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Nous aurons tout l'ancien régime; on ne nous fera pas grâce d'un abus.

PROCLAMATION.

Soldats, vous allez rétablir en Espagne l'ancien régime et défaire la révolution. Les Espagnols ont fait chez eux la révolution; ils ont détruit l'ancien régime, et à cause de cela on vous envoie contreeax ; et quand vous aurez rétabli l'ancien régime en ce pays-là, on vous ramènera ici pour en faire autaut. Or, l'ancien régime, savez-vous ce que c'est, mes amis? C'est, pour le peuple, des impôts; pour les soldats, c'est du pain noir et des coups de bâton; des coups de bâton et du pain noir, voilà l'ancien régime pour vous. Voilà ce que vous allez rétablir, là d'abord, et ensuite chez vous.

Les soldats espagnols ont fait en Espagne la révolution. Ils étaient las de l'ancien régime et ne voulaient plus ni pain noir ni coups de bâton, ils voulaient autre chose, de l'avancement, des grades; ils en ont maintenant, et de→ viennent officiers à leur tour, selon la loi. Sous l'ancien régime, les soldats ne peuvent jamais être officiers; sous la révolution, au contraire, les soldats deviennent officiers. Vous entendez ; c'est là ce que les Espagnols on établi chez eux, et qu'on veut empêcher. On vous envoie exprès, de peur que la même chose ne s'établisse ici, et que vous ne soyez quelque jour officiers. Partez donc, battez-vous contre les Espagnols; allez, faites-vous estropier, afia de n'être pas officiers et d'avoir des coups de bâton.

pas.

Ce sont les étrangers qui vous y font aller. Car le roi ne voudrait Mais ses alliés le forceut à vous envoyer là. Ses alliés, le roi de Prusse, l'empereur de Russie et l'empereur d'Autriche suivent l'ancien régime. Ils donnent aux soldats beaucoup de coups de bâton avec peu de paio noir, et s'en trouvent très bien, eux souverains. Une chose pourtant les inquiète. Le soldat français, disent-ils, depuis trente ans, ne reçoit point de coups de bâton, et voilà

l'Espagnol qui les refuse aussi; pour peu que cela gagne, adieu la schlague chez nous, personne n'en voudra. Il y faut remédier, et plus tôt que plus tard. Ils ont donc résolu de rétablir partout le régime du bâton, mais pour les soldats seulement; c'est vous qu'ils chargent de cela. Soldats, volez à la victoire, et quand la bataille sera gagnée, vous savez ce qui vous attend ; les nobles auront de l'avancement, Vous aurez des coups de bâton. Entrez en Espagne, marchez tambour battant, mêche allumée, au nom des puissances étrangères : vive la schlague; vive le bâton; point d'avancement pour les soldats, point de grades que pour les nobles.

Au retour de l'expédition, vous recevrez tout l'arriéré des coups de bâton qui vous sont dûs depuis 1789. Eusuite on aura soin de vous tenir au courant.

-La police va découvrir une grande conspiration, qui aura, dit-on, de grandes ramifications dans les provinces et dans l'armée. On nomme déjà des gens qui ea seront certainement. Mais le travail n'est pas fait.

GAZETTE DU VILLAGE.

N° 4.

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Ce journal n'est ni littéraire, ni scientifique, mais rusti

que. A ce titre il doit intéresser tous ceux que la terre fait vivre, ceux qui mangent du pain, soit avec un peu d'ail, soit avec d'autres mets moins simples. Les rédacteurs sont gens connus, demeurant la plupart entre le pont Clouet et le chêne fendu, laboureurs, vignerous, bûcherons', scieurs de long et botteleurs de foin, dont les opinions, les principes n'ont jamais varié, incapables de feindre ou d'avoir d'autres vues que leur propre intérêt, qui, comme chacun sait, est celui de l'état ; tranquilles sur le reste, et croyant qu'eux repus, tout le monde a dîné. Paul-Louis, quelque peu clerc, écoute leurs récits, recueille leurs propos, sentences, dits notables qu'il couche par écrit, et en fait ces articles, sans y mettre du sien, sans y rien sous-entendre. Il ne faut point chercher ici tant de finesse. Nous nommons par leur nom les choses et les gens. Quand nous disons un chou, des citrouilles, un concombre, ce n'est point de la cour ni des grands que nous parlons. Si gros Pierre bat sa femme, nous n'irons pas écrire: Le bruit courait hier que M. de G... P.; ou dans certains salons on se dit à l'oreille..... Nous contons bonnement comme on conte chez nous, et plaignons l'embarras de nos pauvres confrères ayant à satisfaire à-la-fois les lecteurs qui demandent da vrai, et le gouvernement qui prétend que nulle vérité n'est bonne à dire..

M. le maire a entendu la messe dans sa tribune. Après le service divin, M. le maire a travaillé dans son cabinet avec M. le brigadier de la gendarmerie; ensuite de quoi ces messieurs ont expédié leur messager, dit le Bossu, avec un paquet pour M. le préfet, en main Nous savons propre. cela de bonne part; et que le porteur doit revenir avec la réponse ou le reçu: même on l'a vu passer près de la ville aux Dames, où il a bu un coup. Quant au contenu de la dépêche, rien n'a transpiré. On soupçonne qu'il s'agit de quelques mauvais sujets qui veulent danser le dimanche et travailler le jour de Saint Gilles.

Madame, femme de M. le maire, est accouchée d'un gentilhomme, au son des cloches de la paroisse.

-Les rossignols chanteut, et l'hirondelle arrive. Voilà la nouvelle des champs. Après un rude hiver et trois mois de fâcheux temps, pendant lesquels on n'a pu faire charrois ni labours, l'année s'ouvre enfin, les travaux reprennent leur cours.

Charles Avenet est en prison pour avoir parlé aux soldats. Revenant hier de Sainte Maure, il rencontra quelques soldats et les mena au cabaret. Ils furent bientôt bons amis. Avenet a servi long-temps. Il est membre, non chevalier de la légion-d'honneur. En buvant bouteille: Camarades, leur dit-il, qu'il ne vous déplaise, où allez-vous le sac au dos? A l'armée, dirent ces jeunes gens. Fort bien; et demandant une seconde bouteille : Qu'allez-vous faire? Eh, mais, la guerre apparemment. Fort bien, répond Avenet. A la troisième bouteille : Ça, dites-moi, pour qui allezvous faire la guerre? Ils se mirent à rire. On parla des affaires. Deux gendarmes étaient là, qui connaissant Avenet, l'appellent et lui disent: Va-t'en, Avenet, va-t'en. Il les crut, s'en alla, les gendarmes aussi. Mais il revînt bieutât, rejoignit ses convives, et reprit son propos. Alòrs on l'arrêta. C'étaient d'autres gendarmes. Ou l'a mis au cachot. Le cas est grave. Il a dit ce qui se dit entre soldats après trois bouteilles bues.

Les vaches ne se vendent point. Les filles étaient chères à l'assemblée de Vérez, les garçons hors de prix. On n'en saurait avoir. Tous et toutes se marient à cause de la conscription. Deux cents francs un garçon ! sans le denier à dieu, sabots, blouse et chapeau pour la première année. Une fille vingt-cinq écus. La petite Madelon les refuse de Jean Bedout, encore ne sait - elle ni boulanger, ni traire.

- On voit dans nos campagues des gens qui ne gagnant rien, dépensent gros, étrangers, inconnus. L'un marchand d'allumettes, l'autre venu pour vendre un cheval qui vaut vingt francs, s'établissent à l'auberge et mangent dix francs par jour. Ils font des connaissances, jouent et paient à boire les dimanches, les jours de fêtes ou d'assemblée. Hs parlent des Bourbons, de la guerre d'Espagne, causent et font causer. C'est leur état. Pour cela ils vont par les villages uon pour aucun négoce. On appelle ces gens, à la ville des mouchards; à l'armée, des espions; à la cour, des agents secrets; aux champs, ils n'ont point de nom encore, D'étant connus que depuis peu. Ils s'étendent, se répandent à mesure que la morale: publique s'organise.

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- M. le maire est le télégraphe de notre commune ; en le voyant on sait tous les événements. Lorsqu'il nous salue c'est que l'armée de la Foi a reçu quelque échec; bonjour de lui veut dire une défaite là-bas ? Passe-t-il droit et fier? la bataille est gagnée; il marche sur Madrid, enfonce son chapeau pour entrer dans la ville capitale des Espagnes. Que demain on l'en chasse, il nous embrassera, touchera dans la main, amis comme devant. D'un jour à l'autre il change, et du soir au matin est affable ou brutal. Cela ne peut durer; on attend des nouvelles, et selon la tournure que prendront les affaires, on élargira la prison ou les prisonniers.

--Pierre Moreau et sa femme sont morts âgés de vingt et vingt-cinq ans. Trop de travail les a tués ainsi que beaucoup d'autres. On dit travailler comme un nègre, comme un forçat ; il faudrait travailler comme un homme libre.

-Milon fut quatre ans en prison pour son opinion, au

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