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Et que de choses admirables l'Occident ne nous montre-t-il pas à son tour dans les fondations des communautés, monuments de nos antiquités gauloises, lieux consacrés par d'intéressantes aventures, ou par des actes d'humanité! L'histoire, les passions du cœur, la bienfaisance, se disputent l'origine de nos monastères. Dans cette gorge des Pyrénées, voilà l'hôpital de Roncevaux, que Charlemagne bâtit à Fendroit même où la fleur des chevaliers, Roland, termina ses hauts faits un asile de paix et de secours marque dignement le tombeau du preux qui défendit l'orphelin, et mourut pour sa patrie. Aux plaines de Bovines, devant ce petit temple du Seigneur, j'apprends à mépriser les ares de triomphe des Marius et des Césars; je contemple avec orgueil ce couvent qui vit un roi français proposer la couronné au plus digne. Mais aimez-vous les couvenirs d'une autre sorte? Une femme d'Albion surprise par un sommeil mystérieux, croit voir en songe la lune se pencher vers elle;

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bientôt il lui naît une fille chaste et triste comme le flambeau des nuits, et qui, fondant un monastère, devient l'astre charmant de la solitude.

On nous accuserait de chercher à surprendre l'oreille de doux sons, par si nous rappelions ces couvents d'Aqua-Bella, de Bel-Monte, de Vallombreuse, ou celui de la Colombe, ainsi nommé à cause de son fondateur, colombe céleste qui vivait dans les bois. La Trappe et le Paraclet gardaient le nom et le souvenir de Comminges et d'Héloïse. Demandez à ce paysan de l'antique Neustrie quel est ce monastère qu'on aperçoit au sommet de la colline? Il vous répondra : « C'est le Prieuré des deux Amants: un jeune gentilhomme étant devenu amoureux d'une jeune damoiselle, fille du châtelain de Malmain, ce seigneur consentit à accorder sa fille à ce pauvre gentilhomme, s'il pouvait la porter jusqu'au haut du mont. Il accepta le marché, et, chargé de sa dame, il monta tout au sommet de la colline, mais il mourut de fa

tigue en y arrivant : sa prétendue trépassa bientôt par grand déplaisir; les parents les enterrèrent ensemble dans ce lieu, et ils y firent le prieuré que vous voyez. »

Enfin, les cœurs tendres auront dans les origines de nos couvents de quoi se satisfaire, comme l'antiquaire et le poète. Voyez ces retraites de la Charité, des Pèlerins, du Bien-Mourir, des Enterreurs de Morts, des Insensés, des Orphelins; tâchez, si vous le pouvez, de trouver dans le long catalogue des misères humaines, une seule infirmité de l'ame ou du corps pour qui la religion n'ait pas fondé son lieu de soulagement ou son hospice!

Au reste, les persécutions des Romains contribuèrent d'abord à peupler les solitudes; ensuite, les Barbares s'étant précipités sur l'Empire, et ayant brisé tous les liens de la société, il ne resta aux hommes que Dieu pour espérance, et les déserts pour refuges. Des congrégations d'infortunés se formèrent dans les forêts et dans les lieux les plus inaccessibles. Les plaines fer

tiles étaient en proie à des sauvages qui ne savaient pas les cultiver, tandis que sur les crètes arides des monts habitait un autre monde, qui, dans ces roches escarpées, avait sauvé, comme d'un déluge, les restes des arts et de la civilisation. Mais de même que les fontaines découlent des lieux élevés pour fertiliser les vallées, ainsi les premiers anachorètes descendirent peu à peu de leurs hauteurs, pour porter aux Barbares la parole de Dieu et les douceurs de la vie.

On dira peut-être que les causes qui donnèrent naissance à la vie monastique n'existant plus parmi nous, les couvents étaient devenus des retraites inutiles. Et quand donc ces causes ont-elles cessé? N'y a-t-il plus d'orphelins, d'infirmes, de voyageurs, de pauvres, d'infortunés? Ah! lorsque les maux des siècles barbares se sont évanouis, la société, si habile à tourmenter les ames, et si ingénieuse en douleurs, a bien su faire naître mille autres raisons d'adversité, qui nous jettent dans la solitude! Que

de passions trompées, que de sentiments trahis, que de dégoûts amers nous entraînent chaque jour hors du monde! C'était une chose fort belle que ces maisons religieuses où l'on trouvait une retraite assurée contre les coups de la fortune et les orages de son propre cœur. Une orpheline abandonnée de la société, à cet âge où de cruelles séductions sourient à la beauté et à l'innocence, savait du moins qu'il y avait un asile où l'on ne se ferait pas un jeu de la tromper. Comme il était doux pour cette pauvre étrangère sans parents d'entendreretentir le nom de sœur à ses oreilles ! Quelle nombreuse et paisible famille la religion ne venait-elle pas de lui rendre! un père céleste lui ouvrait sa maison, et la recevait dans ses bras.

C'est une philosophie bien barbare et une politique bien cruelle, que celles-là qui veulent obliger l'infortuné à vivre au milieu du monde. Des hommes ont été assez peu délicats pour mettre en commun leurs voluptés; mais l'adversité a un plus noble

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