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naissances, et par la sagesse de son caractère, parlait très-bien le chinois et le tartare.... C'est lui qui est principalement connu parmi nous, par les réponses sages et instructives sur les sciences de la Chine, aux difficultés savantes d'un de nos meilleurs philosophes '. >>

En 1711, l'empereur de la Chine donna aux Jésuites trois inscriptions qu'il avait composées lui-même, pour une église qu'ils faisaient élever à Pékin. Celle du frontispice portait :

«< Au vrai principe de toute chose. »> Sur l'une des deux colonnes du péristyle, on lisait :

<<< Il est infiniment bon et infiniment juste; il éclaire, il soutient, il règle tout avec une suprême autorité et avec une souveraine justice. >>

La dernière colonne était couverte de ces mots :

« Il n'a point eu de commencement, il

1. Siècle de Louis XIV, chap. xxxix.

:

n'aura point de fin il a produit toutes choses dès le commencement; c'est lui qui les gouverne et qui en est le véritable Sci

gneur, »

Quiconque s'intéresse à la gloire de son pays, ne peut s'empêcher d'être vivement ému en voyant de pauvres missionnaires français donner de pareilles idées de Dieu au chef de plusieurs millions d'homines : quel noble usage de la religion!

Le peuple, les mandarins, les lettrés, embrassaient en foule la nouvelle doctrine: les cérémonies du culte avaient surtout un succès prodigieux. « Avant la communion,» dit le Père Prémare, cité par le Père Fouquet, « je prononçai tout haut les actes qu'on fait faire en approchant de ce divin sacrement. Quoique la langue chinoise ne soit pas féconde en affections du cœur, cela eut beaucoup de succès.... Je remarquai, sur les visages de ces bons chrétiens, une dévoque je n'avais pas encore vue'. »

tion

1. Lettres édif., tom. XVII, p. 149.

<< Loukang,» ajoute le même missionnaire, «< m'avait donné du goût pour les missions de la campagne. Je sortis de la bourgade, et je trouvai tous ces pauvres gens qui travaillaient de côté et d'autre'; j'en abordai un d'entre eux, qui me parut avoir la physionomie heureuse, et je lui parlai de Dieu. Il me parut content de ce que je lui disais, et m'invita par honneur à aller dans la salle des ancêtres. C'est la plus belle maison de la bourgade; elle est commune à tous les habitants, parce que, s'étant fait depuis long-temps une coutume de ne point s'allier hors de leur pays, sont tous parents aujourd'hui, et ont les mêmes aïeux. Ce fut donc là que plusieurs,

ils

quittant leur travail, accoururent pour entendre la sainte doctrine '. »

N'est-ce pas là une scène de l'Odyssée, ou plutôt de la Bible ? ́·

1. Lettres édif., tom. XVII, p. 152 et suiv. Voyez la uote 2 à la fin du livre.

Un empire, dont les moeurs inaltérables usaient depuis deux mille ans le temps, les révolutions et les conquêtes, cet empire change à la voix d'un moine chrétien, parti seul du fond de l'Europe. Les préjugés les plus enracinés, les usages les plus antiques, une croyance religieuse consacrée par les siècles, tout cela tombe et s'évanouit au seul nom du Dieu de l'Évangile. Au moment même où nous écrivons, au moment où le christianisme est persécuté en Europe, il se propage à la Chine. Ce feu qu'on avait cru éteint s'est ranimé, comme il arrive toujours après les persécutions. Lorsqu'on massacrait le clergé en France, et qu'on le dépouillait de ses biens et de ses honneurs, les ordinations secrètes étaient sans nombre; les évêques proscrits furent souvent obligés de refuser la prêtrise à des jeunes gens qui voulaient voler au martyre. Cela prouve, pour la millième fois, combien ceux qui ont cru anéantir le christianisme, en allumant les bûchers, ont méconnu

son esprit. Au contraire des choses humaines, dont la nature est de périr dans les tourments, la véritable religion s'accroît dans l'adversité: Dieu l'a marquée du même sceau que la vertu.

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