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La plume qui sur sa tête '
Attire tous les regards
A cet astre? redoutable
Toujours un sort favorable
S'attache dans les combats;
Et toujours avec la gloire
Mars amenant la victoire
Vole, et le suit à grands pas.

XIII.
Grands défenseurs de l'Espagne,
Montrez-vous, il en est temps.
Courage ! vers la Méhagne 3
Voilà vos drapeaux flottans.
Jamais ses ondes craintives
N'ont vu sur leurs foibles rives
Tant de guerriers s'amasser.
Courez donc; qui vous retarde ?
Tout l'univers vous regarde :
N'osez-vous la traverser ?

XIV.
Loin de fermer le passage
A vos nombreux bataillons,
Luxembourg a du rivage
Reculé ses pavillons.
Quoi ! leur seul aspect vous glace !
Où sont ces chefs pleins d'audace,
Jadis si prompts à marcher,
Qui devoient, de la Tamise
Et de la Drave" soumise,
Jusqu'à Paris nous chercher ?

XV.
Cependant l'effroi redouble
Sur les remparts de Namur :
Son gouverneur, qui se trouble,
S'enfuit sous son dernier mur.
Déjà jusques à ses portes
Je vois monter nos cohortes
La flamme et le fer en main;
Et sur les monceaux de piques,

1. Le roi porte toujours à l'armée une plume blanche. (B.) 2. Homère, Iliade, livre XIX, vers 299 (il falloit dire 381), où il dit que l'aigrette d'Achille étinceloit comme un astre. (B.)

3. Rivière près de Namur. (B.)
4. Rivière qui passe à Belgrade, en Hongrie. (B.)

17

BOILEAU I

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Sur un bruit qui courut en 1656, que Cromwell et les Anglois alloient faire la guerre à la France.

Quoi! ce peuple aveugle en son crime,
Qui, prenant son roi pour victime,

Fit du trône un théâtre affreux,
Pense-t-il que le ciel, complice
D'un si funeste sacrifice,
N'a pour lui ni foudre ni feux ?

Déjà sa flotte à pleines voiles,
Malgré les vents et les étoiles,
Veut maîtriser tout l'univers;
Et croit que l'Europe étonnée,
A son audace forcenée

Va céder l'empire des mers.

1. Poëme héroïque du sieur P.... (Perrault.) (B.)

2. Je n'avois que dix-huit ans quand je fis cette ode, mais je l'ai raccommodée. (B.)- Boileau étoit, quoi qu'il en dise, dans sa vingtième

année en 1656.

Arme-toi, France; prends la foudre;
C'est à toi de réduire en poudre
Ces sanglans ennemis des iois.
Suis la victoire qui t'appelle,
Et va sur ce peuple rebelle
Venger la querelle des rois.
Jadis on vit ces parricides,
Aidés de nos soldats perfides,
Chez nous, au comble de l'orgueil,
Briser tes plus fortes murailles,
Et par le gain de vingt batailles
Mettre tous tes peuples en deuil.
Mais bientôt le ciel en colère,
Par la main d'une humble bergère
Renversant tous leurs bataillons,
Borna leurs succès et nos peines;
Et leurs corps, pourris dans nos plaines,
N'ont fait qu'engraisser nos sillons.

CHANSONS,
STANCES, SONNETS, ÉPITAPHES, etc

1.- Chanson à boire, que je fis au sortir de mon cours de philosophio,

à l'age de dix-sept ans.

1653.

Philosophes rêveurs, qui pensez tout savoir,
Ennemis de Bacchus, rentrez dans le devoir : ,

Vos esprits s'en font trop accroire.
Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.

On est savant quand on boit bien :

Qui ne sait boire ne sait rien.
S'il faut rire ou chanter au milieu d'un festin,
Un docteur est alors au bout de son latin :

Un goinfre en a toute la gloire.
Allez, vieux fous, etc.

II. Chanson à boire.

4653-1656. Soupirez jour et nuit, sans manger et sans boire,

Ne songez qu'à souffrir :

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Aimez, aimez vos maux, et mettez votre gloire

A n'en jamais guérir.
Cependant nous rirons
Avecque la bouteille,

Et dessous la treille
Nous la chérirons.

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Si, sans vous soulager, une aimable cruelle

Vous retient en prison,
Allez aux durs rochers, aussi sensibles qu'elle ,

En demander raison.
Cependant nous rirons, etc.

III.

- Vers sur Marie Poncher de Bretouville, mis en musique

par Lambert en 1671.

Voici les lieux charmans, où mon âme ravie

Passoit à contempler Sylvie
Ces tranquilles momens si doucement perdus.
Que je l'aimois alors ! Que je la trouvois belle !
Mon cour, vous soupirez au nom de l'infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?

C'est ici que souvent errant dans les prairies,

Ma main des fleurs les plus chéries Lui faisoit des présens

tendrement reçus. Que je l'aimois alors ! Que je la trouvois belle ! Mon coeur,

vous soupirez au nom de l'infidèle : Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?

IV.

Chanson à boire, faite à Baville où étoit le père Bourdalove.

1672.

Que Båville me semble aimable,
Quand des magistrats le plus grand
Permet que Bacchus à sa table
Soit notre premier président !

Trois muses, en habits de ville,
Y président à ses côtés :
Et ses arrêts par Arbouville'
Sont à plein verre exécutés.

Si Bourdaloue un peu sévère
Nous dit : « Craignez la volupté ;

1. Gontilhomme, parent de M. le premier président. (B.)

- Escobar, lui dit-on, mon père,
Nous la permet pour la santé, o
Contre ce docteur authentique,
Si du jeûne il prend l'intérêt,
Bacchus le déclare hérétique,
Et janseniste, qui pis est.

V. - Vers dans le style de Chapelain, que Boileau chantoit sur un air

fort tendre.
Droits et roides rochers dont peu tendre est la cime,
De mon flamboyant caur l'âpre état vous savez :
Savez aussi, durs bois par les hivers lavés,
Qu'holocauste est mon coeur pour un front magnanime.

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Parmi les doux transports d'une amitié fidèle,
Je voyois près d'Iris couler mes heureux jours;
Iris que j'aime encore, et que j'aimai toujours,
Brûloit des mêmes feux dont je brûlois pour elle;
Quand, par l'ordre du ciel, une fièvre cruelle
M'enleva cet objet de mes tendres amours;
Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours,
Me laissa de regrets une suite éternelle.
Ah! qu'un si rude coup étonna mes esprits !
Que je versai de pleurs ! que je poussai de cris !
De combien de douleurs ma douleur fut suivie !
Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi;
Et, bien qu'un triste sort t’ait fait perdre la vie,
Hélas ! en te perdant j'ai perdu plus que toi.

VII. Sonnet sur une de mes parentes qui mourut toute jeune

entre les mains d'un charlatan.
Nourri dès le berceau près de la jeune Orante,
Et non moins par le cœur que par le sang lié,
A ses jeux innocens enfant associé,
Je goûtois les douceurs d'une amitié charmante ;
Quand un faux Esculape, à cervelle ignorante,
A la fin d'un long mal vainement pallié,

1. Mlle Dongois, nièce du poëte.

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