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de la science humaine se sont recherchées, rattachées, refondues; et qu'elles ne tendent plus qu'à cette savante concentration, qu'une institution politique peut seule leur donner, et qui sera le dernier degré de leur puis

sance.

C'est de lui que la science humaine a reçu, sa plus belle destination, par l'entreprise de l'amélioration sociale. La philosophie du dix-septième siècle avait semblé composer avec tous les préjugés, et borner la destinée des nations à l'état de choses existant, qu'elle n'avait pas eu le courage d'examiner. Celle du dix-huitième n'a voulu relever que des vérités; ou, pour parler moins témérairement, et par-là plus philosophiquement, de ses scrutations de la vérité; elle ne les a pas toujours faites avec justesse, avec candeur, ni même avec d'heureux résultats; il s'en faut bien : elle a poussé partout cette enquête, sans la terminer nulle part; elle a tout remué dans le domaine du goût, comme dans celui de la science; dans la polique, comme dans la morale; elle a tout ébranlé, peu refait, encore moins affermi elle n'a fait que tout préparer pour un siè

ele encore plus riche, plus fort, plus heureux. Ce fut un mal dans le bien; mais le remède est dans la chose même. Après l'exemple de l'audace, elle donne le besoin de la sagesse dans le courage. Laissons s'accomplir l'œuvre commencée; il serait déjà trop tard, pour l'arrêter; ce n'est plus que les saines acquisitions de la philosophie, qu'il faut opposer aux erreurs de la philosophie.

Sur le talent philosophique.

1. Il y a une aptitude naturelle à la philosophie, comme à la poésie et à l'éloquence. Vous distinguerez l'homme né pour ce genre de mérite, à un profond amour, à un juste discernement de ce qui est vrai, bon et utile;

A une sorte d'instinct qui le porte vers de grandes pensées;

A un besoin, non moins impérieux, de ne les chercher que dans la nature des choses; de les dégager de l'illusion naturelle, avec laquelle elles se produisent, d'abord, de l'exagération, qui n'en ferait que de funestes

erreurs;

Au soin de ne les offrir à la pratique, qu'après les avoir assorties à l'ordre positif où elles doivent entrer; qu'après avoir vérifié leurs principes, prévu et assuré leurs effets.

II. Les théories sans preuves, les systèmes purement hypothétiques, sont à la philosophie, ce qu'est la déclamation à l'éloquence, et le bel esprit à la poésie.

III. Il y a une réunion nécessaire de force et de netteté, d'étendue et de justesse, dans les vues du philosophe.

IV. C'est par-là qu'elles obtiennent, tôt ou tard, cet attrait qui y attache et y rappelle les bons esprits.

v. C'est par ce riche et solide fonds, que l'homme, digne des recherches philosophiques, est presque toujours un bon écrivain; qu'il sait éclairer, animer, embellir ses idées de tout ce qui peut leur donner tout leur prix.

VI. Les défauts d'un homme né philosophe, sont encore des mérites, et donnent,

quelque temps; une funeste autorité à ses

erreurs.

VII. A force de puissance pour saisir la vérité, il peut se livrer trop à l'attrait de la deviner, au lieu de se soumettre au soin de la chercher et à la patience de l'attendre: tel fut Descartes.

VIII. Avec une âme qui se passionne, avant d'avoir tout observé, il peut admettre ou rejeter certaines idées; n'employer sa force et sa chaleur, qu'au gré de certaines affections, dont il eût dû se défier: tel fut Rous

seau.

IX. Avec un esprit éminemment riche, facile et mobile, qui enlève, d'un premier regard, les premières vues d'une matière, il peut s'y tenir et ne pas creuser bien avant: tel fut Voltaire.

Sur l'Eloquence judiciaire.

1. Direz-vous à un homme doué de l'éloquence: Renonce à cette puissance qui est en toi; je te défends de m'échauffer ou de m'attendrir?

II. Il n'est aucune manière de se communiquer, où l'homme fait pour émouvoir, ne porte involontairement son ascendant naturel.

Ce qu'il ne dirait pas sous une forme, il le dirait sous une autre. Ce qu'il voudrait taire, on l'entendrait dans les accens d'une âme contrainte ou déchirée; on le lirait dans ses regards, et jusque dans son silence.

En lui, tout sait parler et toucher.

П. Supposez un peuple où les mœurs renforceraient toujours les lois ou les suppléeraient; où celles-ci seraient peu nombreuses, bien liées entre elles, égales pour tous; simples, comme toutes les choses bien conçues ou déjà perfectionnées; dignes enfin d'être jetées, comme les premières notions, dans la mémoire des hommes: chez un peuple pareil, la science de nos jurisconsultes, l'éloquence de nos orateurs seraient des avantages inutiles ou funestes.

Iv. Dans notre forme d'administrer la justice, il faut choisir entre l'éloquence et la chicane.

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