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PENSÉES

ET RÉFLEXIONS.

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LIVRE SECOND.

OBSERVATIONS MORALES ET POLITIQUES.

1. DANS les choses corrélatives, où est un besoin, est un droit ; où un droit, un devoir. Ce sont là les éternels fondemens de la morale, sur laquelle repose tout l'ordre public.

II. Il y aurait un excellent livre à faire en métaphysique et logique, en politique et morale. Ce serait une explication de toutes ces qualités de l'âme, que nous appelons vertus et vices, qui en contiendrait, à la fois, l'analyse, l'histoire et le tableau (*).

(*) Ce grand et beau travail a été commencé glorieusement par plusieurs écrivains du dix-huitième siècle ; notamment par Saint-Lambert.

J'offre aussi, dans ce recueil, un essai de ce genre: voyez ci-dessous le morceau : de la générosité.

III. Celui qui écrit des ouvrages dramatiques, n'y produit pas, à des traits sensibles, les caractères de son âme. Suivant ses personnages, il adopte, tour à tour, le vice et la vertu ; à chaque instant, il change de formes et de passions.

IV. Le moraliste se montre tout entier; bien moins encore dans ses maximes, que dans la manière de les exprimer. La morale, sortie du cœur, a un accent auquel on ne se méprend pas.

v. La Bruyère a dit: Il y a un goût dans l'amitié, auquel ne peuvent atteindre les gens nés médiocres. Je dirai de même : il y a une élévation, une fierté, une délicatesse dans quelques vues, quelques impressions morales, qui ne sont pas à portée des âmes viles et fausses.

vi. En traçant d'aimables sentimens, nous pensons aux personnes qui nous les ont inspirés ceux qui sont dignes de les adopter, savent aussi pour qui ils les recueillent dans leur cœur.

VII. Des esprits incapables d'ajouter un

nouveau poids, un nouveau développement aux idées saines, se jettent dans les idées absurdes et odieuses; comme étant la pâture naturelle d'un talent faux et mauvais. Ce choix est plus forcé, qu'il ne le paraît.

VIII. Si la religion, qui répand tant de consolation dans le cœur de l'homme, en lui offrant, au-delà du tombeau, la récompense de ses vertus, et en prolongeant ses destins dans l'éternité, est le plus grand bienfait du créateur de l'univers disons plus; si la religion est, sinon la source, du moius le meilleur appui de la morale; s'il importe que les devoirs des gouvernans et des gouvernés trouvent une sanction de plus dans les promesses et les menaces d'une autre vie; si les ministres des cultes puisent, dans les principes de leur état et dans les exemples qu'ils se transmettent, la nécessité et l'habitude de se regarder comme les pères des pauvres et les amis des malheureux; aux yeux du chrétien, aux yeux du philosophe aussi, les hommes, chargés de répandre les secours et les bienfaits de la religion, exercent une réelle magistrature,

d'autant plus sacrée que, par essence, elle doit être désarmée de tout pouvoir civil; et ce serait une injustice, une ingratitude, une immorale inconséquence, de ne pas les soutenir, dans toutes leurs vertus, par les soins protecteurs du gouvernement et par tous les respects de la société.

IX. Sans doute, les richesses ne sont favorables ni aux vertus, ni aux talens; mais l'indigence leur convient-elle davantage? Elles les dégrade, si elle ne les corrompt pas. Le mérite, comme le bonheur, n'est en sûreté, que dans une décente médiocrité.

x. La sagesse politique n'a rien de bon, qu'une piété saine et éclairée n'adopte et ne

consacre.

xi. L'homme est naturellement religieux; il est né pour la crainte et l'espérance; il a besoin de croire et d'aimer.

XII. Les vertus, nées de la religion, se cachent dans la religion même.

XIII. Ames viles, qui n'estimez que le triste et morne repos de la servitude, dé

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