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l'autre phyfique, favoir la puiffance qui l'exécute. Quand je marche vers un objet, il faut premièrement que j'y veuille aller; en fecond lieu, que mes pieds m'y portent. Qu'un paralytique veuille courir, qu'un homme agile ne le veuille pas, tous deux refteront en place. Le Corps politique a les mêmes mobiles; on y diftingue de même la force et la volonté; celle-ci fous le nom de puiffance législative, l'autre fous le nom de puiffance exécutive. Rien ne s'y fait ou ne s'y doit faire fans leur

concours.

'Nous avons vu que la puiffance législative appartient au peuple, et ne peut appartenir qu'à lui. Il eft aifé de voir au contraire, par les principes cidevant établis, que la puiffance exécutive ne peut appartenir à la généralité comme législatrice ou fouveraine, parce que cette puiffance ne confifte qu'en des actes particuliers qui ne font point du reffort de la loi, ni par conféquent de

oelui du Souverain, dont tous les actes ne peuvent être que des lois.

Il faut donc à la force publique un agent propre qui la réuniffe et la mette en oeuvre felon les directions de la volonté générale, qui ferve à la communication de l'Etat et du Souverain, qui faffe en quelque forte, dans la perfonne publique ce que fait dans l'homme l'union de l'ame et du corps. Voilà quelle eft dans l'Etat la raifon du Gouvernement, confondu mal - à - propos avec le Souverain, dont il n'eft que le miniftre.

Qu'est-ce donc que le Gouvernement? Un Corps intermédiaire établi entre les fujets et le Souverain pour leur mutuelle correfpondance, chargé de l'exécution des lois et du maintien de la liberté, tant civile que politique.

Les membres de ce Corps s'appellent magiftrats ou rois, c'est-à-dire, gouverneurs, et le Corps entier porte le

trat,

nom de prince a). Ainfi ceux qui pré tendent que l'acte par lequel un peuple le foumet à des chefs n'eft point un conont grande raison. Ce n'eft absolument qu'une commiffion, un emploi dans lequel, fimples officiers du Souverain, ils exercent en fon nom le pouvoir dont il les a fait dépofitaires, et qu'il peut limiter, modifier et reprendre quand il lui plait, l'aliénation d'un tel droit étant incompatible avec la nature du Corps focial, et contraire au but de l'affociation.

J'appelle donc Gouvernement, ou fuprême administration, l'exercice légitime de la puiffance exécutive, et prince ou magiftrat l'homme ou le Corps chargé de cette administration.

́a) C'est ainfi qu'à Venife on donne au Collège le nom de Séréniffime Prince, même quand le Doge n'y affifte pas.

C'eft dans le Gouvernement que le trouvent les forces intermédiaires, dont les rapports compofent celui du tout au tout, ou du Souverain à l'Etat. On peut représenter ce dernier rapport par celui des extrêmes d'une proportion continue, dont la moyenne propor tionnelle eft le Gouvernement ; le Gouvernement reçoit du Souverain les ordres qu'il donne au peuple; et pour que l'Etat foit dans un bon équilibre, il faut, tout compenfé, qu'il y ait égalité entre le produit ou la puiffance du Gouvernement pris en lui-même, et le produit et la puiffance des citoyens, qui font fouverains d'un côté et fujets de l'autre.

De plus, on ne fauroit altérer aucun des trois termes fans rompre à l'instant la proportion. Si le Souverain veut gouverner, ou fi le magistrat veut don ner des lois, ou fi les fujets refufent d'obéir, le désordre fuccède à la regle, la force et la volonté n'agillent plus de

concert, et l'Etat diffous tombe ainfi dans le defpotisme ou dans l'anarchie. Enfin comme il n'y a qu'une moyenne proportionnelle entre chaque rapport, il n'y a non plus qu'un bon Gouvèïnement poffible dans un Etat; mais comme mille événemens peuvent changer les rapports d'un peuple, non - feulement différens Gouvernemens peuvent être bons à divers peuples, mais au même peuple en différens temps.

Pour tâcher de donner une idée des divers rapports qui peuvent régner en→ tre ces deux extrêmes, je prendrai pour exemple le nombre du peuple, comme un rapport plus facile à exprimer.

Suppofons que l'Etat foit composé de dix mille citoyens. Le Souverain ne peut être confidéré que collectivement et en Corps. Mais chaque particulier en qualité de fujet eft confidéia comme individu: ainfi le Souverain eft au fujet comme dix mille est à un c'est-à-dire, que chaque membre de

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