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menaçant. La vue d'un homme vivant lui étoit odieuse, comme la lumière offense les yeux des animaux qui ont accoutumé de ne sortir de leurs retraites que pendant la nuit. A son coté paroissoit Proserpine, qui attiroit seule ses regards, et qui sembloit un peu adoucir son cœur : elle jouissoit d'une beauté toujours nouvelle; mais elle paroissoit avoir joint à ces grâces divines je ne sais quoi de dur et de cruel de son époux.

Au pied du trône étoit la Mort pâle et dévorante, avec sa faux tranchante, qu'elle aiguisoit sans cesse. Autour d'elle voloient les noirs soucis; les cruelles défiances; les vengeances toutes dégouttantes de sang et couverte des plaies; les haines injustes; l'avarice qui se ronge ellemême; le désespoir qui se déchire de ses propres mains; l'ambition forcenée qui renverse tout; la trahison qui veut se repaître de sang, et qui ne peut jouir des maux qu'elle a faits; l'envie qui verse son venin mortel autour d'elle, et qui se tourne en rage, dans l'impuissance où elle est de nuire; l'impiété qui se creuse elle-même un abyme sans fond, où elle se précipite sans espérance; les spectres hideux, les fantômes qui représentent les morts pour épouvanter les vivans; les songes affreux; les insomnies aussi cruelles que les tristes songes. Toutes ces images funestes environnoient le fier Pluton, et remplissoient le palais où il habite. FENELON.

1à grande pas, in haste. ont used for sont. je ne sais quoi; this is the same latin phrase noticed in the preceding piece. It may be taken in a good or a bad sense, as well as nescio quid. Translate this, something of the harshness, and cruelty of her husband.

SECTION III.

MANNERS OF THE INHABITANTS OF NORTH AMERICA.

Les mœurs sont ce qu'elles 'doivent être chez un peuple nouveau, chez un peuple cultivateur, chez un peuple qui n'est ni poli ni corrompu par le séjour des grandes cités. Il régne généralement de l'économie, de la propreté, du bon ordre dans les familles. La galanterie et

le jeu, ces passions de l'opulence oisive, altèrent rarement cette heureuse tranquillité. Les femmes sont encore ce qu'elles doivent être, douces, modestes, compatissantes, et secourables, elles ont ces vertus, qui perpétuent l'empire de leurs charmes. Les hommes sont occupés de leurs premiers devoirs, du soin, et du progrès de leurs plantations, qui seront le soutien de leur postérité. Un sentiment de bienveillance unit toutes les familles. Rien ne contribue à cette union, comme une certaine égalité d'aisance, comme la sécurité qui nait de la propriété, comme l'espérance et la facilité communes d'augmenter ces possessions, comme l'indépendance réciproque où tous les hommes sont pour leurs besoins, jointe au besoin mutuel de société pour leurs plaisirs. A la place du luxe qui traîne la misère à sa suite, au lieu de ce contraste affligeant et hideux, un 2bien-être universel, réparti sagement par la première distribution des terres, par le cours de l'industrie, a mis dans tous les cœurs le désir de se plaire mutuellement, désir plus satisfaisant, sans doute que la secrète envie de nuire, qui est inséparable d'une extrême inégalité dans les fortunes et les conditions. On ne se voit jamais sans plaisir, quand on n'est, ni dans un état d'éloignement réciproque qui conduit à l'indifférence, ni dans un état de rivalité, qui est près de la haine. On se rapproche, on se rassemble; on mène enfin dans les colonies cette vie champêtre, qui fut la première destination de l'homme, la plus convenable à la santé, à la fécondité. On y jouit peut-être de tout le bonheur compatible avec la fragilité de la condition humaine. On n'y voit pas ces grâces, ces talens, ces jouissances recherchées, dont l'apprêt et les frais usent et fatiguent tous les ressorts de l'âme amènent les vapeurs de la mélancolie après les soupirs de la volupté; mais les plaisirs domestiques, l'attachement réciproque des parens et des enfans, l'amour conjugal, cet amour si pur, si délicieux pour qui sait goûter et mépriser les autres amours. C'est là le spectacle enchanteur qu'offre partout l'Amérique Septentrionale; c'est dans les bois de la Floride et de la Virginie, c'est dans les forêts même du Canada, qu'on peut aimer toute sa vie ce

qu'on aima pour la première fois, l'innocence et la vertu, qui ne laissent jamais périr la beauté toute entière.

RAYNAL.

1devoir. bien-être, comfort. 3see miscellaneous remarks VI. *perir. The verb is placed first in French, which in this case should be placed last in English.

FAMINE AT SEA.

La course fut assez paisible jusque vers les îles * Galapes; mais là, on sentit s'élever, entre l'orient et le nord, un vent rapide auquel il fallut obéir, et se voir pousser sur des mers qui n'avoient point encore vu de voiles. Dix fois le soleil fit son tour, sans que le vent fût apaisé. Il tombe enfin; et bientôt après un calme profond lui succède. Les ondes, violemment émues, se balancent long-temps encore après que le vent a cessé. Mais insensiblement leurs sillons s'aplanissent; et sur une mer immobile, le navire, comme enchaîné, cherche inutilement dans les airs un souffle qui l'ébranle; la voile, cent fois déployée, retombe cent fois sur les mats. L'onde, le ciel, un horizon vague, ou la vue 2a beau s'enfoncer dans l'abîme de l'étendue, un vide profond et sans bornes, le silence et l'immensité, voilà ce que présente aux matelots ce triste et fatal hémisphère. Consternés et glacés d'effroi ils demandent au ciel des orages et des tempêtes; et le ciel, devenu d'airain comme la mer, ne leur offre de toutes parts qu'une affreuse sérénité. Les jours, les nuits s'écoulent dans ce repos funeste. Ce soleil, dont l'éclat naissant ranime et réjouit la terre; ces étoiles, dont les nochers aiment à voir briller les feux étincelans; ce liquide cristal des eaux, qu'avec tant de plaisir nous contemplons du rivage, lorsqu'il réfléchit la lumière et répète l'azur des cieux, ne forment plus qu'un spectacle funeste; et tout ce qui, dans la nature, annonce la paix et la joie, ne porte ici que l'épouvante, et ne présage que la mort.

* Galapagos. Islands in the South Pacific Ocean.

Cependant, les vivres s'épuisent. On les réduit, on les dispense d'une main avare et sévère. La nature, qui voit tarir les sources de la vie, en 3devient plus avide; et plus les secours diminuent, plus on sent croître les besoins. A la disette enfin succède la famine, fléau terrible sur la terre, mais plus terrible mille fois sur le vaste abîme des eaux; car au moins sur la terre quelque lueur d'espérance peut abuser la douleur et soutenir le courage; mais au milieu d'une mer immense, écarté, solitaire, et environné du néant, l'homme, dans l'abandon de toute la nature, n'a pas même l'illusion pour le sauver du désespoir: il voit comme un abime l'espace épouvantable qui l'éloigne de tout secours; sa pensée et ses vœux s'y perdent; la voix même de l'espérance ne peut arriver jusqu'à lui.

Les premiers accès de la faim se font sentir sur le vaisseau: cruelle alternative de douleur et de rage, où l'on voyoit des malheureux étendus sur les bancs, lever les mains vers le ciel, avec des plaintes lamentables, ou courir éperdus et furieux de la proue à la poupe, et demander au moins que la mort vint finir leurs maux.

. . . La nuit vint, et ne fut troublée que par des gémissemens. Tout étoit consterné, tout resta immobile. . . . . .

... Avec le jour enfin se lève un vent frais, qui ranime l'espérance et la joie dans l'àme des Castillans. Quelle espérance, hélas! ce vent s'oppose encore à leur retour vers l'orient, et va les pousser plus avant sur un océan sans rivages. Mais il les tire de ce repos, plus horrible que tout le reste; et quelque route qu'il faille suivre, elle est pour eux comme une voie de délivrance et de salut.

On présente la voile à ce vent si désiré; il l'enfle: le vaisseau s'ébranle et sur la surface ondoyante de cette mer, si long-temps immobile, il trace un vaste sillon. L'air ne retentit point de cris: la foiblesse des matelots ne leur permit que des soupirs et des mouvemens de joie. On vogue, on fend la plaine humide, les yeux errant sur le lointain, pour découvrir s'il est possible, quelque apparence de rivage. Enfin, de la cime du mât, le matelot croit apercevoir un point fixe vers l'horizon. Tous les yeux se dirigent vers ce point éminent, et qui leur paroît immobile. C'est une île, on l'ose espérer, le pilote même

l'assure. Les cœurs flétris s'épanouissent; les larmes de la joie commencent à couler; et plus la distance s'abrège, plus la confiance 's'accroît. MARMONTEL.

1sans que, before. 2la vue a beau, it is in vain for the sight. 3devenir. *se font sentir, begin to be felt. venir. croire. 7accroître.

SECTION IV.

DESCRIPTION OF ARABIA.

'Qu'on se figure un pays sans verdure et sans eau, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l'œil s'étend et le regard se perd sans pouvoir s'arrêter sur aucun objet vivant; une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les vents laquelle ne présente que des ossemens, des cailloux jonchés, des rochers 'debout ou renversés, un désert entièrement découvert où le voyageur n'a jamais respiré sous l'ombrage, où rien ne l'accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante. Solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forets; car les arbres sont encore des êtres pour l'homme qui se voit seul: plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, il voit partout l'espace comme son tombeau: la lumière du jour, plus triste que l'ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l'horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l'abîme de l'immensité qui le sépare de la terre habitée: immensité qu'il tenteroit en vain de parcourir; car la faim, la soif et la chaleur brûlante 'pressent tous les instans qui lui restent entre le désespoir et la mort.

BUFFON.

qu'on se figure, let one imagine. lequel. laquelle relates to terre. *debout, standing. découvert, bare. en reculant, as it removes further. 7pressent, hurry.

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