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torche au poing, que le passé seul est bon, que le préeent ne vaut rien, n'a jamais rien valu, ne vaudra jamais rien; qu'autrefois il y eut d'honnêtes gens et des mœurs ; mais qu'aujourd'hui les femmes sont toutes débauchées, les enfants tous fils de coquettes, garnements tous nos jeunesgens, et nous marauds à pendre tous, si Bellart faisait son devoir.

Après quoi le dit Paul sera détenu et conduit ès-prisons de Paris, pour y apprendre à vivre et faire pénitence, sous la garde d'un geôlier gentilhomme de nom et d'armes ; qui répondra de sa personne aussi long-temps qu'il conviendra l'entière satisfaction desdits courtisans, pour de cour, gens flatteurs, flagorneurs flagornant par tout le royaume, etc., etc. Voilà, mes chers amis, en quelle extrémité se trouve réduit le bonhomme Paul que nous avons vu faire tant et de si bons fagots dans son bois de Larçai, tant de beau sainfoin dans son champ de la Chavonnière; sage s'il n'eût fait autre chose! On l'avait mainte fois averti que sa langue lui attirerait quelque méchante affaire ; mais il n'en a tenu compte, Dieu sans doute le voulant châtier, afin d'instruire ses pareils qui ne se peuvent empêcher de crier quand on les écorche. Le voilà mis en jugement et condamné ; ou autant vaut. Car vous savez tous comme il est chanceux en procès. Chaque fois qu'on le volait ici, c'était lui qui payait l'amende. Et de fait, se peut-il autrement ? Il ne va pas même voir les juges! Prions Dieu pour lui, mes amis, et que son exemple nous apprenne à ne jamais dire ce que nous pensons des gens qui vivent à nos dépens.

PROCÈS

DE

PAUL-LOUIS COURIER,

VIGNERON DE LA CHAVONNIÈRE,
CONDAMNÉ LE 28 AOUT 1821

A L'OCCASION

DE SON DISCOURS SUR LA SOUSCRIPTION DE CHAMBORD.

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Assez de gens connaissent la brochure intitulée : Simple discours. Lorsqu'elle parut, on la lut; et déjà on n'y pensait plus, quand le gouvernement s'avisa de réveiller l'attention publique sur cette bagatelle oubliée, en persécutant son auteur qui vivait aux champs, loin de Paris. Le pauvre homme, étant à labourer un jour, reçut un long papier signé Jaquinot Pampelune, dans lequel on l'accusait d'avoir offensé la morale publique, en disant que la cour autrefois ne vivait pas exemplairement ; d'avoir en même temps offensé la personne du Roi, et de ce non content, provoqué à offenser ladite personne. A raison de quoi Jaquinot proposait de le mettre en prison et l'y retenir douze années, savoir: deux ans pour la morale, cinq ans pour la personne du Roi, et cinq pour la provocation. Si jamais homme tomba des nues, ce fut Paul-Louis, à la lecture de ce papier timbré. Il quitte ses bœufs, sa charrue, et s'en vient courant à Paris, où il trouva tous ses amis non moins surpris de la colère de ce monsieur de Pampelune, et en grand émoi la plupart. Il u'alla point voir Jaquinot, comme lui con seillaient quelques uns, ni le substitut de Jaquinot, qu'on lui recommandait de voir aussi, ni le président, ni les juges, ni leurs suppléants, ni leurs clercs, non qu'il ne les crût honnêtes geus et de fort bonne compagnie, mais c'est qu'il n'avait point envie de nouvelles connaissances. Il se tint coi ; il attendit, et bientôt il sut que Jaquinot, ayant dû premièrement faire approuver son accusation par un tribunal,

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