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FLL 35972

R. 169196

POÉTIQUE

FRANÇOISE,

PAR M. MAR MONTEL,

Hiftoriographe de France, l'un des Quarante de
l'Académie Françoife.

TOME PREMIER.

NOUVELLE EDITION, revue de nouveau,
corrigée avec foin.

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AVANT-PROPOS.

A

Melure que la lumiere des Lettres fe répand, que les peuples fe poliffent, & que leurs idées s'épurent, les ouvrages élémentaires qui les ont développées deviennent moins utiles, font négligés, & tombent dans l'oubli. Tel eft aujourd'hui le fort de la plupart des Livres claffiques, qui, dans la renaiffance des Lettres en Europe, y ont femé le germe de la science & du goût.

ces

Il eft bon que les premiers Éditeurs des écrits des Anciens fe foient piqués d'une critique minutieufe ; il eft bon que les élémens de Rhétorique & de Poétique aient été faits comme pour des enfans. La Dialectique même de l'École n'a pas nui au progrès des Lettres distinctions, ces divifions ces définitions difputes de mots qui ont groffi tant de volumes, ont fervi à débrouiller le cahos de l'Antiquité. Sans ce qu'on appelle les Erudits, nous ferions encore barbares. Ces bons efprits auroient été plus loin que nous peut-être, fi leurs pareils Tome I.

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les avoient dévancés & leur avoient applani la route. C'eft grace aux lumieres qu'ils nous ont tranfmifes , que leurs écrits ne font plus de faifon.

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Nous fourions avec dédain, quand nous entendon's Jules Scaliger, dans fa Poétique latine tracer le plan de la Tragédie d'Alcione & demander que le premier acte foit « Une plainte

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fur le départ de Ceix; le fecond, des vœux » pour le fuccès de fa navigation; le troifieme, » la nouvelle d'une tempête; le quatrieme, la » certitude du naufrage; le cinquieme la vue » du cadavre de Ceïx & la mort d'Alcione. » Mais fouvenons-nous que du temps de Scaliger, un spectacle ainfi diftribué auroit été un prodige fur nos théâtres.

Nous trouvons auffi ridicule qu'il propofe à la Comédie de peindre les mœurs de la Grece & de Rome: » Des filles achetées comme "eflaves, & qui foient reconnues libres au » dénouement; Mais dans un temps où l'art Dramatique n'avoit aucune forme en Europe, que pouvoit faire de mieux un Savant que d'en établir les préceptes fur la pratique des Anciens?

On s'impatiente de voir l'Abbé d'Aubinac réduire en regles les premiers principes du fens

avec les profcriptions Lieu de la fcene doit

commun. L'on ne peut fe perfuader que le fiecle de Corneille eût befoin qu'on lui apprît que «L'acteur qui joue Cinna ne doit pas mêler » les barricades de Paris » du Triumvirat ; que le » être un espace vuide & qu'on ne doit » pas y placer les Alpes auprès du Mont» Valérien. » Mais fi l'on penfe que le Thémiftocle de Durier balançoit alors Héraclius, ces leçons ne paroîtront plus fi déplacées pour le

temps.

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C'est donc fans aucun mépris pour les Ecrivains qui ont éclairé leur fiecle, que je les crois au deffous du nôtre. Il faut partir du point où l'on eft; & depuis deux cents ans l'esprit humain a plus gagné, qu'il n'avoit perdu en mille ans de barbarie. Mais de toutes les parties de la Littérature, la Poéfie eft celle dont la connoiffance & le goût, fans ceffe exercés par l'ufage, ont fait parmi nous le plus de progrès. Ainfi des préceptes répandus dans les Poétiques anciennes, les uns font devenus inutiles & les autres infuffifants.

Une Poétique digne de notre âge, feroit un fyfteme régulier & complet, où tout fût foumis à une loi fimple, & dont les regles par

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