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rest. D'Escherny-who, as has already been indicated, was no partisan -saw more clearly into the general drift of Rousseau's arguments than any of the others.

With Joseph de Maistre and Constant, we come to the first stage in the reaction against Rousseau's influence; the former leading the revolt in the name of Catholicism and historical tradition; the latter following, as the champion of individualist liberalism, pure and simple. Thus, by the time of Napoleon's fall, the two main charges which have subsequently been pressed against Rousseau-that he is at once the unyielding champion and the bitter enemy of individualism, at once the unsparing assailant and the slavish worshipper of the State-had already been launched; in both cases with great ability and with passionate conviction.

Side by side with de Maistre must be placed the far greater figure of Burke, who anticipated all that is vital in his criticisms, cast them in a less sectarian form and reinforced them with a whole world of ideas, the fruit of long experience and reflection, to which the brilliant master of paradoxes was an utter stranger. To assail the individualist side of Rousseau's doctrine is the burden of all Burke's earlier pieces, from the Reflections to the Appeal from the new to the old Whigs. In his final assault however, the Letters on a Regicide Peace, he suddenly changes the issue and for the first time challenges the opposite strain in Rousseau's argument, the exaltation of the State at the expense of the individual. What is the reason of this apparent inconsistency? The answer is that Burke never concerned himself with theory until it had translated itself into practice; and that, if he changed his front, it was because the revolutionists had previously changed theirs. The Regicide Peace was the first writing he composed after the Jacobin triumph of 1793-4. And it was that triumph which first stamped the anti-individualist theory as a force to be seriously reckoned with in the field of action. Proudhon too, it may be noted, throws the same double challenge in the face of Rousseau. To him, as to Burke, Rousseau is no less hateful as anti-individualist than as individualist. His tirade, however, like Lamartine's, draws its strength rather from the name of the author than from its own inherent force.

In the main, it may be said that subsequent criticism, with less exaggeration and more attempt at comprehension, has followed the lines marked out by Burke and the two earliest of his French followers. One army of critics-from first to last it has been specially strong upon French soil-has assailed Rousseau on the ground that 'individuality is left out of his scheme of government-the State is all in all.' Another, ignoring (with Burke and de Maistre) the more conservative and historical strain in his theory, has seen in him little but a pure revolutionary and iconoclast. This, it would seem, is the charge that has weighed most with Lord Morley; it has also counted for much, though by no means for all, in the more sympathetic estimate of M. Faguet. In both charges, it must be admitted, there is a considerable element of truth. Both must be faced by all who desire to grasp the problem, as it presented itself to Rousseau. Both must be carefully weighed by all who would seek to understand the answer which he gave it.

The weak spot in all these writers-a partial exception must be made in favour of M. Faguet-is that they still think too much as

partisans. And the reason is that, with the one exception mentioned, they make no serious attempt to put Rousseau in his historical setting, to fix his place in the development of political theory, to sift out the more fruitful elements of his doctrine and to determine the part, both for good and for evil, which his influence has played in the history of political ideas.

The defect has been made good by the small band of thinkersphilosophers both by instinct and training-who still remain on our list by Paul Janet and M. Beaulavon in France; by Professor Höffding in Denmark; by T. H. Green and Mr. Bosanquet in our own country. Their work is supplemented by another small band of scholars who have devoted themselves to the study of Rousseau's political and religious ideas. Of these, M. Beaulavon, M. Windenberger, M. Schinz, and the late M. Maurice Masson deserve special attention. The last,

in particular, has written the best book about Rousseau which has yet appeared. It is lamentable that a life so rich in promise should have been cut off so early.

The general drift of all the more competent critics, from Janet onwards, has been to insist that the truly distinctive and original strain in Rousseau's contribution to political philosophy lies in his exaltation of the State, and to judge him accordingly.

As for Histories of the Revolution-and the better they are the more light they throw upon the influence of Rousseau-that of M. Aulard (3rd edition, Paris, 1905) will be found the most instructive.

APPENDIX

FIRST DRAFT OF THE CONTRAT SOCIAL (Geneva MS. français, 225)

CHAP. II. De la société générale du genre humain.1 COMMENÇONS par rechercher d'où naît la nécessité des institutions politiques.

La force de l'homme est tellement proportionnée à ses besoins naturels et à son état primitif que, pour peu que cet état change et que ces besoins augmentent, l'assistance de ses semblables lui devient nécessaire ; et quand enfin ses désirs embrassent toute la nature, le concours de tout le genre humain suffit à peine pour les assouvir. C'est ainsi que les mêmes causes qui nous rendent méchants nous rendent encore esclaves et nous asservissent en nous dépravant. Le sentiment de notre faiblesse vient moins de notre nature que de notre cupidité: nos besoins nous rapprochent à mesure que nos passions nous divisent; et plus nous devenons ennemis de nos semblables, moins nous pouvons nous passer d'eux. Tels sont les premiers liens de la société générale; tels sont les fondements de cette bienveillance dont la nécessité reconnue semble étouffer le sentiment, et dont chacun voudrait recueiller le fruit sans être obligé de la cultiver. Car, quant à l'identité de nature, son effet est nul en cela; parce qu'elle est autant pour les hommes un sujet de querelle que d'union, et met aussi souvent entre eux la concurrence et la jalousie que la bonne intelligence et l'accord.

De ce nouvel ordre de choses naissent des multitudes de rapports sans mesure, sans règle, sans consistance, que les hommes altèrent et changent continuellement, cent travaillant à les détruire pour un qui travaille à les fixer. Et comme l'existence relative d'un homme dans l'état de nature dépend de mille autres rapports qui sont dans

1 This chapter on natural law is reproduced here, not only because it is an exceedingly remarkable piece of argument, but also because, without it, it is hardly possible to understand what Rousseau conceived to be the motives which drove men from the state of nature to the civil state. See Note to Book I. Chap. vi.

un flux continuel, il ne peut jamais s'assurer d'être le même durant deux instants de sa vie; la paix et le bonheur ne sont pour lui qu'un éclair; rien n'est permanent que la misère qui résulte de toutes ces vicissitudes. Quand ses sentiments et ses idées pourraient s'élever jusqu'à l'amour de l'ordre et aux notions sublimes de la vertu, il lui serait impossible de faire jamais une application sûre de ses principes dans un état de choses qui ne lui laisserait discerner ni le bien ni le mal, ni l'honnête homme ni le méchant.

La société générale, telle que nos besoins mutuels peuvent l'engendrer, n'offre donc point une assistance efficace à l'homme devenu misérable; ou du moins elle ne donne de nouvelles forces qu'à celui qui en a déjà trop, tandis que le faible, perdu, étouffé, écrasé dans la multitude, ne trouve nul asil où se réfugier, nul support à sa faiblesse, et périt enfin victime de cette union trompeuse dont il attendait son bonheur.

[Si l'on est une fois convaincu que, dans les motifs qui portent les hommes à s'unir entre eux par des liens volontaires, il n'y a rien qui se rapport au point de réunion; que, loin de se proposer un objet de félicité commune d'où chacun pût tirer la sienne, le bonheur de l'un fait le malheur d'un autre ; si l'on voit enfin qu'au lieu de tendre tous au bien général ils ne se rapprochent entre eux que parce que tous s'en éloignent: on doit sentir aussi que, quand même un tel état pourrait subsister, il ne serait qu'une source de crimes et de misères pour les hommes dont chacun ne verrait que son intérêt, ne suivrait que ses penchants et n'écouterait que ses passions.]1

Ainsi, la douce voix de la nature n'est plus pour nous un guide infaillible, ni l'indépendance, que nous avons reçue d'elle, un état désirable ; la paix et l'innocence nous ont échappé pour jamais avant que nous en eussions goûté les délices. Insensible aux stupides hommes des premiers temps, échappée aux hommes éclairés des temps postérieurs, l'heureuse vie de l'âge d'or fut toujours un état étranger à la race humain, ou pour l'avoir méconnu quand elle en pouvait jouir, ou pour l'avoir perdu quand elle aurait pu le connaître.

Il y a plus encore: cette parfaite indépendance et cette liberté sans règle, fût-elle même demeurée jointe à l'antique innocence, aurait eu toujours un vice essentiel, et nuisible au progrès de nos plus excellentes facultés : savoir, le défaut de cette liaison des parties qui constitue le tout. La terre serait couverte d'hommes, entre lesquels il n'y aurait presque aucune communication; nous nous toucherions par quelques points, sans être unis par aucun; chacun resterait isolé parmi les autres, chacun ne songerait qu'à soi; notre entendement ne saurait se développer; nous vivrions sans rien sentir, nous mourrions sans avoir vécu; tout notre bonheur consisterait à ne pas connaître notre misère; il n'y aurait ni bonté dans nos cœurs ni moralité dans nos actions, et nous n'aurions

1 The whole of this paragraph is cancelled in the manuscript, and replaced by Ainsi, etc.

jamais goûté le plus délicieux sentiment de l'âme, qui est l'amour de la vertu.

[Il est certain que le mot de genre humain n'offre à l'esprit qu'une idée purement collective, qui ne suppose aucune union réelle entre les individus qui le constituent. Ajoutons-y, si l'on veut, cette supposition: concevons le genre humain comme une personne morale ayant, avec un sentiment d'existence commune qui lui donne l'individualité et la constitue une, un mobile universel qui fasse agir chaque partie pour une fin générale et relative au tout. Concevons que ce sentiment commun soit celui de l'humanité, et que la loi naturelle soit le principe actif de toute la machine. Observons ensuite ce qui résulte de la constitution de l'homme dans ses rapports avec ses semblables: et, tout au contraire de ce que nous avons supposé, nous trouverons que le progrès de la société étouffe l'humanité dans les cœurs, en éveillant l'intérêt personnel, et que les notions de la loi naturelle, qu'il faudrait plutôt appeler la loi de raison, ne commencent à se développer que quand le développement antérieur des passions rend impuissants tous ses préceptes. Par où l'on voit que ce prétendu traité social, dicté par la nature, est une véritable chimère; puisque les conditions en sont toujours inconnues ou impraticables, et qu'il faut nécessairement les ignorer ou les enfreindre.

Si la société générale existait ailleurs que dans les systèmes des philosophes, elle serait, comme je l'ai dit, un être moral qui aurait des qualités propres, et distinctes de celles des êtres particuliers qui la constituent; à peu près comme les composés chimiques ont des propriétés qu'ils ne tiennent d'aucun des mixtes qui les composent. Il y aurait une langue universelle que la nature apprendrait à tous les hommes, et qui serait le premier instrument de leur mutuelle communication. Il y aurait une sorte de sensorium commun qui servirait à la correspondance de toutes les parties. Le bien où le mal public ne serait pas seulement la somme des biens ou des maux particuliers, comme dans une simple agrégation, mais il résiderait dans la liaison qui les unit; il serait plus grand que cette somme; et, loin que la félicité publique fût établie sur le bonheur des particuliers, c'est elle qui en serait la source.]

2 Il est faux que, dans l'état d'indépendance, la raison nous porte

1 This paragraph and the next are cancelled in the MS.

2 From this point to the end of the chapter, Rousseau is concerned to refute the arguments in favour of 'natural law' brought forward by Diderot in his article, Droit naturel, published in the Encyclopédie, vol. v. (Nov. 1755). The words, 'Je sens que je porte. plus cher que moi,' are a quotation from that article. Throughout the article, Diderot seems to have jestingly aimed his arguments at Rousseau himself, as author of the Discours sur l'inégalité, and thrice over asserts that the violent reasoner' in question ought to be summarily stifled' (étouffé). Rousseau playfully accepts the description and refines upon it in the 'ennemi du genre humain' and the brigand féroce' of the last paragraph. After his breach with Diderot, he

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