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inscrivant, fastueusement, dans les écrits publics.

Certes, c'est bien mal servir la vertu, que de lui prodiguer une récompense, qu'elle n'a pas dû se proposer: et n'est-ce pas troubler son bonheur, que d'y faire entrer de la vanité? Sans doute, il est des actions qui honorent l'humanité, et qu'il faudrait graver sur les monumens les plus solennels; mais il est aussi des vertus plus simples, qu'il faut laisser sous le voile qui les cache; elles font, dans l'intérieur des familles, l'entretien de ceux qui en furent les témoins; leur doux souvenir prolonge et embellit les regrets de l'amitié; voilà leur digne prix; voilà la gloire qui leur est propre.

L'éloge des vertus privées de madame Élie de Beaumont, est dans la tendre estime d'un grand nombre de personnes respectables de tous les rangs, de qui elle a été connue. Celles qui l'ont approchée, de plus près, savent combien son inaltérable douceur; sa politesse vraie et noble ; une gaîté animée ; un excellent esprit; une instruction plus solide encore qu'étendue; une mémoire rare; la connaissance et le goût de presque

le

tous les talens; une élocution facile; un heureux mélange de prudence et d'abandon; ton de la meilleure compagnie; et une figure, qui n'était pas celle de la beauté, mais celle de la vertu, rendaient son commerce intéressant. Elles ont pu aussi voir ou éprouver souvent, quel cœur elle avait pour les malheureux, dont l'état de son mari et sa sensibilité l'approchaient, plus qu'une autre; pour les personnes qui étaient dans sa dépendance; pour celles, dont le bonheur était plus particulièrement confié à ses soins et à sa tendresse ; et pour ses amis, qu'elle conseillait, qu'elle soulageait, au moins, par les plus tendres consolations; dont elle s'occupait dans ses heures solitaires; et qui la revoyaient, le lendemain, avec un projet pour leur bonheur, ou un succès, déjà ob

tenu.

Au milieu de toutes les peines qui ont troublé sa vie, elle a eu un bonheur, qui lui convenait bien ; celui d'être unie au sort d'un homme, qui devait arriver de bonne heure à une des plus belles réputations du barreau.

Autant il est triste et cruel pour une

femme d'une âme élevée et délicate, d'un esprit distingué, d'appartenir à un mari étranger à toute espèce de gloire et de mérite; autant il lui est doux d'être associé à cette considération, où les talens, les vertus, les services conduisent les avocats du premier ordre. Alors, elle trouve dans sa maison ces nobles intérêts, dont elle a besoin; et elle peut aimer d'avantage un mari, dont elle s'honore. Heureux aussi l'homme de talent, l'homme de mérite, habitué à trouver dans la compagne de sa vie, des idées et des sentimens, qui relèvent son âme; animent son génie; qui voit autour de lui l'estime et l'amitié s'accroître, sans cesse, pour la personne qu'il chérit le plus; et qui peut, à son tour, se couvrir du respect et de l'intérêt qu'elle inspire!

Qui saura jamais toutes les peines que peut éprouver une femme tendre et sensible, chez qui tous les chagrins sont plus vifs et plus profonds; et qui souffre encore des maux de toutes les personnes qui lui sont chères ?

Mais ces âmes trouvent souvent en ellesmêmes de grandes sources de bonheur. Leur manière d'aimer un père, un fils, un époux,

est remplie de délices, qu'elles seules connaissent ; et loin de s'épuiser dans ces vives; dans ces premières affections, elles savent encore se répandre dans d'autres sentimens.

Tous les cœurs qui aiment, sont aimés; il n'y a que les hommes froids et égoïstes, qui vivent dénués d'intérêt et d'attachement. Mais l'estime et la bienveillance, obtenues et rendues, ne composent qu'une amitié ordinaire. Il en est une autre, pour laquelle peu de gens sont faits; et que bien peu de ceux qui en seraient dignes, trouvent à former. C'est dans celle-ci que vous avez toujours un objet où reposer votre cœur; qui assiste à vos actions, à vos rêveries; pour qui vous recueillez toutes les pensées, tous les sentimens, qui ont occupé et agité votre âme; et de qui vous attendez tout ce que vous lui réservez. L'existence se double dans ces unions seules intimes, qui se forment de ce qu'il y a de pur dans les passions, d'aimable dans la sagesse; après la douceur de l'épanchement, vous y goûtez celle des affections partagées; vous y jouissez, de tout ce qu'il y a de bon et de varié dans des âmes qui s'entendent; de tout ce qu'elles s'empruntent;

surtout d'une conscience qui s'épure, et s'ennoblit sans cesse, par le bonheur qu'elle reçoit.

Il fut accordé à la digne femme, dont je fais l'éloge, d'éprouver et d'inspirer cette espèce d'amitié, dans laquelle c'est une faveur des cieux de mourir le premier; et qui ne laisse plus dans la vie, d'autre bonheur, que le charme des regrets et des souvenirs.

Toutes les vertus de madame Élie de Beaumont venaient de l'inépuisable bonté, qui faisait son caractère. Elle portait la bonté à un excès, qui mérite d'être remarqué.

Née avec une sensibilité très-prompte et très-vive, tout l'affectait fortement ; et souvent jusqu'à la douleur et l'impatience. Mais, persuadée que la douceur et la complaisance étaient les vertus particulières de son sexe, elle s'était fait une loi, dès sa jeunesse, d'immoler toujours ses goûts; de dissimuler ses peines; de ne laisser échapper ni plaintes, ni reproches; dans les affaires, dans les amusemens de la société, la crainte de chagriner ou celle de déplaire la tenait sans cesse attentive à ce que désiraient les autres; elle n'en exigeait rien ; elle en souffrait tout; elle re

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