Page images
PDF
EPUB

CRITIQUE ET MILITAIRE

DES

GUERRES DE LA RÉVOLUTION.

CAMPAGNE DE 1796.

PREMIÈRE PÉRIODE,

EN ITALIE.

SITUATION GÉNÉRALE DES AFFAIRES A L'Ouverture de LA CAMPAGNE. OPÉRATIONS EN ITALIE, JUSQU'AU · SIÉGE DE MANTOUE.

[blocks in formation]

Etat général des armées à l'ouverture de la campagne; plans attribués aux deux partis; premières opérations en Italie; Beaulieu veut prendre l'offensive, mais il est attaqué luiméme par Bonaparte, qui perce le centre de l'armée alliée; bataille de Montenotte et de Mondovi; les Français marchent sur Turin; paix du Piémont.

La position politique de l'Europe n'avait éprouvé aucun changement remarquable depuis la paix de Bâle. La Prusse s'applaudissait d'avoir quitté

T. 7.

I

la coalition, depuis que les succès récens de Clairfayt semblaient replacer la France dans ses limites et rétablir une espèce d'équilibre entre les deux grandes puissances belligérantes. Le cabinet de Berlin pouvait effectivement voir dans ces succès, un heureux correctif de la faute qu'il avait commise en abandonnant la Hollande.

La Russie était occupée de l'organisation de ses provinces nouvellement acquises en Pologne ; il était dans ses intérêts de rester spectatrice paisible d'une lutte qui affaiblissait ses rivales les plus dangereuses, et où elle interviendrait quand il en serait temps.

L'Angleterre continuait ses efforts pour affermir de plus en plus son empire maritime, que deux ans d'une fausse politique de l'Espagne et de la Hollande venaient de lui assurer pour des siècles. Les victoires que ses flottes avaient remportées sur celle de Brest; la prise plus aisée de celle de Toulon, que l'amiral Hood emmena en évacuant cette place. Enfin l'occupation des colonies les plus importantes dans les deux Indes, et de l'île de Corse dans la Méditerranée, avaient donné à cet empire une suprématie que rien ne semblait pouvoir lui ravir. Le cabinet de Saint-James n'avait que les efforts de la France à redouter, et la France était assez occupée sur le continent pour ne pouvoir songer à lui disputer le sceptre des mers; aussi

toutes ses vues tendaient-elles à prolonger les désordres de l'Europe qui paraissaient être les plus sûrs garans de sa grandeur.

L'Espagne jouissait des fruits d'une sage paix ; elle était néanmoins placée dans l'alternative assez fâcheuse de devoir tôt ou tard se brouiller avec l'Angleterre dans un moment peu propice, ou de renoncer à ses relations avec la France: et l'instant n'était pas éloigné où une explosion devait avoir lieu.

L'Autriche, l'Empire germanique (la Saxé, la Bavière et la Souabe), les rois de Sardaigne et de Naples, étaient restés en lice contre la France, et l'issue de la campagne de 1795 semblait promettre des succès à ces alliés.

Enfin la république française après quatre ans d'orages affreux, commençait à respirer : un gouvernement modéré venait de succéder à ces assemblées turbulentes qui avaient agité si longtemps ce pays. Le directoire comptait parmi ses membres quelques hommes à talens. Il fit, pour remédier aux abus et aux maux qui avaient entraîné les revers de la campagne précédente, des efforts aussi grands qu'on pouvait les attendre d'un nouveau gouvernement et de la position dans laquelle il se trouvait. Cette position ne s'était pas beaucoup améliorée; l'intérieur était encore agité la guerre civile, par le mécontentement et

par

le froissement des partis, par la banqueroute et la chûte du papier-monnaie. Les ressources de toute espèce diminuaient chaque jour par les suites de l'effervescence qui en avait fait abuser; l'armée mieux aguerrie était en échange beaucoup diminuée, et la désertion à l'intérieur avait été alarmante à la fin de la campagne. Une grande partie des volontaires et des jeunes gens de la réquisition, avait trouvé moyen de se soustraire aux drapeaux, et la patrie ne courant plus de dangers, ils se croyaient assez autorisés à rentrer dans leurs foyers. Cette terrible loi de la réquisition qui a changé entièrement la nature des guerres, existait encore; mais l'état de l'intérieur ne permettait pas de l'exécuter avec rigueur, quoique ce fût néanmoins la seule ressource pour le recrutement et le complètement des armées.

Le directoire se trouvait ainsi réduit à des moyens plus réguliers, soit pour les finances, soit pour les levées d'hommes; et cette diminution dans les élémens de puissance, au moment où les armées s'étendaient davantage, où elles avaient des frontières immenses à surveiller, des places et des provinces conquises à garder, compensait amplement la défection de quelquesuns des membres de la grande coalition formée 'contre la France. Malgré une situation si cri

tique, et à l'instant même où son territoire était menacé, le directoire osa former le projet d'envahir l'Allemagne et l'Italie.

Nous avons vu que la campagne de 1795 avait été terminée par une suspension d'armes, dont les avantages étaient tous du côté des Français. Ils en profitèrent pour se remettre des pertes et des fatigues qu'ils avaient essuyées, et à la fin de mars ils se trouvaient en bon état, principalement à l'armée de Sambre et Meuse; celle du Rhin manquait encore de chevaux.

L'expérience de plusieurs campagnes n'avait pas changé le système des généraux ou des cabinets; on s'obstina, comme dans les années précédentes, à embrasser le théâtre de la guerre sur le Rhin, par deux armées divisées, et ayant des lignes d'opérations dont les bases étaient très-éloignées entre elles. Celle de gauche partant de Dusseldorf, était destinée à l'armée de Sambre et Meuse, aux ordres du général Jourdan; celle de droite, commandée par le général Moreau, était confiée à l'armée du Rhin et Moselle, dont la base était à Strasbourg. L'armée d'Italie fut placée sous le commandement en chef de Bonaparte ce jeune général n'avait point encore eu l'occasion de faire ses preuves dans l'art de la guerre; comme officier supérieur d'artillerie, il n'avait jamais commandé de troupes, ni dirigé d'expéditions;

« PreviousContinue »