Oh! c'est bien lui: rendez-le moi, ODE A. M. LE COMTE DU LUC. TEL que le vieux pasteur des troupeaux de Neptune, Protée, à qui le ciel, père de la fortune, Ne cache aucuns secrets; Sous diverse figure, arbre, flamme, fontaine, Des mortels indiscrets; Ou tel que d'Apollon le ministre terrible, Le regard furieux, la tête échevélée, Du temple fait mugir la demeure ébranlée Tel, aux premiers accès d'une sainte manie, L'assaut victorieux : Il s'étonne, il combat l'ardeur qui le possède, Mais sitôt que, cédant à la fureur divine, Alors, tout pénétré de sa vertu suprême, Je n'ai point l'heureux don de ces esprits faciles Et qui, dans la douceur d'un tranquille délire, Des veilles, des travaux, un faible cœur s'étonne : Ne nous vend qu'à ce prix ces traits de vive flamme, C'est par-là qu'autrefois d'un prophète fidèle S'élançait dans les airs, comme un aigle intrépide, Interroger le sort. 1 C'est par-là qu'un mortel, forçant les rives sombres, Heureux si, trop épris d'une beauté rendue, Telle était de Phoebus la vertu souveraine, Mais ce n'est plus le temps, depuis que l'avarice, Ah! si ce dieu sublime, échauffant mon gérie, Si je pouvais du ciel franchir les vastes routes, Je n'irais point, des dieux profanant la retraite, Leurs augustes secrets; Je n'irais point chercher une amante ravie, Enflammé d'une ardeur plus noble et moins stérile Implorer aux enfers ces trois fières déesses Que jamais jusqu'ici nos vœux ni nos promesses Puissantes déités qui peuplez cette rive, Puissent-ils amollir vos superbes courages Non, jamais sous les yeux de l'auguste Cybèle Et jamais la vertu n'a, dans un siècle avare, C'est lui, c'est le pouvoir de cet heureux génie, Qui soutient l'équité contre la tyrannie D'un astre injurieux : L'aimable vérité, fugitive, importune, N'a trouvé qu'en lui seul sa gloire, sa fortune, Corrigez donc pour lui vos rigoureux usages. C'est à vous que du Styx les dieux inexorables Si ces dieux, dont un jour tout doit être la proie, Que vous leur redevez, Ne délibérez plus, tranchez mes destinées, Que vous lui réservez. Ainsi daigne le ciel, toujours pur et tranquille, Et puissent les mortels, amis de l'innocence, C'est ainsi qu'au-delà de la fatale barque, Lachesis apprendrait à devenir sensible, Et le double ciseau de sa soeur inflexible |