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Ceci paroît moins évident quand deux ou plusieurs ordres entrent dans sa conftitution, comme à Rome les Patriciens et les Plébéïens, dont les querelles troublèrent fouvent les Comices, même dans les plus beaux temps de la République; mais cette exception eft plus apparente que réelle, car alors par le vice inhérent au Corps politique, on a, pour ainfi dire, deux Etats en un. Ce qui n'eft pas vrai des deux ensemble, eft vrai de chacun féparément. Et, en effet, dans les temps mêmes les plus orageux, les plébifcites du peuple, quand le Sénat ne s'en mêloit pas, paffoient toujours tranquillement et à la grande pluralité des fuffrages les citoyens n'ayant qu'un intérêt, le peuple n'avoit qu'une volonté.

A l'autre extrémité du cercle l'unani mité revient. C'eft quand les citoyens. tombés dans la fervitude n'ont plus ni

liberté ni volonté, Alors la crainte et

la flatterie changent en acclamations les

fuffrages; on ne délibère plus, on adore ou l'on maudit. Telle étoit la vile manière d'opiner du Sénat fous les Empereurs. Quelquefois cela se faifoit avec des précautions ridicules. Tacite obferve que fous Othon les Sénateurs accablant Vitellius d'exécrations, affectoient de faire en même temps un bruit épouvantable, afin que fi par hafard il devenoit le maître, il ne pût favoir ce que chacun d'eux avoit dit.

De ces diverfes confidérations naiffent les maximes fur lesquelles on doit régler la manière de compter les voix et de comparer les avis, felou que la volonté générale eft plus ou moins facile à connoître, et l'Etat plus ou moins déclinant.

Il n'y a qu'une feule loi qui par fa nature exige un confentement unanime. C'eft le pacte focial; car l'affociation civile eft l'acte du monde le plus volontaire; tout homme étant né libre et maitre de lui-même, nul ne peut, fous

quelque prétexte que ce puiffe être, l'affujettir fans fon aveu. Décider que le fils d'une efclave nait efclave, c'est décider qu'il ne-nait pas homme.

Si donc lors du pacte focial il s'y trouve des oppofans, leur oppofition n'invalide pas le contrat, elle empêche feulement qu'ils n'y foient compris; ce font des étrangers parmi les citoyens. Quand l'Etat eft inftitué, le confentement eft dans la réfidence; habiter dans le territoire c'eft le foumettre à la fouveraineté a).

Hors ce contrat primitif, la voix du plus grand nombre oblige toujours tous

a) Ceci doit toujours s'entendre d'un Etat libre; car d'ailleurs la famille, les biens, le défaut d'afyle, la né ceffité, la violence, peuvent retenir un habitant dans le pays malgré lui, et alors fon féjour feul ne fuppofe plus fon confentement au contrat ou à la violation du contrat.

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les autres; c'eft une fuite du contrat même. Mais on demande comment un homme peut être libre, et forcé de fe conformer à des volontés qui ne font les fiennes; comment les oppofans pas font-ils libres et foumis à des lois auxquelles ils n'ont pas confenti?

Je réponds que la queftion eft mal pofée. Le citoyen confent à toutes les lois, même à celles qu'on paffe malgré lui, et même à celles qui le puniffent quand il ofe en violer quelqu'une, La volonté conftante de tous les membres de l'Etat eft la volonté générale; s c'est par elle qu'ils font citoyens et libres a). Quand on propose une loi dans l'affemblée du peuple, ce qu'on leur demande n'eft pas précisément s'ils approuvent la propofition ou s'ils la rejettent, mais

a) A Genes on lit au devant des prifons et für les fers des galériens ce mot Libertas. Cette applica tion de la devise est helle et juste.

fi elle eft conforme ou non à la volonté générale qui eft la leur; chacun en donnant fon fuffrage dit fon avis là - deffus, et du calcul des voix fe tire la déclaration de la volonté générale. Quand dono l'avis contraire au mien l'emporte, cela ne prouve autre chofe finon que je m'étois trompé, et que ce que j'eftimois être la volonté générale ne l'étoit pas. Si mon avis particulier l'eût emporté, j'aurois fait autre chofe que ce que j'avois voulu; c'eft alors que je n'aurois pas été libre.

Ceci fuppofe, il eft vrai, que tous les caractères de la volonté générale font encore dans la pluralité: quand ils cefL 2

En effet, il n'y a que les malfaiteurs de tous états qui empêchent le citoyen d'être libre.

Dans un

pays où tous ces gens-là feroient aux galeres, on jouiroit de la plus parfaite liberté.

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