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70 mille formaient l'armée du Haut-Rhin et 80 mille celle du Bas-Rhin, y compris les troupes d'empire, ainsi que les divisions de Mercantin et de Neu qui couvraient Mayence. Le commandement fut encore partagé, jusqu'au 18 juin, entre les deux généraux en chef. Le gros de l'armée du prince était en avant de Mayence, à Baumholder et sur la Nahe; son aîle gauche aux ordres du duc de Wurtemberg, entre la Lahn et la Sieg. Le général Jourdan était dans le Hundsruck, sur la rive gauche de la Nahe, devant l'Archiduc, avec les divisions Marceau, Poncet, Bernadotte, Championnet et la petite réserve de cavalerie du général Bonnaud : la division Grenier et une brigade aux ordres du général Bonnard formaient le centre, vers Cologne : enfin, le général Kléber, commandant l'aile gauche, était à Dusseldorf, opposé au duc de Wurtemberg, avec les divisions Lefèvre et Collaud.

Sur le Haut-Rhin, Wurmser se trouvait en avant de Manheim, dans les positions retranchées de la Rehbach et Speyerbach, opposé au général Moreau. La gauche des Autrichiens s'étendait en cordon jusqu'à Basle, pour observer la droite de leurs adversaires aux ordres de Férino.

Le tableau des forces actives, après le départ des troupes pour l'Italie, présente encore les deux partis à peu près égaux en nombre. Si les Français avaient quelques mille hommes d'infan

terie de plus, les Autrichiens rachetaient bien ce désavantage par une immense supériorité en ca. valerie ; ce qui, pour la guerre d'invasion dans un pays ouvert, et même pour une guerre défensive, ne laisse pas de procurer de grands avantages. Il est surtout à remarquer qu'une forte supériorité en bonne cavalerie est d'une grande importance pour couvrir des retraites momentanées et pour cacher à l'ennemi une partie faible, puisque les troupes à cheval, soit en marche, soit déployées, offrent une étendue de colonne ou de ligne, qui trompe l'ennemi sur la véritable force et lui en impose presque toujours. Six mille chevaux à une certaine distance présentent une masse égale à 20 mille fantassins. Les opérations de cette campagne l'ont prouvé, et les corps de Wartensleben et de Latour, laissés en observation devant des forces supérieures, ne se sont sauvés que par le déploiement de leurs nombreux escadrons.

La ligne d'opérations offensive des deux partis offrait des chances presque balancées, et s'il existait quelque supériorité, elle était plutôt du côté des Autrichiens. Ils avaient deux places à cheval sur le Rhin, qui leur procuraient le moyen de déboucher avec autant d'aisance que de sûreté sur les deux rives de ce fleuve. Les Français ne possédaient qu'une tête de pont à Dusseldorf et la place n'était pas même cou

verte sur la rive gauche; d'ailleurs l'éloignement de ce poste, qui se trouvait à l'extrémité de la ligne, le rendait bien moins favorable que les points centraux de Mayence et de Manheim. L'armée de Moreau sur le Haut-Rhin, n'ayant point de débouché sur la rive droite de ce fleuve, se trouvait comme paralysée pendant quelque temps, dès que le théâtre de la guerre se por

tait sur cette rive.

Les Français semblaient, au contraire, avoir une espèce de supériorité dans leurs opérations défensives en ce qu'ils possédaient des places de seconde ligne, tandis que celles des Autrichiens étaient toutes sur le Rhin en première ligne (à l'exception néanmoins d'Ingolstadt, qui leur fut remise plus tard, et de Wurtzbourg qui n'est guère tenable): ainsi l'armée impériale, au premier mouvement rétrograde, se trouvait dépourvue de toute base, pour ses opérations et de tout abri pour ses dépôts. Mais cet avantage pour les Français n'était peut-être pas si réel qu'on le pense, parce qu'ils avaient trop de forteresses à garder en proportion de leurs forces. C'est en effet une grande question à résoudre, de décider si, dans le système de guerre que actuel, un trop grand nombre de places fortes n'est pas plus nuisible qu'utile: je crois qu'on peut hardiment prononcer l'affirmative. Il faut peu de forteresses: il ne les faut ni trop petites

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ni trop grandes; trop petites, elles n'ont pas de capacité pour renfermer les approvisionnemens des armées actives et sont aisément incendiées au moindre bombardement; trop grandes, elles nécessitent des garnisons nombreuses, et la population est plutôt réduite par la faim.

Les places doivent se trouver autant que pos sible, à cheval sur les fleuves ou sur les grandes communications, et bien munies de tout. Un grand nombre de places secondaires ruine l'État et l'armée. Cette vérité, démontrée depuis peu, d'une manière victorieuse, était fort applicable à la campagne de 1796; car si les Autrichiens avaient pris l'offensive et gagné une seule bataille sur la Sarre ou sur la Moselle, les armées françaises eussent été forcées de se dissoudre, pour fournir des garnisons, puisque toutes les places n'étaient gardées que par des dépôts. Il n'en était pas de même dès que les armées impériales se bornaient à la défensive, entre le Rhin, le Mayn et le Necker; alors les chances étaient à-peu-près égales et l'avantage de quelques forts de plus, se trouvait ample ment compensé par la position plus centrale de Mayence, de Manheim et de Philipsbourg. Cependant, une circonstance d'une autre nature mettait un poids bien plus grand dans la balance en faveur des Autrichiens, c'était la réunion de toutes leurs forces entre les mains de

l'Archiduc, tandis que les généraux français, au contraire, commandaient deux armées qui devaient rester divisées, ou qui, ayant peut-être un but commun, y marchaient séparément et donnaient par-là sujet au choc des opinions militaires, à la mésintelligence des généraux, au défaut d'unité et d'ensemble dans les mouvemens. Quelle que soit, au demeurant, la différence qui exista dans la ligne d'opé rations des deux partis, il est certain que de part et d'autre, on commit de grandes fautes dans la manière dont on manœuvra, et pour s'en assurer, il est temps de passer à la narration des événemens.

Afin d'exécuter le plan de campagne arrêté, l'armée de Sambre-et-Meuse devait commencer à déboucher par Dusseldorf, pour attirer sur elle l'attention principale de l'ennemi, et faciliter à l'armée de Moreau le passage du Rhin; opération qui, faute d'un débouché, paraissait toujours un peu hasardeuse devant unė armée égale en nombre et supérieure de beaucoup en cavalerie. Ce mouvement de la gauche des Français par Dusseldorf, avait encore pour objet de forcer l'archiduc Charles à quitter la rive gauche du Rhin en menaçant ses communications.

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