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de leurs alliés, oublient leur fidélité et leur courage. »

A l'instant, il fait introduire devant le peuple les ambassadeurs Perses; et étendant la main vers le soleil : « Sache votre maître, que tant que cet astre continuera sa course, les Athéniens seront ses mortels ennemis, pour le ravage de leurs terres, l'incendie de leurs maisons, et la destruction des temples de leurs dieux. »

Ce peuple était alors également magnanime et dans les succès et dans les revers. Après l'illustre victoire de Salamines, Thémistocle lui annonce qu'il a un projet d'une haute importance; mais qui ne peut être expliqué publiquement. Quel autre qu'Aristide méritait d'être l'arbitre des desseins du sauveur de la Grèce? Il écoute cette confidence, et revenant au peuple : « Rien de plus utile, mais rien de plus injuste que le projet de Thémistocle. » Un cri unanime ordonne à celui-ci de se désister. Ainsi un peuple entier, sur la foi d'un seul homme, comme un sage et vertueux magistrat, méconnaît tout intérêt personnel, et n'adopte pour règle que l'équité.

Les nations assemblées ont, seules, des récompenses dignes d'un tel mérite. Dans ces jeux naissans du théâtre, où assistait toute la Grèce, on trace le portrait du véritable homme de bien, de celui qui ne songe pas à paraître vertueux, mais à l'étre. Le spectacle s'interrompt: et dans le recueillement de l'amour et du respect, tous les regards s'arrêtent sur Aristide.

Il est vrai qu'il fut exilé. Mais l'exil, dans sa patrie, n'était qu'un aveu jaloux des hautes qualités; une sorte de défense démocratique contre l'aristocratie naturelle des services et des réputations.

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Il est vrai encore qu'il vécut et mourut pauvre. Mais il avait fait de sa pauvreté la sauvegarde et la décoration de son caractère; et nous devons en penser, comme ses concitoyens. Il avait un parent très-riche qui fut traduit devant le peuple, pour avoir laissé dans l'indigence l'honneur de leur famille. Il vint rendre témoignage de ses refus d'être enrichi par Callias; et les Athéniens se retirèrent, en disant : « Il vaut mieux étre pauvre comme Aristide, que riche comme Callias. »

Mais, s'il ne fallait pas être riche comme ce Callias, il était beau de l'être comme le grand et le généreux Cimon! Quel touchant contraste dans la vie de deux grands hommes de la même nation et de la même époque! Cimon ne sortait de ses foyers, qu'environné d'amis, chargés de prévenir les demandes timides par des libéralités honorables; et dans les temps calamiteux, sa maison, ses domaines étaient ouverts, comme une propriété publique : dans ses bienfaits, c'était la grandeur d'un roi ; dans ses mœurs, c'était la frugalité d'un Spartiate. La plus humble demeure, le plus chétifvêtement suffisaient à Aristide; et il fit à sa patrie cet honneur de lui laisser ses funérailles à payer, et sa fille à doter.

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SOCRATE.

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CE portrait est tiré d'un ouvrage inédit de l'auteur: Études sur le style, soumises à l'examen de l'Académie française, où l'auteur discute les trois plus excellens hommes de Montaigne : Homère, Socrate, Alexandre, en suivant les sujets dans les écrivains des siècles suivans. Ce morceau, venant à la suite d'une discussion sur le style de Montaigne, on a essayé d'en reproduire quelques vieilles expressions.

Si la poésie, chez les anciens, a été si haute, si pleine, si féconde, dès son début, par Homère, la morale aussi n'a-t-elle pas reçu, par Socrate, de bien augustes rudimens?

Je me frappe de quelques vues sur ce père de la sagesse, qui, en le signalant par tout ce qui lui fut propre, montrent en lui l'homme de son siècle et de sa nation.

Déjà toutes les sciences, tous les arts, toutes les études se développent, attirent,

passionnent les esprits supérieurs ; et se versent même dans les esprits vulgaires. Il n'a ni l'injustice, ni le fol orgueil de les dédaigner; il y pénètre, jusques au point où il le faut, pour reconnaître combien elles restent encore, pour la plupart, vaines et stériles; pour y apprendre le doute; et s'en armer, comme de la première science; pour distinguer et embrasser, de préférence, celle qui est toujours si près et si loin de nous; qui, par la pureté du cœur, conduirait à la rectitude de l'esprit : c'est dans la morale qu'il se renferme; c'est elle qu'il veut faire prévaloir.

Placé dans une époque où la simplicité des mœurs anciennes, et l'énergie des vertus républicaines cédaient à l'ivresse de la gloire politique ; à cet avancement de toutes les choses sociales, qui les fait déjà toucher à leur détérioration, quand un continuel perfectionnement des institutions publiques ne rattache sans cesse au bien, des progrès, qui se détournent vers le mal, il avait pour contradicteurs, dans son entreprise, les sophistes de son temps; cette espèce d'hommes, qui naît toujours des lumières même,

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