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la probité, les lumières, l'expérience, et toutes les autres raifons de préférence et d'eftime publique, font autant de nouveaux garans qu'on fera fagement gouverné,

De plus, les affemblées fe font plus commodément; les affaires fe difcutent mieux, s'expédient avec plus d'ordre et de diligence; le crédit de l'Etat eft mieux foutenu chez l'étranger par de vénérables Sénateurs, que par une multitude inconnue ou méprisée.

En un mot, c'eft l'ordre le meilleur et le plus naturel que les plus fages gouvernent la multitude, quand on est sûr qu'ils la gouverneront pour fon profit et non pour le leur; il ne faut point multiplier en vain les refforts, ni faire avec vingt mille hommes ce que cent hommes choifis peuvent faire encore mieux. Mais il faut remarquer que l'intérêt de Corps commence à moins diriger ici la force publique fur la régle de la volonté générale, et qu'une autre

pente inévitable enleve aux lois une partie de la puiffance executive.

A l'égard des convenances particuliè❤ res, il ne faut ni un Etat fi petit ni un Peuple fi fimple et fi droit, què l'exé cution des lois fuive immédiatement de la volonté publique, comme dans une bonne démocratie. Il ne faut pas non plus une fi grande nation, que les chefs épars pour la gouverner puiffent tran cher du Souverain chacun dans fon département, et commencer par le rendre indépendans pour devenir enfin les

maitres.

Mais fi l'ariftocratie exige quelques vertus de moins que le Gouvernementpopulaire, elle en exige auffi d'autres qui lui font propres, comme la modération dans les riches et le contentement dans les pauvres; car il femble qu'une égalité rigoureufe y feroit déplacée: elle ne fut pas même observée à Sparte.

Au refte, fi cette forme comporte une certaine inégalité de fortune, c'est

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bien pour qu'en général l'adminiftration des affaires publiques foit confiée à ceux qui peuvent le mieux y donner tout leur temps, mais non pas, comme prétend Ariftote, pour que les riches foient toujours préférés. Au contraire, il importe qu'un choix oppofé apprenne quelquefois au peuple qu'il y a dans le mérite des hommes, des raisons de préférence plus importantes que la richesse.

CHAPITRE VI.

Jusqu'ici

De la Monarchie.

nous avons confidéré le Prine ce comme une perfonne morale et collective, unie par la force des lois, et dépofitaire dans l'Etat de la puissance exécutive. Nous avons maintenant à confidérer cette puissance réunie entre les mains d'une perfonne naturelle, d'un homme réel, qui seul ait droit d'en dispofer felon les lois. C'eft ce qu'on appelle un Monarque ou un Roi.

Tout au contraire des autres administrations, où un être collectif représente un individu, dans celle-ci un individu repréfente un être collectif; en forte que l'unité morale qui conftitue le Prince eft en même temps une unité phyfique, dans laquelle toutes les facultés, que la loi réunit dans l'autre avec tant

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d'effort, fe trouvent naturellement rénnies.

Ainfi la volonté du Peuple, et la volonté du Prince, et la force publique de l'Etat, et la force particulière du Gouvernement, tout répond au même mobile, tous les refforts de la machine font dans la même main, tout marche au même but, il n'y a point de mouvemens oppofés qui s'entre détruisent, et l'on ne peut imaginer aucune forte de constitution dans laquelle un moindre effort produife une action plus confidérable. Archimede affis tranquillement fur le rivage, et tirant fans peine à flot un grand vaiffeau, me représente un Monarque habile gouvernant de son cabinet fes vaftes Etats, et faisant toute mouvoir en paroissant immobile.

Mais, s'il n'y a point de Gouvernement qui ait plus de vigueur, il n'y en a point où la volonté particulière ait plus d'empire et domine plus aifément les autres: tout marche au même but,

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