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cuper Porto-Ferrajo (1); et il était important de profiter de cette circonstance pour seconder les habitans dans leurs intentions.

Le général de division Gentilli, destiné à commander l'expédition projetée, rassemblait à Livourne ce qui y était nécessaire, dans le plus grand secret. Comme il manquait principalement de bâtimens, il fit sur-le-champ embarquer le général Casalta avec un petit détachement de troupes de ligne, et quelques

(1) Porto-Ferrajo est le chef-lieu de la petite île d'Elbe, située à 6 lieues de Livourne, entre les côtes de Toscane et celles de la Corse. C'est un port avantageusement situé, défendu par un bon fort. Bonaparte avait trop peu de forces pour faire un détachement qui pût s'en emparer et s'y maintenir. Il eût compromis une partie de son armée pour un accessoire; et la possession de l'île d'Elbe était assurée par la conquête de l'Italie. Lord Elliot fit embarquer une partie de ses forces pour s'emparer de cette île: il parut devant Porto Ferrajo le 10 juillet, et fit sommer le commandant Toscan, qui lui permit d'entrer dans la place et d'y mettre une garnison, conjointement avec la troupe nationale. Je ne sais trop si l'occupation de ce point ne fut pas une des causes de l'évacuation de la Corse; les Anglais ne firent du moins aucun effort pour s'y maintenir : il semble qu'ils n'attachaient d'autre prix à la possession de cette île, que celui d'y avoir une station avantageuse dans la Méditerranée, près de l'Italie, puisqu'ils l'évacuèrent dès qu'il fallut combattre pour la conserver. On était loin de penser alors au rôle que ce point presqu'inaccessible du globe jouerait en 1814.

patriotes. Ce général, bravant les croisières anglaises, luttant contre les élémens, parvint, malgré toutes les contrariétés, à descendre le 19 octobre dans l'île.

Le 20, il fut joint par un nombre assez considérable de patriotes Corses, avec l'assistance desquels il se porta le lendemain sur Bastia. Maître des hauteurs qui dominent la ville, et protégé par les habitans, il somma la garnison du fort. Les Anglais gagnèrent leurs vaisseaux; mais leur arrière-garde, où se trouvait le régiment émigré de Dillon, fut entamée, on leur fit quelques prisonniers. S'. - Florent et Ajaccio furent bientôt aussi délivrés de leur présence; de sorte qu'en moins d'un mois, l'île rentra sous l'obéissance de l'empire dont elle faisait partie avant la défection de Paoli.

Tandis que ces choses se passaient dans l'Italie septentrionale, la Cour de Naples avait continué ses négociations à Paris, et un traité définitif fut conclu, le 10 octobre, entre cette puissance et la république française.

Les conditions en étaient bien douces, en comparaison de celles qui avaient été imposées au gouvernement de Rome et du Piémont. On peut attribuer sans doute cette modération au grand éloignement du royaume de Naples, à la difficulté d'y porter la guerre, et surtout à l'urgence de se débarrasser d'un ennemi dont

l'armée seule surpassait en nombre celle de Bonaparte. En cas de guerre il pouvait soutenir Rome, se renforcer de ses troupes, s'avancer jusque sur le Pô, et mettre encore en problême la conquête de l'Italie; mais lié par un traité, la tranquille possession de ce beau pays était certaine, Rome restait abandonnée à ses propres forces, et rien n'entravait le cours ultérieur des opérations militaires. Les stipulations de ce traité se bornèrent donc à une neutralité envers toutes les puissances belligérantes, à la recherche des auteurs des délits commis en 1793 envers l'ambassade de France, à la promesse d'un traité de commerce réciproquement avantageux; enfin au rétablissement de la bonne intelligence avec la République Batave.

La Cour de Rome, peu effrayée de la défection du seul allié dont elle pût attendre des secours, suivait au contraire avec obstination les sentiers de sa politique ordinaire. Pie VI ne voulait que la paix; mais influencé par quelques cardinaux, qui lui présentaient comme les devoirs du Saint-Siège ce qui entrait dans leur intérêt particulier, il ne prenait aucun parti qui pût la lui assurer, dans l'espoir d'éviter l'orage en gagnant du temps.

Les premiers succès de Wurmser, et le déblo

cus momentané de Mantoue, avaient ranimé toutes les espérances du Sacré College; il compta même tellement sur ces succès éphémères, qu'il chargea le prélat Lagreca de chercher à reprendre Ferrare. Il n'avait pas agi de trèsbonne foi dans toutes ses démarches, et plusieurs articles de l'armistice n'avaient pas été fidèlement exécutés. On était convenu que le Pape n'enverrait point d'ecclésiastique pour traiter définitivement de la paix au mépris de cette convention, le Saint-Siège avait envoyé à Paris les prélats Petrarchi et Vangelisti.

Cette obstination ôta au Gouvernement français toute confiance dans une négociation entreprise sous de tels auspices, il était de sa dignité de ne pas la souffrir. Ces deux agens reçurent l'ordre de quitter Paris dans les vingtquatre heures. D'un autre côté, les Nonces et les Légats dans la marche d'Ancône et la Romagne, se conduisaient en ennemis déclarés de l'armée française. Enfin le Saint-Siége négociait une alliance plus étroite avec le cabinet de Vienne.

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Le Général en chef, qui n'ignorait pas ces démarches hostiles, se préparait à y mettre fin lorsque les opérations des armées impériales le forcèrent à dissimuler un moment son ressentiment, et à tourner toute son attention sur les efforts toujours croissans de l'Autriche, pour lui arracher ses conquêtes.

Le Pape, après le renvoi de ses agens, Petrarchi et Vangelisti, avait cherché à renouer des négocations à Florence. Le prélat Galeppi, le dominicain Soldati et le chevalier d'Azzara, ambassadeur d'Espagne, qui avait été le médiateur de l'armistice si mal observé, se présentèrent aux commissaires Salicetti et Garreau; mais il ne leur fut pas possible de s'entendre. Ceux-ci exigeaient que le Pape retirât et déclarât nuls les brefs et les mandats qu'il avait publiés contre les événemens qui s'étaient passés en France pendant la révolution, qu'il fermât ses ports aux Anglais, qu'il fit réparation du meurtre de Basseville; et, poussant l'inflexibilité jusqu'au dernier degré, ils présentèrent aux chargés de pouvoirs du Pape un traité en 64 articles, déclarant qu'il fallait l'adopter ou le rejeter tel qu'il était, attendu qu'ils n'étaient pas autorisés à entrer en discussion.

Galeppi retourna à Rome. Les conditions qu'il apportait parurent trop dures; les espérances dans les secours de l'Autriche exaltaient les esprits. Le ministère du Pape ne rejeta pas seulement les propositions qui lui étaient soumises, mais il passa subitement aux démarches hostiles; l'armistice fut annullé; l'argent destiné à payer la contribution rétrograda, et l'on fit, dans les États ecclésiastiques, de nouveaux et de plus considérables armemens.

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