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FRANCE UNDER LEWIS XIV.

Un si long cours de prospérités inouies, qui 'devoit un jour nous coûter si cher, éleva bientôt le royaume à un point de gloire et de magnificence où les siècles passés ne l'avoient pas encore vu. La France devint comme le spectacle pompeux de toute l'Europe. Que de maisons royales s'élevèrent, demeures superbes de Louis, où toutes lés merveilles de l'Asie et de l'Italie rassemblées sembloient venir rendre hommage à sa grandeur! Paris, comme Rome triomphante, s'embellissoit des dépouilles des nations. La cour, à l'exemple du souverain, plus brillante et plus magnifique que jamais, se piqua d'effacer l'éclat des cours étrangères; la ville, l'imitatrice éternelle de la cour, en copia le faste; les provinces 3à l'envi marchèrent de loin sur les traces de la ville. La simplicité des anciennes mœurs changea; il ne resta plus de vestiges de la modestie de nos pères que dans leurs vieux et respectables portraits, qui, en ornant les murs de nos palais, nous en reprochoient tout bas la magnificence, Le luxe, toujours le précurseur de l'indigence, en corrompant les mœurs tarit la source de nos biens; la misère même qu'il avoit enfantée, ne put le modérer: la perpétuelle inconstance des ornemens fut un des attributs de la nation; la bizarrerie devint un goût. Nos voisins mêmes, à qui notre faste nous rendoit si odieux, ne laissèrent pas d'en venir chercher chez nous le modèle; et, après les avoir épuisés par nos victoires, nous sumes encore les corrompre par nos exemples.

Cependant chaque jour embellissoit le règne de Louis. La navigation, plus florissante que sous tous les règnes précédens, étendit notre commerce dans toutes les parties du monde connu. Des hommes habiles furent envoyés vers les côtes les plus éloignées de l'un et de l'autre hémisphère pour prendre des points fixes et en perfectionner les connoissances. Un édifice célèbre s'élève hors de nos murs, où, cn observant le cours des astres et toute la magnificence des cieux, on marque au pilote des routes certaines sur la vaste étendue de l'océan, et on apprend au philosophe à s'humilier sous la majesté immense de l'auteur

de l'univers. Nos flottes, aidées de ces secours, nous apportoient tous les ans, comme celles de Salomon, les richesses du Nouveau-Monde. Helas! ces nations insulaires et simples nous envoyoient leur or et leur argent, et nous leur portions peut-être en échange, au lieu de la foi, nos déréglemens et nos vices.

Le commerce, si étendu au-dehors, fut facilité au-dedans par des ouvrages dignes de la grandeur des Romains. Des rivières, malgré les terres et les collines qui les séparoient, virent réunir leurs eaux, et porter au pied des murs de la capitale le tribut et les richesses diverses de chaque province. Les deux mers qui entourent et qui enrichissent ce vaste royaume se donnèrent, pour ainsi dire, la main; et un canal, miraculeux par la hardiesse et les travaux incompréhensibles de l'entreprise rapprocha ce que la nature avoit séparé par des espaces immenses.

Il étoit réservé à Louis d'achever ce que les siècles précédens de la monarchie n'auroient même osé souhaiter; c'étoit le règne des prodiges: nos pères ne les avoient pas même imaginés, nos neveux n'en verront jamais de semblables; mais, plus heureux que nous, ils verront peutêtre le règne de la paix, de la frugalité et de l'innocence. "Qu'ils n'arrivent jamais au comble frivole de notre gloire, plutôt que de l'acheter au prix des vices et des malheurs où elle nous a précipités ! MASSILLON.

1 devoir, often turned into the verb to be with the preposition to.
how many.
3à l'envi, with emulation. 4tout bas, in secret.
pas de, to do nevertheless. "savoir. 7let them not.

que de, ne laisser

SECTION V.

DEATH OF TURENNE.

N'attendez pas, messieurs que j'ouvre ici une scène tragique, que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées, que je découvre ce corps pâle et sanglant auprès duquel fume encore la foudre qui l'a frappé, que je fasse crier son sang comme celui d'Abel, et

que j'expose à vos yeux les tristes images de la religion et de la patrie éplorée. Dans les pertes médiocres on surprend ainsi la pitié des auditeurs; et, par des mouvemens étudiés, on tire au moins de leurs yeux quelques larmes vaines et forcées. Mais on décrit sans art une mort qu'on pleure sans feinte. Chacun trouve en soi la source de sa douleur, et rouvre lui-même sa plaie; et le cœur, pour être touché, n'a pas besoin que l'imagination soit 1émue. "Peu s'en faut que je n'interrompe ici mon discours. Je me trouble, messieurs; Turenne meurt; tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s'éloigne, les bonnes intentions des alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance; tout le camp demeure immobile. Les blessés pensent à la perte qu'ils ont faite, et non pas aux blessures qu'ils ont recues. Les pères mourans envoient leurs fils pleurer sur leur général mort. L'armée en deuil est occupée à lui rendre les devoirs funèbres; et la renommée, qui se plait à répandre dans l'univers les accidens extraordinaires, va remplir toute l'Europe du récit glorieux de la vie de ce prince, et du triste regret de sa mort.

Que de soupirs alors! que de plaintes ! que de louanges retentissent dans les villes, dans la campagne! L'un voyant croître ses moissons bénit la mémoire de celui à qui il doit l'espérance de sa récolte : l'autre, qui jouit encore en repos de l'héritage qu'il a reçu de ses pères, souhaite une éternelle paix à celui qui l'a sauvé des désordres et des cruautés de la guerre. Ici l'on offre le sacrifice adorable de Jésus-Christ pour l'âme de celui qui a sacrifié sa vie et son sang pour le bien public: là on lui dresse une pompe funèbre,où l'on s'attendoit de lui dresser un triomphe. Chacun choisit l'endroit qui lui paroît le plus éclatant dans une si belle vie. Tous 'entreprennent son éloge; et chacun s'interrompant lui-même par ses soupirs et par ses larmes admire le passé, regrette le présent, et tremble pour l'avenir. Ainsi tout le royaume pleure la mort de son défenseur; et la perte d'un homme seul est une calamité publique. FLECHIER.

1émouvoir. peu s'en faut que je, I am on the point of. aller; to be about to. entreprendre pleure, laments:

CHARACTER OF THE FRENCH.

Voyagez beaucoup, et vous ne trouverez pas de peuple aussi doux, aussi affable, aussi franc, aussi poli, aussi spirituel, aussi galant que le François; il l'est quelquefois trop, mais ce défaut est-il donc si grand? Il s'affecte avec vivacité et promptitude, et quelquefois pour des choses très frivoles, tandis que des objets importans, ou le touchent peu, ou n'excitent que sa plaisanterie. Le ridicule est son arme favorite, et la plus redoutable pour les autres et pour lui-même. Il passe rapidement du plaisir à la peine, et de la peine au plaisir. Le même bonheur le fatigue. Il n'éprouve guère de sensations profondes. Il s'engoue, mais il n'est ni fantasque, ni intolérant, ni enthousiaste. Il ne 'se mêle jamais d'affaires d'état que pour chanson ner ou dire son épigramme sur les ministres. Cette légèreté est la source d'une espèce d'égalité dont il n'existe aucune trace ailleurs: elle met de temps en temps l'homme du commún qui a de l'esprit au niveau du grand seigneur; c'est en quelque sorte un peuple de femmes: car c'est parmi les femmes qu'on découvre, qu'on entend qu'on aperçoit à côté de l'inconséquence, de la folie, et du cap rice, un mouvement, un mot, une action forte et sublime. Il a le tact exquis, le goût très fin; ce qui tient au sentiment de l'honneur, dont la nuance se répand sur toutes les conditions et sur tous les objets. Il est brave. Il est plutôt indiscret que confiant, et plus libertin que voluptueux. La sociabilité qui le rassemble en cercles nombreux, et qui le promène en un jour en vingt cercles différens, use tout pour lui en un clin d'œil, ouvrages, nouvelles, modes, vices, vertus. Chaque semaine a son héros en bien comme en mal; c'est la contrée où il est le plus facile de faire parler de soi, et le plus difficile d'en faire parler long-temps. Il aime les talens en tout genre; et c'est moins par les récompenses du gouvernement que par la considération populaire qu'ils se soutien. nent dans son pays. Il honore le génie, il se familiarise trop aisément; ce qui n'est pas sans inconvénient pour lui-même, et pour ceux qui veulent se faire respecter. Le François est avec vous ce que vous désirez qui'l soit ;

mais il faut se tenir avec lui sur les gardes. Il perfec tionne tout ce que les autres inventent. Tels sont les traits dont il porte l'empreinte, plus ou moins marquée, dans les contrées qu'il visite plutôt pour satisfaire sa curiosité, que pour ajouter à son instruction, aussi n'en rapporte-t-il que des prétentions. Il est plus fait pour l'amusement que pour l'amitié. Il a des connaissances sans nombre, et souvent il meurt seul. C'est l'être de la terre qui a le plus de jouissances et le moins de regrets. Comme il ne s'attache à rien fortement, il a bientôt oublié ce qu'il a perdu. Il possède supérieurement l'art de remplacer, et il est secondé dans cet art par tout ce qui l'environne. Si vous en exceptez cette prédilection offensante qu'il a pour sa nation, et qu'il n'est pas en lui de dissimuler, il me semble que le jeune François, gai, léger, plaisant, et frivole, est l'homme aimable de sa nation; et que le François 'mûr, instruit, et sage, qui a conservé les agrémens de sa jeunesse, est l'homme aimable et estimable de tous les pays. RAYNAL.

'se mêler, to meddle. 2tenir, to partake of. il n'est pas en lui, it is

not in his power. 4nature. 'agrémens, winning gifts.

SECTION VI.

DESCRIPTION OF BETÍCA.

Le fleuve Bétis* coule dans un pays fertile, et sous un ciel doux qui est toujours serein. Le pays a pris le nom du fleuve, qui se jette dans le grand Océan, assez près des colonnes d'Hercule et de cet endroit où la mer furieuse, rompant ses digues, sépara autrefois la terre de Tarsis d'avec la grande Afrique. Ce pays semble avoir conservé les délices de l'âge d'or. Les hivers y sont tièdes, et les rigoureux aquilons n'y soufflent jamais. L'ardeur de l'été y est toujours tempérée par des zéphyrs rafraîchissans qui viennent adoucir l'air vers le milieu du jour. Ainsi

The ancient name for the Guadalquiver, a river of Spain which waters Andalusia, called Batica by the ancients.

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