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cx. Il y a des gens qui haïssent, non pour le mal qu'ils ont reçu, mais par celui qu'ils ont fait; et dont la haine se nourrit du mal qu'ils veulent faire encore.

CXIV. L'homme dur, une fois familiarisé avec un juste sacrifice, le trouve plus facile qu'il ne le croyait. Il consent par l'esprit ce qu'il refusait par le cœur.

cxv. On n'est pas à couvert de la calomnie, même par l'inviolabilité d'un généreux malheur.

CXVI. Il y a des gens, si cruellement subjugués, qu'ils arment de leurs conseils ceux qui ont à craindre leur faiblesse.

CXVII. Opprimer avec audace, même avec sagesse, n'est souvent qu'ouvrir sa propre ruine.

CXVIII. Il est une dernière force, par qui se relèvent les opprimés; un dernier écueil des grandes iniquités, qui ne restent pas toujours dans l'ombre et le silence : l'indignation publique.

CXIX. Celui qui manque au respect de son

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rang, n'a pas le droit d'en réclamer les égards.

cxx. Vous êtes convaincu d'une horrible indignité; et vous ne voulez pas qu'on vous en accuse! Sachez porter votre crime, puis que vous avez osé le commettre.

CXXI. Ce n'est pas à moi, votre victime, d'ôter à vos actions les couleurs que vous leur avez données.

CXXII. J'oppose la dignité de mon malheur à l'arrogance de votre oppression.

CXXIII. Avez-vous fait contre moi un acte de barbarie et de perfidie; j'ai le droit de le dire; et vous n'avez pas celui de vous en plaindre.

CXXIV. L'invective appartient à l'oppression, comme la plainte à la douleur (*).

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Sur le cours de la justice, sous Bonaparte.

1. La justice littérale, n'est qu'une justice brutale; elle suppose que la loi consent au

(*) Ce mot est repris des Pensées littéraires ci-dessus.

mal. La justice libérale n'admet pas, dans la loi, la pensée du mal.

II. Il n'y a plus de morale dans la société, quand on détend, par la loi, les obligations naturelles.

III. Le palais tend sans cesse à corrompre les lois par des interprétations dures et grossières; elles prévalent, quand l'opinion publique n'a pas tout son essor. Le palais est l'empire des vues fausses et étroites. Le public est l'asile des idées saines et généreuses; il voit par l'âme, qui rapproche de la haute raison.

IV. Dans les choses publiques et privées, le grand mal est que le choc des intérêts est toujours mêlé du choc des passions, qui faussent la direction des intérêts.

v. Il y a des procès, qui ne sont pas menés comme des affaires, mais comme des complots.

VI. Les gens de palais portent loin la vanité du métier : il n'est pas rare d'en trouver, qui accepteraient, au besoin, la réputation de coquin, plutôt que celle de sot en chicane.

VII. J'ai observé, toute ma vie, que, dans tout ce qu'on appelle accommodement et conciliation, on entend toujours qu'il y ait sacrifice de part et d'autre ; en sorte que, lorsque le puissant se relâche d'une tyrannique prétention, le faible soit obligé de céder de son droit; de même de l'homme raisonnable, avec le fou; de même de l'honnête homme avec le coquin. Prêcher et pratiquer ainsi la conciliation, c'est tout pervertir; c'est faire de la prudence un renfort à l'oppression.

VIII. Rien de mieux que de s'interposer entre des forces inégales; mais cet office vous impose de peser, de tous vos moyens, du côté du juste et de l'honnête.

IX. Les mêmes écrits, sur des questions, qui varient sans cesse par les termes, si ce n'est par les choses, ne seraient plus que de vieux habits, dans des modes nouvelles. En philosophie, en littérature, en politique, au barreau, on abrégerait tout, si on n'écrivait que sur une question fixée.

x. Un certain embarras gêne et obscur

cit l'esprit, on a dans la pensée le mot qu'il faudrait dire; et on ne le dit pas.

XI. Il vient enfin de quelque part; c'est le fruit qui tombe, parce qu'il est mûr; et il en résulte cette adhésion générale, qu'enfante l'apparition de l'évidence, dans une longue et laborieuse recherche.

XII. Plus les dissensions sont petites par l'espèce des âmes et des objets, plus elles sont intraitables.

XII. De grands personnages sont sur la scène; c'est une commotion générale, un célèbre scandale. De quoi s'agit-il? Le plus obstiné des contendans, si ce n'est tous les deux, joue contre lui-même. Il fait, avec fareur, une sottise.

XIV. La froide obstination n'a pas de moins funestes écarts, qu'une sensibilité impétueuse.

xv. Les petites passions, en se mêlant à tout, enfantent souvent de grands maux.

XVI. Les conseils sont responsables, moralement, des troubles, des scandales, quand

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