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Les neuvaines, les prières, les processions, les bulles, tout ce qui pouvait, en un mot, enflammer la multitude d'un saint zèle pour la religion, fut mis en usage pour réveiller l'énergie des Romains. La foule se contenta de faire des vœux et des prières pour le succès d'une guerre aussi juste; quelques princes, mus par la crainte de perdre leurs priviléges, ne s'en tinrent pas là; le connétable Colonne leva un régiment, le prince Giustiniani offrit de la cavalerie.

Dans le temps que la Lombardie et le centre de l'Italie, plus paisibles, commençaient à s'organiser en nouveaux Etats; que Naples signait sa paix séparée; que Rome intrigant pour retarder sa perte, l'accélérait par sa conduite; que la Corse secouait le joug britannique, Gênes était dans une sourde fermentation.

Les premiers succès de l'armée française firent fermer le port de cette ville aux Anglais; ce n'était guères que de justes représailles des hostilités commises par eux en 1793. Le sénat Gênois avait refusé de reconnaître plus longtemps le comte de Girola, envoyé de l'Empereur, moteur des troubles excités dans les fiefs impériaux. Cependant Drack, agent anglais, accrédité près de la République, ne cessait d'y répandre les nouvelles les plus extraordinaires. Tantôt la

garnison de Mantoue, qui n'était que de 8 mille hommes (en juillet), avait remporté une victoire inouie et tué 9 mille Français ; tantôt les armées impériales avaient cerné et fait capituler celle des ennemis. Lorsque ces bruits avaient été démentis ou n'avaient pas atteint leur but, on changeait de tactique; et alors, pour exciter le peuple au soulèvement, on signalait l'apparition d'une escadre française dans la rivière de Gênes, sur les opérations de laquelle on tenait les esprits en suspens. On en paraissait effrayé, car elle ne pouvait, disait-on, avoir d'autre objet que le bombardement du port de Gênes. Ces bruits, semés et répandus avec art, avaient percé jusqu'en Lombardie, et causèrent assez d'effet pour que Bonaparte crût devoir les faire démentir.

Le peuple génois, qui avait de grandes relations commerciales avec la France, était assez bien disposé; mais c'était justement une raison pour que le sénat olygarchique, aussi ombrageux que celui de Venise, embrassât un parti contraire; aucun Gouvernement n'est plus opposé à la vraie liberté que celui des olygarques ; toutefois les défaites de Wurmser et la paix de Naples avaient achevé d'accabler ceux des sénateurs ennemis de la France.

Il n'en était pas de même dans les fiefs impériaux; le comte de Girola, après avoir protesté contre le refus de communiquer avec lui, con

tinuait ses menées, et était parvenu à organiser un second soulèvement. Le fief de Sainte-Marguerite, situé militairement dans la vallée de la Serivia, fut le foyer de la révolte. On y rassembla les prisonniers de guerre échappés, et les déserteurs; de là on les envoyait ensuite dans le Tyrol, en passant par Sestri di Levante et Salo. Là était un dépôt d'armes et de munitions, qu'on retirait en secret de Gênes. Wurmser, instruit de ces mouvemens, avait chargé un officier de leur direction; il fut encore prévenu dans cette occasion. Les Français entrèrent dans les fiefs, dissipèrent le rassemblement, prirent des ôtages et s'emparèrent des armes. Au reste, à l'exception des Barbets, qui inquiétaient les passages de l'Apennin, tout le nord de l'Italie se trouvait alors assez tranquille.

Ces révolutions politiques, ces armistices et ces expéditions intérieures remplirent l'intervalle qui s'écoula depuis le combat de S.-George jusqu'à la bataille d'Arcole. L'armée française resta, pendant ces deux mois, autour de Mantoue et en observation sur la Brenta et l'Adige. Des fièvres endémiques avaient encombré les hôpitaux et diminué considérablement le nombre des combattans; les renforts arrivaient trop lentement pour qu'elle fût en état de se porter en avant. Les Autrichiens, au contraire, faisaient de grands préparatifs pour tenter de nouveau le sort des

combats. Nous verrons bientôt que la fortune, malgré l'inconstance dont on l'accuse, se range ordinairement du côté des combinaisons habiles et des grandes résolutions; elle devait tromper encore une fois les espérances que les succès importans, remportés par l'Archiduc en Allemamagne, avaient fait concevoir à la cour de

Vienne.

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