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effentielle de divers genres; mais comme it ne donne fa théorie qu'à l'appui de fa pratique, il femble moins occupé du foin de trouver des regles que des excuses. Ainfi tout ce qu'il a écrit fur le Poême épique eft plein des mêmes préjugés qui lui ont fait fi mal traduire & abréger l'Iliade: ainfi, au lieu d'étudier le méchanisme de nos vers, il ne ceffe de rimer & de déclamer contre la rime: ainfi fes difcours fur l'Ode & fur la Paftorale ne font que l'apologie déguisée de ses Paftorales & de fes Odes, artifice ingénieux qui n'en a impofé qu'un moment.

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J'en reviens aux Maîtres de l'art, Aristote, Horace, Defpréaux : Ariftote le génie le plus profond, le plus lumineux, le plus vafte qui jamais ait ofé parcourir la sphere des connoiffances humaines; Horace, à la fois Poête, Philofophe & Critique excellent; Defpréaux, l'homme de fon fiecle qui a plus fait valoir la portion de talens qu'il avoit reçue de la Nature & la portion de lumiere & de goût qu'il avoit acquife par le travail.

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Quoiqu'Ariftote, dans fa Poétique, ait donné quelques définitions quelques divifions élémentaires, & communes à la Poéfie en général, ce n'eft que rélativement à

la Tragédie & à l'Épopée, dont il a fait fon objet unique.

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Il remonte à l'origine de la Tragédie, & il la fuit dans fes progrès. Il y diftingue la Fable les mœurs les pensées & la diction. Il veut que la Fable ait une jufte étendue, c'eft-à-dire, telle que la mémoire l'embraffe & la retienne. facilement Jufques-là, dit-il, plus l'action eft étendue plus elle eft belle, pourvu qu'elle faffe un tout ensemble où la vue ne s'égare point. Il exige que l'action foit une & entiere, qu'elle fe paffe dans une révolution du foleil, qu'elle foit vraisemblable, terrible & touchante ; mais il femble en rejetter tout le pathétique fur le dénouement & ne s'occuper que de l'impreffion qu'il doit laiffer dans les ames. Il veut donc que le dénouement foit funefte, non pas aux méchants, non pas aux gens de bien, mais à un personnage mêlé de vices & de vertus, & malheureux par une faute involontaire : ce qui ne s'accorde pas bien avec les exemples qu'il a cités. Ainfi le feul genre de Tragédie qu'approuvoient Socrate & Platon, celle qui fe propofe la même fin que la loi (ut bono, bene; malo, male fit) n'a que le fecond rang dans l'opinion

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d'Ariftote.

A fon gré, ce qui fe paffe entre ennemis ou indifférents n'eft pas digne de la Tragédie: c'eft lorfqu'un ami tue ou va tuer fon ami; un fils, fon pere; une mere, fon fils; un fils, fa mere, &c. que l'action eft vraiment tragique. Or il peut arriver que le crime fe confomme ou ne fe confomme pas; qu'il foit commis aveuglément ou avec connoiffance, & delà naiffent quatre combinaisons : celle où le crime eft commis de propos délibéré; celle où le crime n'eft reconnu qu'après qu'il eft commis; celle où la connoiffance du crime que l'on alloit commettre empêche tout-à-coup qu'il ne foit confommé; & celle où réfolu à commettre le crime avec pleine lumiere, on eft retenu par fes remords ou par quelque nouvel incident. Ariftote rejette abfolument celle-ci, & donne la préférence à celle où le crime qu'on alloit commettre aveuglément, eft reconnu fur le point d'être exécuté, comme dans Mérope. Ce chapitre eft le plus profond de la Poétique d'Ariftote.

Il paffe aux mœurs, & il exige qu'elles foient bonnes, convenables, reffemblantes & d'accord avec elles-mêmes. Nous aurons lieu d'expliquer ce qu'il entend par la bonté des mœurs dramatiques.

Quoiqu'il admette quatre efpeces de Tragédies, l'une pathétique, l'autre morale, & l'une & l'autre fimple ou implexe, c'est-à-dire, terminée fans révolution ou par une révolution, qu'il appelle Péripétie; il donne la préférence à la Tragédie implexe & pathétique, à celle, dis-je, où la fortune d'un personnage intéreffant change de face par une révolution pitoyable & terrible. Or le grand mobile des révolutions, c'eft la reconnoiffance. Il veut qu'elle foit amenée naturellement, & il en propofe les moyens. plus belle, dit-il, eft celle qui naît des incidens, comme dans l'@dipe & l'Iphigénie en Tauride.

La

Il enfeigne aux Poêtes une méthode excellente pour s'affurer de la bonté, de la régularité de leur plan c'eft de le tracer d'abord dans fa plus grande fimplicité, avant de penser aux détails & aux circonftances épifodiques. Il en donne l'exemple avec le précepte, en réduifant ainfi le fujet d'Iphigénie (a) & de l'Odyffée.

Il recommande que l'on foit préfent à l'action que l'on veut peindre, que l'on fe pénetre foi

(a) En Tauride.

même des fentimens que l'on doit exprimer, & qu'on imite en compofant, l'action des perfonnages qu'on met fur la scene: méthode qui contribue réellement à donner au ftyle plus de chaleur & de vérité.

Il diftingue dans la Fable le nœud & le dénouement. Il entend par le nœud tout ce qui précede la révolution, & par le dénouement tout ce qui la fuit. Le nœud fe forme par des incidens qui viennent du dehors, ou qui naiffent du fond du fujet. Ces incidens, les moyens, les circonftances de l'action font ce qu'il appelle épisodes. Le dénouement, dit-il, ne doit jamais être amené par une machine, mais procéder de la même cause qui produit la révolution.

Ce que les Interprêtes Latins d'Ariftote appellent fentences, & ce que M. Dacier appelle mal-à-propos les fentimens, eft dans la Tragédie l'éloquence des paffions, ce qui persuade, intéreffe attendrit, ce qui peint les mouvemens d'une ame & les fait paffer dans l'ame des fpectateurs; mais Ariftote renvoie à ce qu'il en a dit dans fes Livres de la Rhétorique.

Il traite enfin de la diction relativement à La langue.

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