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que ce soit moi qui nomme les députés du peuple, comme nous l'avons établi en ce pays fort heureusement. Le représentatif de la sorte est une cocagne, mon Cousin. L'argent nous arrive à foison. Demandez à mon neveu d'Angoulême, nous comptons ici par milliards, ou, pour dire la vérité, par ma foi nous ne comptons plus, depuis que nous avons des députés à nous, une majorité, comme on l'appelle, compacte, dépense à faire, mais petite. Il ne m'en coûte pas.... Non, cent voix ne me coûtent pas, je suis sûr, chaque année, un mois de madame du Cayla; moyennant quoi, tout va de soi-même; argent sans compte ni mesure, et le droit divin n'y perd rieu; nous n'en faisons pas moins tout ce que nous voulons, c'est-à-dire ce que veulent nos courtisans.

Vos Cortès vous ont dégoûté des assemblées délibérautes; mais une épreuve ne conclut pas, feu mon frère s'en trouva mal, et cela ne m'a pas empêché d'y recourir encore, dont bien me prend. Voulez-vous être un pauvre diable comme Jui, qui faute de cinquante malheureux millions.... Quelle misère ! cinquante mille millions, mon Cousin, ne m'embarrassent non plus qu'une prise de tabac. Je pensais comme vous vraiment avant mon voyage d'Angleterre; je n'aimais point du tout ce représentatif; mais là j'ai vu ce que c'est ; si le Turc s'en doutait, il ne voudrait pas autre chose, et ferait de son Divan deux Chambres. Essayez-en mon cher Cousin, et vous m'en direz des nouvelles. Vous verrez bientôt que vos Indes 9 vos galions, votre Pérou étaient de pauvres tirelires, au prix de cette invention-là, au prix d'un budget discuté voté par de bons députés. Il ne faut pas que tous ces mots de liberté, publicité, représentation, vous effarouchent. Ce sont des représentations à notre bénéfice et dont le produit est immense, le danger nu!, quoi qu'on en dise. Tenez, une comparaison va vous rendre cela sensible. La pompe foulante..... Mieux encore, la marmite à vapeur, qui donne chaque minute un potage gras, lorsqu'on la sait gouverner, mais éclate et vous tue si vous ni prenez garde; voilà l'affaire, voilà mon représentatif. Il n'est que de chauffer

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point, ni trop, ni trop peu, chose aisée; cela regarde nos ministres, et le potage est un milliard. Puis, vantez-moi votre absolu qui produisait à feu mon frère, quoi ? trois ou quatre cents millions par an, avec combien de peine ! Ici chaque budget un milliard, sans la moindre difficulté. Que vous en semble, mon Cousin? Allons, mettez de côté vos petites répugnances, et faites potage avec nous en famille ; il n'est rien de tel. Nous nous aiderons mutuellement à l'entretenir comme il faut, et prévenir les accidents.

Si vous l'eussiez eue cette marmite représentative, au temps de l'île de Léon, l'argent ne vous eût point manqué pour la paye de vos soldats qui ne se seraient pas révoltés ; il ne m'eût point fallu envoyer à votre aide et dépenser à vous tirer de cet embarras, cinq cents beaux millions, mon Cousin, non que je veuille vous les reprocher; c'est une bagatelle, un rien; entre parents tout est commun; l'argent et le sang de mes sujets vous appartiennent comme à moi ; ne vous en faites faute au besoin. Je vous rétablirai dix fois, s'il est nécessaire, sans m'incommoder le moins du monde, sans qu'il vous en coûte une obole. Je ne vous demanderai point les frais comme on m'a fait. C'est une vilenie de mes alliés. Au contraire, en vous restaurant, je vous donnerai del'argent, ainsi qu'à vos sujets, tant que vous en voudrez. J'en donne à tout le monde, et je paye partout; j'ai payé ma restauration ; je payerai encore la vôtre, parce que j'ai beaucoup d'argent et beaucoup de complaisance aussi pour les souverains étrangers, qui m'empêchent de recevoir la loi de mon peuple. Je les paie quand ils viennent ici ; je vous paie, vous, quand je vais chez vous. Occupé, occupant je paie l'occupation. J'ai payé Sacken et Platow. Je paie Morillo, Ballesteros; je paie les cabinets, les puissances; je paie les Cortès, la Régence; je paie les Suisses; j'ai encore, tous ces gens-là payés, de quoi entretenir, non seulement ma garde, une maison ici qu'on trouve assez passable, et bien autre que celle de mon prédécesseur, mais de plus, des maîtresses qui naturellement me coûtent quelque chose.

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Le budget suffit à tout, et voilà ce que c'est que ce représentatif dont là-bas vous vous faites une peur. Sottise, enfance, mon Cousin, il n'est rien de meilleur au monde.

Pour monter cette machine chez vous et la mettre en mouvement, sans le moindre danger de vos royales personnes, je vous enverrai, si vous voulez, le sieur de Villèle, homme admirable, ou quelque autre de nos amés, avec une vingtaine de préfets. Fiez-vous à eux ; en moïds de rien il vous auront organisé deux Chambres et un ministère, derrière lequel vous dormirez, pendant qu'on vous fera de l'argent. Vous aurez, de la haute sphère où nous sommes placés · comme dit Foy, le passe-temps de leurs débats, chose la plus drôle du monde, vrai tapage de chiens et de chats qui se battent dans la rue pour des bribes. Quand leurs criailleries deviennent incommodes, on y fait jeter quelques seaux d'eau, dès que le budget est voté.

Octroyez, mon Cousin, octroyez une Charte constitu— tionnelle et tout ce qui s'ensuit, droit d'élection, jury, liberté de la presse; accordez, et ne vous embarrassez de rien, surtout ne manquez pas d'y fourrer une nouvelle.noblesse que vous mêlerez avec l'ancienne, autre espèce d'amusement qui vous tiendra en bonne humeur et en santé longtemps. Sans cela, aux Tuileries, nous péririons d'ennui. Quand vous aurez traité avec vos Libéralès, sous la garantie des puissances, et juré l'oubli du passé à tous ces révolutionnaires, faites-en pendre cinq ou six, aussitôt après l'amnistie, et faites les autres ducs et pairs, particulièrement s'il y en a qu'on ait vus porte-balles ou valets d'écurie; des avocats, des écrivaias, des philosophes bien amoureux de l'égalité; chargez-les de cordons; couvrez-les de vieux titres, de nouveaux parchemius; puis regardez, je vous défie de prendre du chagrin, lorsque vous verrez ces gens-là parmi vos Sanches et vos Gusmans, armorier leurs équipages, écarteler leurs écussons : c'est proprement la petite pièce d'une révolution; c'est une comédie dont on ne

se lasse point et qui pour vos sujets deviendra comme aa carnaval perpétuel.

J'ai à vous dire bien d'autres choses que pour le présent je remets, priant Dieu sur ce, mon Cousin, qu'il vous ait en sa saiute garde.

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Lettre en réponse à un article du Drapeau blauç, inséré dans le numéro du 14 mai 1822.

Au rédacteur du Drapeau Blanc.

MONSIEUR,

Je lis dans votre journal qu'aux élections de Chinon, M. le marquis d'Effiat a obtenu deux cent vingt voix, et que son concurrent (c'est moi sans vanité que vous nommez ainsi) en a eu cent soixante. Cela peut être vrai, je ne le conteste ponit; j'aime mieux m'en rapporter, comme vous avez fait, aux scrutateurs choisis par M. le marquis : mais de grâce, corrigez cette façon de parler. Je ne fus concurrent de personne à Chinon, n'ayant nulle part concouru, que je sache, avec qui que ce soit je n'ai demandé ni souhaité d'être député, non que je ne tinsse à grand honneur d'être.

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