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l'héroïsme du citoyen; l'humanité fut bannie de ses vertus; les affections de la nature, de ses mœurs; et la douce pudeur, de ses fêtes et de ses plaisirs. Son empire, dans la Grèce, fut souvent protecteur, mais toujours odieux; et quelquefois aussi insupportable que la tyrannie.

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Ce Portrait a été composé en 1782, retouché en 1816.

CONTEMPLONS la Grèce dans cette époque des grands événemens et des grands hommes, où, réunie par la défense de la liberté, elle repoussait la domination des Perses, par tant de prodiges de courage et de vertu. J'y remarque un héros et un sage, qui, sans paraître le premier de ses contemporains, en fut le meilleur et le plus utile; c'est le juste Aristide.

Dès que l'histoire nous le montre, c'est au milieu des affaires de son pays. Mais tous les moyens de le servir ne lui convienil n'appartient à aucune faction, de peur d'avoir des amis ou des ennemis, aux dépens du bien public.

nent pas;

Jamais, ni intérêt, ni ressentiment ne souillent son cœur pur et généreux. On l'accuse devant ses concitoyens : sa justification

couvre d'opprobre son accusateur et soulève contre lui la haine publique. L'homme de bien va être vengé; mais l'homme de bien ne souffrira pas que les mouvemens de la passion viennent altérer en sa faveur la sévère impartialité de la justice; il devient le protecteur de son ennemi; il le ramène à leurs juges, et les supplie de l'entendre et de lui pardonner.

Un jour, qu'il est assis lui-même sur le tribunal, un citoyen lui dit : « Aristide l'homme que je poursuis t'a fait aussi beaucoup de mal. » — «Dis celui qu'il t'a fait ; car je suis ici pour te rendre justice, et non pas à moi. »

Sa douce et sincère éloquence a proposé un décret, que le peuple vaconsacrer par ses suffrages; mais, tout à coup, éclairé par les contradictions de ses adversaires : «Arrêtez, citoyens, s'écrie-t-il, je me rétracte; écoutez ceux qui vous conseillent bien, et non pas ceux qui se trompent. »

Thémistocle, son antagoniste, joint des vertus à de plus grands talens. Mais, souvent utile, il est quelquefois dangereux. Dans les assemblées publiques, Aristide est pour

lui un censeur vigilant; à l'armée, il est son plus fidèle soldat : c'est ainsi que, la veille de la bataille de Salamines, il vient, la nuit, apporter à son rival, un avis, qui assure à celui-ci tout l'honneur de la victoire. Faut-il toujours rencontrer l'ingratitude des peuples, dans les beaux faits des grands hommes! Aristide aussi va subir l'ostracisme. C'est ici que j'aperçois, tout ensemble, dans une courte scène, restée fameuse, ce que le cœur humain peut renfermer et de plus vil et de plus grand. Voyez ce paysan de l'Attique, qui l'aborde, en le priant d'écrire pour lui le nom, qu'il vient de vouer à la proscription. « Mon ami, et quel mal as-tu donc reçu d'Aristide? »—« Aucuni je ne le connais pas mais il me fáche de l'entendre sans cesse appeler le Juste. Le juste remplit paisiblement la demande de cet obscur ennemi de la vertu ; et levant les yeux au ciel: « Fassent les dieux que les mauvaises affaires des Athéniens ne les forcent pas de rappeler Aristide!

O combien la vertu est auguste dans ces mouvemens de l'âme, dans ces démarches naïves et passionnées, qui font la beauté

particulière des mœurs antiques! Représentons-nous Aristide, à ce moment, où, capitaine général des Athéniens, il lui est échu de combattre celles des villes grecques, qui tiennent du côté des Perses. Son cœur s'épouvante du combat fratricide qui va se livrer; il s'élance entre les armées; et le visage baigné de larmes : « O Grecs, souvenez-vous de votre patrie; voyez, des deux côtés, qui vous allez combattre : voulezvous arroser de votre sang les champs de la Grèce, en présence de ses dieux! » Les deux armées mettent bas les armes et traitent de la paix.

Beaux jours de Marathon, de Salamines et de Platée, c'est dans vos fastes que je lis la vertueuse déférence des Athéniens aux saints conseils d'Aristide. Le grand roi ne veut plus détruire Athènes ; il veut se réconcilier avec elle; il veut lui donner l'empire de la Grèce. Les Spartiates, alarmés, députent à Athènes ; voici la réponse que leur fait Aristide : « Les Athéniens pardonnent à un roi barbare d'avoir cru toute chose vénale; mais ils se plaignent des Lacédémoniens qui, ne considérant que la détresse présente

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