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En amour j'étais tout physique.
C'est bien un point essentiel;
Mais ce n'est pas le point unique.
Il est mille façons d'aimer;

Et ce qui prouve mon système,
C'est que la bergère que j'aime
En a mille de me charmer :
Si de ces mille, ma bergère,
Par un mouvement généreux,
M'en cédait une pour lui plaire,

Nous y gagnerions tous les deux. (41)

A MADAME DE ***

2

Qui m'avait demandé une déclaration d'amour

en vers.

EN fait d'amour, sans trop cuider de moi,
N'ai jusqu'ici passé pour malhabile.

Bien le connois, ce dieu sans foi, sans loi,
Qui, de plus belle et sans savoir pourquoi,

Veut prendre encor chez moi son domicile.
Point ne reçois tel hôte en ma maison,

Sous beau semblant, sous doucereux langage,

Cachant noirceur, méditant trahison;
Et plus ne suis à mon apprentissage,
Pour me laisser prendre comme un oison.
Partant, Philis, quand seriez moins cruelle,
Quand à mes yeux offririez plus d'appas;
Je vous l'ai dit, par moi ne verrez pas
De vos amans croître la kyrielle,

Fors en un cas, qui n'est que bagatelle:
Attendez-moi ce soir entre deux draps;
Là, sur ma foi, je vous croirai fidèle
Tant que serez, Philis, entre mes bras .(42),

,*

LA POLITIQUE.

Sous le puissant abri de son bras despotique (43)
Au fond du Vatican régnait la Politique,
Fille de l'intérêt et de l'ambition,

Dont naquirent la fraude et la séduction.
Ce monstre ingénieux, en détours si fertile,
Accablé de soucis, paraît simple et tranquille;
Ses yeux creux et perçans, ennemis du repos,
Jamais du doux sommeil n'ont senti les pavots.
Par ses déguisemens, à toute heure elle abuse
Les regards éblouis de l'Europe confuse:

Le mensonge subtil qui conduit ses discours,
De la vérité niême empruntant le secours,
Du sceau du Dieu vivant empreint ses impostures,
Et fait servir le ciel à venger ses injures. (44)

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LA MOLLESSE.

L'AIR, qui gémit du cri de l'horrible déesse,
Va jusques dans Citeaux réveiller la mollesse.
C'est là qu'en un dortoir elle fait son séjour.
Les plaisirs nonchalans folatrent à l'entour.

L'un petrit dans un coin l'embonpoint des chanoines;
L'autre broie en riant le vermillon des moines:

La volupté la sert avec des yeux

dévots,

Et toujours le sommeil lui verse des pavots.
Ce soir plus que jamais en vain il les redouble.
La mollesse à ce bruit se réveille, se trouble,
Quand la nuit, qui déjà va tout envelopper,
D'un funeste récit vient encore la frapper:
Lui conte du prélat l'entreprise nouvelle.
Aux pieds des murs sacrés d'une sainte chapelle,
Elle a vu trois guerriers ennemis de la paix,
Marcher à la faveur de ses voiles épais.

La discorde en ces lieux menace de s'accroître.
Demain avec l'aurore un lutrin va paraître,

Qui doit y soulever un peuple de mutins.
Ainsi le ciel l'écrit au livre des destins.

A ce triste discours, qu'un long soupir achève, La mollesse, en pleurant, sur un bras se relève, Ouvre un œil languissant, et d'une faible voix, Laisse tomber ces mots, qu'elle interrompt vingt fois O nuit, que m'as-tu dit? Quel démon sur la terre Souffle dans tous les cœurs la fatigue et la guerre ? Hélas! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps' Où les Rois s'honoraient du nom de fainéans, S'endormaient sur le trône, et me servant sons honte, Laissaient leur sceptre aux mains ou d'un maire ou d'un comte? Aucun soin n'approchait de leur paisible cour.

On reposait la nuit, on dormait tout le jour.

Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faisait taire des vents les bruyantes haleines,

Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
Ce doux siècle n'est plus. Le ciel impitoyable
A placé sur leur trône un prince infatigable.
Il brave mes douceurs, il est sourd à ma voix:
Tous les jours il m'éveille au bruit de ses exploits.
Rien ne peut arrêter sa vigilante audace.
L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace.
J'entends à son seul nom tous mes sujets frémir.
En vain deux fois la paix a voulu l'endormir;

Loin de moi son courage entraîné par la gloire,

Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire.
Je me fatiguerais à te tracer le cours

Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours.

Du moins ne permets pas... La mollesse oppressée
Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée,
Et lasse de parler, succombant sous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'oeil, et s'endort. (45)

IL

LE FANATISM E,

L vient, le Fanatisme est son horrible nom : Enfant dénaturé de la religion,

Armé pour la défendre, il cherche à la détruire, Et nourri dans son sein, l'embrasse et le déchire.

C'est lui qui dans Raba, sur les bords de l'Ardon, Guidait les descendans du malheureux Ammou, Lorsqu'à Moloch leur dieu, des mères gémisssantes Offraient de leurs enfans les entrailles fumantes.

Il dicta de Jephté le serment inhumain :
Dans le cœur de sa fille il conduisit sa main.

C'est lui qui, de Calchas ouvrant la bouche impie,
Demanda par sa voix la mort d'Iphigénie.

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