants audacieux
Ne me sauroient prêter qu'une cadence vaine.

Quittez ce soin ambitieux.

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