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quelle ils agiffent continuellement les uns contre les autres et tendent à s'aggrandir aux dépens de leurs voifins, comme les tourbillons de Defcartes. -Ainfi les foibles risquent d'être bientôt engloutis, et nul ne peut guère se conferver qu'en fe mettant avec tous dans Sunes espèce d'équilibre, qui rend la compreffion par-tout à-peu-près égale.

On voit par-là qu'il y a des raifons de s'étendre et des raifons de fe refferrer, et ce n'est pas le moindre talent du politique de trouver, entre les unes et les autres, la proportion la plus avantageuse à la confervation de l'Etat. On peut dire en général que les premières, -n'étant qu'extérieures et relatives, doi-, vent être fubordonnées aux autres, qui font internes et abfolues; une faine et forte conftitution eft la première chofe qu'il faut rechercher, et l'on doit plus compter fur la vigueur qui naît d'un bon Gouvernement, que fur les ref

fources que fournit un grand terri

toire.

Au refte, on a vu des Etats tellement conftitués, que la nécessité des conquêtes entroit dans leur constitution même, et que pour fe maintenir, ils étoient forcés de s'aggrandir fans ceffe. Peut-être fe félicitoient-ils beaucoup de cette heureuse néceffité, qui leur montroit pourtant, avec le terme de leur grandeur, l'inévitable moment de leur chûte.

CHAPITRE X. 1

14 Suite

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On n pent mefurer un Corps politique de deux manières; favoir, par l'étendue du territoire, et par le nombre du peutple, et il y a, entre l'une et l'antre de ces mesures, un rapport convenable pour donner à l'Etat la véritable graudeur: ce font les hommes qui font l'Etat, et c'est le terrain qui nourrit les hommes; ce rapport eft done que la terre fuffife à l'entretien de fes habitans, et qu'il y ait autant d'habitans que la terre en peut nourrir. C'eft dans cette proportion que fe trouve le maximum de force d'un nombre donné de Peuple; car s'il y a du terrain de trop, la garde en eft onéreufe, la culture infuffifante, le produit fuperflu; c'eft la cause prochaine des guerres défenfives: s'il n'y

en a pas affez, l'Etat fe trouve pour le fupplément à la difcrétion de fes voifins; c'eft la caufé, prochaine des guerres of fenlives. Tout Peuple qui n'a par "fa pofition que l'alternative' entre le commerce ou la guerre, eft foible en luimême, il dépend de ses voifins et des événemens; il n'a jamais qu'une existence incertaine et courte. Il fubjugne et change de fituation, ou il est subjagué et n'eft rien. Il ne peut fe conferver libre qu'à force de petitesse ou de grandeur.

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On ne peut donner en calcul un rapport fixe entre l'étendue de terre et le nombre d'hommes qui se suffisent l'un à l'autre, tant à caufe des différences qui fe trouvent dans les qualités du térrain, dans, fès dégrés de fertilité, dans la nature de fes productions dans l'in-. fluence des climats, que des celles qu'on remarque dans les tempéramens des hommes qui les habitent, dont les uns confomment peu dans un pays fertile,

les autres beaucoup fur un fol ingrat. Il faut encore avoir égard à la plus grande ou moindre fécondité des femmes, à ce que le pays peut avoir de plus on moins favorable à la population, à la quantité dont le Législateur peut espérer d'y concourir par les établissemen's; de forte qu'il ne doit pas fonder fon jugement fur ce qu'il voit, mais fur ce qu'il prévoit, ni s'arrêter autant à l'état actuelle de la population qu'à celui où elle doit naturellement parvenir. Enfin il y a mille occafions où les accidens particuliers du lieu exigent ou permettent qu'on embraffe plus de terrain qu'il ne paroit nécessaire. Ainfi l'on s'étendra beaucoup dans un pays de montagnes, où les productions naturelles, favoir les bois, les pâturages demandent moins de travail, où l'expérience apprend que les femmes font plus fécondes que dans les plaines, et où un grand fol incliné ne donne qu'une petite base horisontale, la feule qu'il faut compter pour la végéta

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