Page images
PDF
EPUB

inceurs des Européens, ni de leurs armes', et qui, loin de nous admirer, comme les innocents Caraïbes, n'avaient pour nos usages que du dégoût et du mépris.

Trois nations se partageaient l'empire du désert: l'Algonquine, la plus ancienne et la première de toutes, mais qui, s'étant attiré la haine, par sa puissance, était prête à succomber sous les armes des deux autres; la Huronne, qui fut notre alliée, et l'Iroquoise notre ennemie.

Ces peuples n'étaient point vagabonds; ils avaient des établissements fixes, des gouvernements réguliers. Nous avons eu nousmêmes occasion d'observer, chez les Indiens du Nouveau-Monde, toutes les formes de constitutions des peuples civilisés ainsi les Natchez, à la Louisiane, offraient le despotisme dans l'état de nature, les Creecks de la Floride la monarchie, et les

:

1. Dans le premier combat de Champlain contre les Iroquois, ceux-ci soutinrent le feu des Français sans donner d'abord le moindre signe de frayeur ou d'étonnement.

Iroquois au Canada le gouvernement républicain.

Ces derniers et les Hurons représentaient encore les Spartiates et les Athéniens dans la condition sauvage : les Hurons, spirituels, gais, légers, dissimulés toutefois, braves, éloquents, gouvernés par des femmes; abusant de la fortune, et soutenant mal les revers, ayant plus d'honneur que d'amour de la patrie; les Iroquois séparés en cantons que dirigeaient des Vieillards, ambitieux, politiques, taciturnes, sévères, dévorés du désir de dominer, capables des plus grands vices et des plus grandes vertus, sacrifiant tout à la patrie, les plus féroces et les plus intrépides des hommes.

Aussitôt que les Français et les Anglais. parurent sur ces rivages, par un instinct naturel, les Hurons s'attachèrent aux premiers; les Iroquois se donnèrent aux seconds, mais sans les aimer; ils ne s'en servaient que pour se procurer des armes. Quand leurs nouveaux alliés devenaient trop puissants, ils les abandonnaient; ils

s'unissaient à eux de nouveau, quand les Français obtenaient la victoire. On vit ainsi un petit troupeau de Sauvages se ménager entre deux grandes nations civilisées, chercher à détruire l'une par l'autre, toucher souvent au moment d'accomplir ce dessein, et d'être à la fois le maître et le libérateur de cette partie du Nouveau-Monde.

Tels furent les peuples que nos missionnaires entreprirent de nous concilier par la religion. Si la France vit son empire s'étendre en Amérique, par de-là les rives du Meschacebé, si elle conserva si long-temps le Canada contre les Iroquois et les Anglais unis, elle dut presque tous ses succès aux Jésuites. Ce furent eux qui sauvèrent la colonie au berceau, en plaçant pour boulevard devant elle un village de Hurons et d'Iroquois chrétiens, en prévenant des coalitions générales d'Indiens, en négociant des traités de paix, en allant seuls s'exposer à la fureur des Iroquois, pour traverser les desseins des Anglais. Les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre ne cessent dans

leurs dépêches de peindre nos missionnaires comme leurs plus dangereux enneinis : « Ils déconcertent, » disent-ils, « les projets de la puissance Britannique; ils << découvrent ses secrets, et lui enlèvent le <«< cœur et les armes des Sauvages. »

[ocr errors]

La mauvaise administration du Canada, les fausses démarches des commandants, une politique étroite ou oppressive, mettaient souvent plus d'entraves aux bonnes intentions des Jésuites, que l'opposition de l'ennemi. Présentaient-ils les plans les mieux concertés pour la prospérité de la colonie, on les louait de leur zèle, et l'on suivait d'autres avis. Mais aussitôt que les affaires devenaient difficiles, on recourait à ces mêmes hommes, qu'on avait si dédaigneusement repoussés. On ne balançait point à les employer dans des négociations dangereuses, sans être arrêté par la considération du péril auquel on les exposait : l'histoire de la Nouvelle-France en offre un exemple remarquable.

La guerre était allumée entre les Fran

[ocr errors]

çais et les Iroquois : ceux-ci avaient l'avantage; ils s'étaient avancés jusque sous les murs de Québec, massacrant et dévorant les habitants des campagnes. Le Père Lamberville était en ce moment même missionnaire chez les Iroquois. Quoique sans cesse exposé à être brûlé vif par les vainqueurs il n'avait pas voulu se retirer, dans l'espoir de les ramener à des mesures pacifiques, et de sauver les restes de la colonie; les Vieillards l'aimaient et l'avaient protégé contre les Guerriers.

Sur ces entrefaites il reçoit une lettre du gouverneur du Canada, qui le supplie d'engager les Sauvages à envoyer des ambassadeurs au fort Catarocouy pour traiter de la paix. Le missionnaire court chez les Anciens, et fait tant, par ses remontrances et ses prières, qu'il les décide à accepter la trève, et à députer leurs principaux chefs. Ces chefs, en arrivant au rendez-vous, sont arrêtés, mis aux fers, et envoyés en France aux galères.

Le Père Lamberville avait ignoré le des

[ocr errors]
« PreviousContinue »