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Cependant les survivans, persuadés que les divertisse mens, les jeux, les chants, la gaieté, pouvoient seuls les préserver de l'épidémie, ne songeoient plus qu'à chercher des jouissances, non seulement chez eux, mais dans les maisons étrangères, toutes les fois qu'ils croyoient y trou ver quelque chose à leur gré. Tout étoit à leur discrétion; car chacun, comme ne devant plus vivre, avoit abandonné le soin de sa personne et de ses biens. La plupart des maisons étoient devenues communes, et l'étranger qui y entroit, y prenoit tous les droits du propriétaire. 'Plus de respect pour les lois divines et humaines; leurs ministres, et ceux qui devoient veiller à leur exécution, étoient ou morts, ou frappés, ou tellement dépourvus de gardes et de subalternes, qu'ils ne pouvoient imprimer aucune crainte; aussi chacun se regardoit-il comme libre d'agir à sa fantaisie.

Les campagnes n'étoient pas plus épargnées que les villes; les châteaux et les villages, dans leur petitesse, étoient une image de la capitale. Les malheureux laboureurs qui habitoient les maisons éparses dans la campagne, qui n'avoient à espèrer, ni conseils de médecins, ni soins de domestiques, mouroient sur les chemins, dans leurs champs, ou dans leurs habitations, non comme des hommes, mais comme des bêtes. Aussi, devenus négligens de toutes les choses de ce monde, comme si le jour étoit venu où ils ne pouvoient plus échapper à la mort, ils ne s'occupoient plus à demander à la terre ses fruits ou le prix de leurs fatigues, mais se hâtoient de consommer ceux qu'ils avoient déjà recueillis. Le bétail, chassé des maisons, erroit dans les champs déserts, au milieu des récoltes non moissonnées, et le plus souvent, il rentroit de lui-même le soir dans ses étables, quoiqu'il ne restât plus de maîtres ou de bergers pour le surveiller.

Aucune peste, dans aucun temps, n'avoit encore frappé tant de victimes. Sur cinq personnes, il en mourut trois, à Florence et dans tout son territoire. Bocace es

time que la ville seule perdit plus de cent mille individus. A Pise, sur dix, il en périt sept; mais, quoique dans cette ville on eût reconnu, comme ailleurs, que quiconque touchoit un mort ou ses effets, ou même son argent, étoit

atteint de la contagion, et quoique personne ne voulût pour un salaire rendre aux morts les derniers devoirs, cependant nul cadavre ne resta dans les maisons, privé de sépulture. A Sienne, l'historien Agnolo de Tura raconte que, dans les quatre mois de mai, juin, juillet et août, la peste enleva quatre-vingt mille âmes, et que lui-même ensevelit, de ses propres mains, ses cinq fils dans la même fosse. La ville de Trapani, en Sicile, resta complètement déserte. Gênes perdit quarante mille habitans, Naples soixante mille, et la Sicile, sans doute avec la Pouille, cinq cent trente mille. En général, on calcula que dans l'Europe entière, qui fut soumise, d'une extrémité à l'autre, à cet épouvantable fléau, la peste enleva les trois cinquièmes de la population.

SISMONDI.

1à la réserve de, excepting. 2aussi ne resta-t-il de, in consequence there remained no. 3se bornoient, were limited to. 4fit tomber en désuétude, put an end to. portoit, led. faire venir, to send for. 1à défaut, for want of it. 8chez eux, at home. plus de, no more.

DIDACTIC PIECES.

SECTION I.

EXISTENCE OF GOD.

Qu'est-il besoin de nouvelles recherches et de spéculations pénibles pour connoître ce qu'est Dieu? Nous n'avons qu'à lever les yeux en haut, nous voyons l'immensité des cieux qui sont l'ouvrage de ses mains, ces grands corps de lumière qui roulent si régulièrement et si majestueusement sur nos têtes, et auprès desquels la terre n'est qu'un atome imperceptible. Quelle magnificence! Qui a dit au soleil: "Sortez du néant, et présidez au jour." Et à la lune: "Paroissez, et soyez le flambeau

ON LOVE OF COUNTRY.

Aimer sa patrie, c'est faire tous ses efforts 'pour qu'elle soit redoubtable au-dehors et tranquille au-dedans. Des victoires ou des traités avantageux lui attirent le respect des nations. Le maintien des lois et des mœurs peut seul affermir sa tranquillité intérieure; ainsi, pendant qu'on oppose aux ennemis de l'Etat des géneraux et des négociateurs habiles, il faut opposer à la licence et aux vices qui tendent à tout détruire, des lois et des vertus qui tendent à tout rétablir: et de là quelle foule de devoirs, aussi essentiels qu'indispensables pour chaque classe de citoyens, pour chaque citoyen en particulier !

O vous, qui êtes l'objet de ces réflexions, vous qui me faites regretter en ce moment de n'avoir pas une éloquence assez vive pour vous parler dignement des vérités dont je suis pénétré; vous enfin que je voudrois embraser de tous les amours honnêtes, parce que vous n'en seriez que plus heureux, souvenez-vous sans cesse que la patrie a des droits imprescriptibles et sacrés sur vos talens, sur vos vertus, sur vos sentimens et sur toutes vos actions; qu'en quelque état que vous vous trouviez, vous n'êtes que des soldats en faction, toujours obligés de veiller pour elle, et de voler à son secours au moindre danger!

Pour remplir une si haute destinée, il ne suffit pas de vous acquitter des emplois qu'elle vous confie, de défendre ses lois, de connoître ses intérêts, de répandre même votre sang dans un champ de bataille ou dans la place publique. Il est pour elle des ennemis plus dangereux que les ligues des nations et les divisions intestines; c'est la guerre sourde et lente, mais vive et continue, que les vices font aux mœurs: guerre d'autant plus funeste que la patrie n'a par elle-même aucun moyen de l'éviter ou de la soutenir. Permettez qu'à l'exemple de Socrate, je mette dans sa bouche le discours qu'elle est en droit d'adresser à ses enfans:

"C'est ici que vous avez reçu la vie, et que de sages institutions ont perfectionné votre raison. Mes lois veillent à la sûreté du moindre des citoyens, et vous avez tous fait un serment formel ou tacite, de consacrer vos

jours à mon service. Voilà mes titres : quels sont les vôtres, pour donner attéinte aux mœurs qui servent mieux que les lois de fondement à mon empire? Ignorez-vous qu'on ne peut les violer sans entretenir dans l'Etat un poison destructeur; qu'un seul exemple de dissolution peut corrompre une nation, et lui devenir plus funeste que la perte d'une bataille; que vous respecteriez la décence publique, s'il vous falloit du courage pour la braver, et que le faste avec lequel vous étalez des excès qui restent impunis, est une lâcheté, aussi méprisable qu'insolente?

"Cependant vous osez vous approprier ma gloire, et vous enorgueillir aux yeux des étrangers, d'être nés dans cette ville qui a produit Solon et Aristide, de descendre de ces Héros qui ont fait si souvent triompher mes armes. Mais quels 'rapports y a-t-il de commun entre ces sages et vous? Je dis plus; qu'y a-t-il de commun entre vous et vos aïeux? Savez-vous qui sont les compatriotes et les enfans de ces grands hommes? les citoyens vertueux, dans quelque état qu'ils soient nés, dans quelque intervalle de temps qu'ils puissent naître.

"Heureuse leur patrie, si, aux vertus dont elle s'honore, ils ne joignoient pas une indulgence qui concourt à sa perte! Ecoutez ma voix à votre tour, vous qui, de siècle en siècle, perpétuez la race des hommes précieux à l'humanité. J'ai établi des lois contre les crimes; je n'en ai point décerné contre les vices, parce que ma vengeance ne peut être qu'entre vos mains, et que vous seuls pouvez les poursuivre par une haine vigoureuse. Loin de la contenir dans le silence, il faut que votre indignation tombe en éclats sur la licence qui détruit les mœurs, sur les violences, les injustices et les perfidies qui se dérobent à la vigilance des lois, sur la fausse probité, la fausse modestie, la fausse amitié et toutes ces viles impostures qui surprennent l'estime des hommes; et ne dites pas que les temps sont changés, et qu'il faut avoir plus de ménagemens pour le crédit des coupables: une vertu sans ressources est une vertu sans principes; dès qu'elle ne frémit pas à l'aspect des vices, elle en est souillée.

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de la nuit.” Qui a donné retre et le nom à cette multitude des qui décorent avec tant de splendour le firmament, et qui sont autant de soleils immenses, atta chés chacun à une espèce de monde nouveau qu'ils tuliront? Quel est l'ouvrier dont la 'toute-puissance a pu opérer ce ༄uཙI བསརཔ །üv Iv བ་ éblouie se nerd et se confond? rain Créateur de l'univers pourroit les avoir opérées? Seroient-elles sorties d'elles-mêmes du sein du hasard et du néant? Et l'impie sera-t-il assez désespéré pour attribuer à ce qui n'est pas une toute-puissance qu'il ose refuser à celui qui est essentiellement, et par qui tout a été fait?

Les peuples les plus grossiers et les plus barbares enDieu les a établis sur nos tendent le langage des cieux. têtes comme des hérauts célestes qui ne cessent d'annoncer à tout l'univers sa grandeur: leur silence majestueux parle la langue de tous les hommes et de toutes les nations; c'est une voix entendue 3partout où la terre nourrit des habitans. Qu'on parcoure jusqu'aux extrémités les plus reculées de la terre et les plus désertes, nul lieu dans l'univers, 'quelque caché qu'il soit au reste des hommes, ne peut se dérober à l'éclat de cette puissance qui brille au-dessus de nous dans les globes lumineux qui décorent le firmament.

la

Voilà le premier livre que Dieu a montré aux hommes pour leur apprendre ce qu'il étoit; c'est là où ils étudièrent d'abord ce qu'il vouloit leur manifester de ses perfections infinies: c'est à la vue de ces grands objets que, frappés d'admiration et d'une crainte respectueuse, ils se prosternoient pour en adorer l'auteur toutpuissant. Il ne leur falloit pas des prophètes pour les instruire de ce qu'ils devoient à la majesté suprême; structure admirable des cieux et de l'univers le leur apprenoit assez. Ils laissèrent cette religion simple et pure à leurs enfans; mais ce précieux dépôt se corrompit entre leurs mains. "A force d'admirer la beauté et l'éclat des ouvrages de Dieu, ils les prirent pour Dieu même : les astres, qui ne paroissoient que pour annoncer sa gloire aux hommes, 'devinrent eux-mêmes leurs divinités. In

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