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s'étaient jetés dans des îles protégèrent leur attaque. La colonne se précipite au pas de charge sur le pont, le traverse à la course, aborde et culbute dans un instant la première ligne de Sebottendorf, enlève ses pièces et disperse ses bataillons. C'en eût été fait de tout son corps d'armée si la cavalerie française avait été là pour profiter de l'instant favorable; mais comme il n'était pas présumable

qu'elle put put être employée dans un passage de défilé, sous le feu de l'ennemi, le général Beaumont avait eu ordre d'aller passer l'Adda à un gué près de Mozzanica pour attaquer en flanc ce gué étant peu praticable, l'opération fut très-longue et très-pénible. Cependant la division Augereau commençait à arriver vers Lodi : Bonaparte la fit aussitôt passer et former au-delà du pont.

De son côté, Sebottendorff avait eu le temps de rallier son infanterie vers Fontana, sous la protection de ses nombreux escadrons et de quel ques pièces de canon ; il se retira sur la Benzona, avec plus d'ordre qu'on ne pouvait en attendre d'un corps ainsi culbuté et engagé avec des forces supérieures. La cavalerie autrichienne et napolitaine fit plusieurs charges pour protéger son mouvement rétrograde, et l'infanterie française, ayant fait dix lieues avant de combattre, ne put l'inquiéter bien vivement. Le petit nombre d'escadrons qui avaient suivi la division Masséna, trouva néanmoins l'occasion de charger en flanc

les Napolitains, qui furent un peu maltraités. A l'entrée de la nuit, Sebottendorf se replia sur Créma, en laissant quinze canons au pouvoir du vainqueur, et 2000 hommes tués, blessés ou prisonniers. L'armée française resta en position vers Formo; la cavalerie poussa en avant, sur la direction de Créma. Ce coup de vigueur fit honneur aux troupes de l'armée d'Italie, et fut la mesure de tout ce qu'elles pourraient entreprendre sous un chef qui ne comptait jamais les difficultés.

Après l'affaire de Lodi, Beaulieu se retira derrière le Mincio. La division Augereau et la cavalerie marchèrent à sa poursuite sur Créma ; celle de Serrurier, qui s'était dirigée d'abord sur Pavie, comme on l'a déjà dit, reçut ordre de se rabattre sur Pizzighetone, pour l'attaquer par la rive droite de l'Adda, tandis que Masséna s'y porterait par la rive gauche. La prise de cette petite place avait été retardée, parce qu'elle est située sur la riye gauche de l'Adda, et que le général Ménard n'avait eu aucun moyen de passer cette rivière. L'apparition du général Masséna, du côté de Regona, décida le commandant à se rendre ; Crémone ouvrit ses portes à l'avant-garde de cavalerie du général Beaumont; la division Serrurier vint ensuite y prendre position pour observer l'ennemi, et couvrir la marche de l'armée sur Milan.

Bonaparte, ne pouvant entamer plus sérieusement l'armée autrichienne, puisqu'elle avait pour refuge Mantoue d'un côté, et les gorges du Tirol de l'autre ; résolut de profiter de ce moment pour se diriger sur Milan. Son entrée dans cette capitale de la Lombardie, était une victoire sur l'opinion des peuples d'Italie; et dans l'espèce de guerre que l'on faisait à cette époque, l'opinion des peuples était tout. Il fallait, d'ailleurs, donner à la Lombardie, qu'on venait de conquérir, une consistance qu'elle ne pouvait obtenir que par l'organisation de nouvelles autorités administratives.

Bonaparte avait dirigé la division Serrurier sur Crémone pour observer l'ennemi vers Mantoue, et couvrir le mouvement de l'armée sur Milan; Augereau marcha d'abord par Pizzighetone à Pavie cette ville était importante par sa position et par l'influence de son université célèbre; il était convenable de lui en imposer par l'appareil de la force et le passage de l'armée victorieuse. Le général Serrurier s'en était emparé après l'affaire de Fombio; on y avait trouvé une partie des magasins autrichiens. Le 13 mai, le général Masséna se porta de Lodi sur Milan; la division Augereau y marcha de Pavie. Bonaparte fit son entrée solennelle le 15; le comte de Melzi vint au-devant de lui à Melezuollo. Arrivé à la porte romaine, il y trouva la garde na

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tionale et presque toute la population de cette grande cité. Les troupes milanaises baissèrent les armes; les citoyens reçurent le général en chef avec des acclamations universelles; la noblesse alla au-devant de lui: il se rendit au palais de l'archevêque, escorté par la garde nationale. Jamais triomphe ne fut plus complet ni plus mérité.

Nous avons dit que le général Colli, en se retirant de Bufarola, avait jeté une garnison dans la citadelle de Milan; elle ne montait pas à plus de 1800 hommes, force insuffisante pour une enceinte aussi étendue. Bonaparte la fit investir, et donna les ordres nécessaires pour en presser le siége. Une convention fut conclue pour qu'on ne tirât pas sur la ville, mais seulement sur les troupes employées au siége; un armistice fut signé avec les envoyés du duc de Modène.

Après avoir pris toutes les mesures pour l'administration de la Lombardie, et pour assurer tous les approvisionnemens de l'armée, Bonaparte adressa à ses soldats cette proclamation remarquable, où se trouve empreinte toute l'âme d'un homme extraordinaire, et qui devait présager à l'Europe ce qu'elle devait attendre d'un général qui pensait avec tant d'énergie, et qui savait exciter alors tous les genres d'enthousiasme :

« Soldats!

« Vous vous êtes précipités comme un torrent << du haut de l'Apennin; vous avez culbuté, dis<< persé tout ce qui s'opposait à votre passage.

« Le Piémont, délivré de la tyrannie autri« chienne, s'est livré aux sentimens naturels de paix et d'amitié qui l'attachent à la France. << Milan est à vous. Le pavillon républicain flotte << dans toute la Lombardie. Les ducs de Parme et « de Modène ne doivent leur existence politique qu'à votre générosité.

« L'armée qui vous menaçait avec tant d'or«< gueil, ne trouve plus de barrière qui la rassure « contre votre courage. Le Pô, le Tésin, l'Adda, n'ont pu vous arrêter un seul jour; vous avez

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« franchi ces boulevards vantés de l'Italie aussi rapidement que l'Apennin.

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« Tant de succès ont porté la joie dans le sein << de votre patrie. Vos représentans ont ordonné << une fête dédiée à vos victoires, célébrée dans <<< toutes les communes de la république. Là, vos pères, vos mères, vos épouses, vos sœurs, vos << amantes, se réjouissent de vos succès, et se << vantent avec orgueil de vous appartenir.

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« Oui, soldats, vous avez beaucoup fait ; mais << il vous reste encore beaucoup à faire. Dirait-on » de nous que nous avons su vaincre; mais que

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