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fon Gouvernement n'est pas plus ariñocratique que le nôtre. Toute la différence eft que, n'ayant aucun chef à vie, nous n'avons pas le même befoin du fort.

Les élections par fort auroient peu d'inconvénient dans une véritable démocratie, où tout étant égal, aussi bien par les moeurs et par les talens que par les maximes et par la fortune, le choix deviendroit presque indifférent. j'ai déja dit qu'il n'y avoit point de vé ritable démocratie.

Mais

Quand le choix et le fort fe trouvent mêlés, le premier doit remplir les places qui demandent des talens propres, telles que les emplois militaires: l'autre convient à celles où fuffifent le bon fens, la juftice, l'intégrité, telles que les charges de judicature; parce que dans un Etat bien conftitué ces qualités font communes à tous les citoyens.

Le fort ni les fuffrages n'ont aucun lieu dans le Gouvernement monarchi

que. Le monarque étant de droit fenl prince et magiftrat unique, le choix de fes lieutenants n'appartient qu'à lui. Quand l'Abbé de S. Pierre proposoit de multiplier les confeils du Roi de France et d'en élire les membres par fcrutin, il ne voyoit pas qu'il propofoit de changer la forme du Gouvernement.

Il me resteroit à parler de la manière de donner et de recueillir les voix dans l'affemblée du peuple; mais peut-être l'hiftorique de la police Romaine à cet égard expliquera-t-il plus fensiblement toutes les maximes que je pourrois établir. Il n'eft pas indigne d'un lecteur judicieux de voir un peu en détail comment fe traitoient les affaires publiques et particulières dans un confeil, de deux cent mille hommes.

CHAPITRE I V.

Nous

Des Comices Romains.

ous n'avons nuls monumens bien affurés des premiers temps de Rome; il y a même grande apparence que la plupart des chofes qu'on en débite font des fables a); et en général la partie la plus inftructive des annales des peuples, qui eft l'histoire de leur établissement, eft celle qui nous manque le plus. L'expérience nous apprend tous les jours de

a) Le nom de Rome qu'on prétend
venir de Romulus eft Grec et
fignifie force; le nom de Numa
eft Grec aufft, et fignifie loi.
Quelle apparence que
les deux pre-
miers Rois de cette ville aient porté
d'avance des noms fi bien relatifs à
ce qu'ils ont fait ?

quelles caufes naiffent les révolutions des empires; mais comme il ne fe forme plus de peuple, nous n'avons guère que des conjectures pour expliquer comment ils fe fout formés.

Les ufages qu'on trouve établis atteftent au moins qu'il y eut une origine à ces ufages. Des traditions qui remontent à ces origines, celles qu'ap puient les plus grandes autorités, et que de plus fortes raifons confirment, doivent paffer pour les plus certaines. Voilà les maximes que j'ai tâché de fuivre en recherchant comment le plus libre et le plus puiffant peuple de la terre exerçoit fon pouvoir fuprême.

Après la fondation de Rome la République naiffante, c'eft-à-dire, l'armée du fondateur, compofée d'Albains, de Sabins, et d'étrangers, fut divisée en trois claffes, qui de cette divifion prirent le nom de Tribus. Chacune de ces Tribus fut fubdivifée en dix Curies, et chaque Curie en Décuries, à la tête

defquelles on mit des chefs appelés Curions et Décurions.

Outre cela on tira de chaque Trib un corps de cent cavaliers ou chevaliers, appelé Centurie: par où l'on voit que ces divifions peu néceffaires dans un bourg, n'étoient d'abord que militaires. Mais il femble qu'un inftinct de grandeur portoit la petite ville de Rome à fe donner d'avance une police convenable à la capitale du monde.

De ce premier partage résulta bientôt un inconvénient. C'eft que la Tribu des Albains a) et celle des Sabins b) reftant toujours au même état, tandis que celle des étrangers c) croiffoit fans ceffe par le concours perpétuel de ceuxci, cette dernière ne tarda pas à furpaffer les deux autres. Le remede que

a) Ramnenfes.

b) Tatienfes,

c) Luceres.

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