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c'est pour

» devenir fort et sage; le genre >> humain tout entier. Tu portes l'image de » l'ordre dans ta pensée; c'est pour le » faire régner dans toute la grande société. >> Adopte tous les malheureux; les dieux ont » bien montré qu'ils t'aimaient, lorsqu'ils » ont imposé à ton courage le soin de les >> protéger ou de les venger. Ministre des >> dieux dans cet auguste emploi, étouffe >> dans ton cœur toute pensée injuste, » comme un sacrilége. Ne cherche que >> dans ta conscience le profit de tes bonnes >> actions. Et, pour remplir tout le devoir » de l'homme de bien; sois toujours prêt, >> suivant l'occasion, à vivre ou à mourir. »

Long-temps elle n'enseigna que des subtilités métaphysiques et morales. Mais dans les extravagances mêmes de cette doctrine, on respirait déjà je ne sais quoi d'étrange et d'élevé, qui tirait l'homme des routes communes; elle lui proposait une perfection idéale; mais elle présumait beaucoup de son courage.

Il lui fallait une époque, qui mît dans une lutte vigoureuse les bons et les méchans. Cette époque arriva. Le stoïcisme passa de

la Grèce à Rome, où des citoyens puissans se disputaient la tyrannie et achevaient d'opprimer le monde, au milieu des guerres civiles; tandis que d'autres citoyens avaient osé embrasser l'espoir de maintenir la liberté et de ramener les mœurs anciennes. De pareils hommes ne pouvaient goûter dans le stoïcisme que ces maximes fières et généreuses, dont il armait leur vertu; le reste, ils l'abandonnaient à ceux qui faisaient des dispositions philosophiques une profession oisive et mercenaire.

Le stoïcisme eût fait un grand progrès, dès qu'il put s'autoriser de grands exemples; le monde n'avait pu croire à ce prodige; dès qu'il crut, il adora; et les gens de bien se jetèrent tous dans une doctrine, qui portait leurs âmes à une hauteur, où la servitude universelle ne pouvait les atteindre. Lorsque l'empire du monde fut tombé à ces tyrans féroces et ombrageux, devant qui on ne pouvait se racheter de l'estime publique, que par la plus servile adulation, le stoïcisme forma des hommes, qui ne craignirent pas de les braver par leur renommée; et qui osèrent, en leur présence, couvrir leur front

de l'indignation de la vertu. Dans ces temps où il n'était plus permis de bien vivre, il enseignait du moins à bien mourir. Le stoïcisme n'était plus une secte, c'était la religion des gens de bien. Les Néron, les Domitien lui firent une guerre acharnée; la vénération des peuples en augmenta; et on le vit enfin monter sur le trône, avec ces empereurs, qui furent non seulement les modèles des princes, mais encore les plus parfaits des hommes.

LA CHEVALERIE.

AINSI une institution philosophique a fait la gloire du genre humain, dans l'époque de la plus grande dégradation des peuples et des gouvernemens. Une autre institution, amenée par divers hasards, dans les temps modernes, a produit aussi, dans les mœurs de l'Europe, une régénération, dont les principes et les effets présentent avec ceux du stoïcisme, un parallèle inté

ressant.

Retraçons-nous cette époque, où les barbares se débordant de toutes les limites du

monde, vinrent couvrir tous les pays policés de leur ignorance et de leur férocité. Les lois, les mœurs, les arts, les vertus, la religion même, tout périt ou se pervertit. Les hommes ne sont plus ni dans l'état de barbarie, ni dans celui de civilisation; mais dans un état nouveau et encore indéfini, composé uniquement de ce que ceux-ci avaient de mauvais.

la

Cependant du sein de tant de maux, s'élève une institution secourable et glorieuse. De nouveaux Alcide, de nouveaux Thésée combattent les oppresseurs, comme les autres combattaient les monstres. Le genre humain se retrouve, encore une fois, sous protection des hommes forts et généreux. Je les vois se consacrer à la défense des faibles; s'associer, sous le simple empire des sermens, des cérémonies et des fêtes; de barbares devenir des héros; polir leurs mœurs, sans les lumières; former, sur chaque point de l'Europe, une confédération armée, contre les abus de ces tyrannies féodales, dont ils étaient à la fois les fondateurs, les réparateurs et les martyrs. Heureux, s'ils eussent connu ce qui est vraiment noble et grand!

Ces intrépides paladins étaient tout à l'amour et à l'honneur; mais jamais l'amour n'eut tant de folie, ni l'homme tant de faux principes.

Influence diverse de ces deux institutions.

MAINTENANT, comparons tous les beaux caractères, dont les annales des nations nous ont conservé les faits et la gloire, dans ces deux époques; l'une de la chute des républiques antiques, l'autre du premier déve loppement de la civilisation moderne; et observons l'influence diverse de ces deux

institutions. Nous verrons que, dans ces époques, elles président aux vertus, qu'elles modifient les caractères; qu'elles en forment jusqu'à la couleur.

Par le stoïcisme, nous voyons des actions simples, grandes, sévères, qui paraissent passer et le devoir et les forces de l'homme.

Par la chevalerie, des actions brillantes et héroïques, où je ne sais quoi hors du bon sens; je ne sais quelle folie de l'âme fait admirer et aimer des choses, qu'on désapprouve et qui affligent.

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