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égoïsme : elle se cache toujours pour jouir de ses plaisirs, qui sont ses larmes. S'il est des lieux pour la santé du corps, ah! permettez à la religion d'en avoir aussi pour la santé de l'ame; elle qui est bien plus sujette aux maladies, et dont les infirmités sont bien plus douloureuses, bien plus longues, et bien plus difficiles à guérir.

Des gens se sont avisés de vouloir qu'on élevat des retraites nationales pour ceux qui pleurent. Certes, ces philosophes sont profonds dans la connaissance de la nature, et les choses du cœur humain leur ont été révélées! C'est-à-dire qu'ils veulent confier le malheur à la pitié des hommes, et mettre les chagrins sous la protection de ceux qui les causent. Il faut une charité plus magnifique que la nôtre pour soulager l'indigence d'une ame infortunée; Dieu seul est assez riche pour lui faire l'aumône.

On a prétendu rendre un grand service aux Religieux et aux Religieuses, en les forçant de quitter leurs retraites: qu'en est-il advenu? Les femmes qui ont pu trou

ver un asile dans des monastères étrangers, s'y sont réfugiées; d'autres se sont réunies pour former entre elles des monastères au milieu du monde; plusieurs enfin sont mortes de chagrin; et ces Trapistes si à plaindre, au lieu de profiter des charmes de la liberté et de la vie, ont été continuer leurs macérations dans les bruyères de l'Angleterre et dans les déserts de la Russie.

Il ne faut pas croire que nous soyons tous également nés pour manier le hoyau ou le mousquet, et qu'il n'y ait point d'homme d'une délicatesse particulière qui soit formé pour le labeur de la pensée, comme un autre pour le travail des mains. N'en doutons point, nous avons au fond du cœur mille raisons de solitude : quelquesuns y sont entraînés par une pensée tournée à la contemplation; d'autres, par une certaine pudeur craintive, qui fait qu'ils aiment à habiter en eux-mêmes; enfin, il est des ames trop excellentes, qui cherchent en vain dans la nature les autres ames auxquelles elles sont faites pour s'unir, et qui

semblent condamnées à une sorte de virginité morale ou de veuvage éternel. C'était surtout pour ces ames solitaires que la religion avait élevé ses retraites.

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CHAPITRE IV.

DES CONSTITUTIONS MONASTIQUES.

On doit sentir

que ce n'est pas

l'histoire particulière des ordres religieux que nous écrivons, mais seulement leur histoire morale.

Ainsi, sans parler de saint Antoine, père des cénobites, de saint Paul, premier des anachorètes, de sainte Synclétique, fondatrice des monastères de filles; sans nous arrêter à l'ordre de saint Augustin, qui comprend les chapitres connus sous le nom de réguliers; à celui de saint Basile, adopté par les Religieux et les Religieuses d'Orient; à la règle de saint Benoît, qui réunit la plus grande partie des monastères occidentaux; à celle de saint François, pratiquée par les ordres mendiants, nous confon

drons tous les Religieux dans un tableau général, où nous tâcherons de peindre leurs costumes, leurs usages, leurs mœurs, leur vie active ou contemplative, et les services sans nombre qu'ils ont rendus à la société.

Cependant nous ne pouvons nous em pêcher de faire une observation. Il y a des personnes qui méprisent, soit par ignorance, soit par préjugés, ces constitutions sous lesquelles un grand nombre de cénobites ont vécu depuis plusieurs siècles. Ce mépris n'est rien moins que philosophique, et surtout dans un temps où l'on se pique de connaître et d'étudier les hommes. Tout Religieux qui, au moyen d'une haire et d'un sac, est parvenu à rassembler sous ses lois plusieurs milliers de disciples, n'est point un homme ordinaire; et les ressoris qu'il a mis en usage, l'esprit qui domine dans ses institutions valent bien la peine d'être examinés.

Il est digne de remarque, sans doute, que

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