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solue. Comparez ces paysans impies, profanant les églises, dévastant les propriétés, brûlant à petit feu les femmes, les enfants et les prêtres; comparez-les aux Vendéens défendant le culte de leurs pères, et seuls libres quand la France était abattue sous le joug de la terreur; comparez-les, et voyez la différence que la religion peut mettre entre les hommes.

On a pu reprocher aux curés des préjugés d'état ou d'ignorance; mais, après tout, la simplicité du cœur, la sainteté de la vie, la pauvreté évangélique, la charité de Jésus-Christ, en faisaient un des ordres les plus respectables de la nation. On en a vu plusieurs qui semblaient moins des hommes que des esprits bienfaisants descendus sur la terre pour soulager les misérables. Souvent ils se refusèrent le pain pour nourrir le nécessiteux, et se dépouillèrent de leurs habits pour en couvrir l'indigent. Qui oserait reprocher à de tels hommes quelque sévérité d'opinion? Qui de nous, superbes philanthropes, voudrait, durant

se

les rigueurs de l'hiver, être réveillé au milieu de la nuit, pour aller administrer, au loin, dans les campagnes, le moribond expirant sur la paille? Qui de nous voudrait avoir sans cesse le cœur brisé du spectacle d'une misère qu'on ne peut secourir, voir environné d'une famille dont les joues hâves et les yeux creux annoncent l'ardeur de la faim et de tous les besoins? Consentirions-nous à suivre les curés de Paris, ces anges d'humanité, dans le séjour du crime et de la douleur, pour consoler le vice sous les formes les plus dégoûtantes, pour verser l'espérance dans un cœur désespéré? Qui de nous enfin voudrait se séquestrer du nionde des heureux, pour vivre éternellement parmi les souffrances, et ne recevoir, en mourant, pour tant de bienfaits, que l'ingratitude du pauvre et la calomnie du riche?.

CHAPITRE III

CLERGÉ RÉGULIER.

ORIGINE DE LA VIE MONASTIQUÉ.

S'IL est vrai, comme on pourrait le croire, qu'une chose soit poétiquement belle, en raison de l'antiquité de son origine, il faut convenir que la vie monastique a quelques droits à notre admiration. Elle remonte aux premiers âges du monde. Le prophète Élie, fuyant la corruption d'Israël, se retira le long du Jourdain, où il vécut d'herbes et de racines, avec quelques disciples. Sans avoir besoin de fouiller plus avant dans l'histoire, cette source des ordres religieux nous semble assez merveilleuse. Que n'eussent point dit les poètes

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de la Grèce, s'ils avaient trouvé pour fon

dateur des collèges sacrés, un homme ravi au ciel dans un char de feu, et qui doit reparaître sur la terre au jour de la consommation des siècles?

De là, la vie monastique, par un héritage admirable, descend à travers les prophètes et saint Jean-Baptiste, jusqu'à Jésus-Christ qui se dérobait souvent au monde pour aller prier sur les montagnes. Bientôt les Thérapeutes', embrassant les perfections de la retraite, offrirent, près du lac Moeris en Égypte, les premiers modèles des monastères chrétiens. Enfin sous Paul, Antoine et Pacôme, paraissent ces saints de la Thébaïde, qui remplirent le Carmel et le Liban des chefs-d'œuvre de la pénitence. Une voix de gloire et de merveille s'éleva du fond des plus affreuses

1. Voltaire se moque d'Eusèbe, qui prend, dit-il, les Thérapeutes pour des moines chrétiens. Eusèbe était plus près de ces moines que Voltaire, et certainement plus versé que lui dans les antiquités chrétiennes. Montfaucon, Fleury, Héricourt, Helyot, et une foule d'autres savants, se sont rangés à l'opinion de l'évêque de Césarée.

solitudes. Des musiques divines se mêlaient au bruit des cascades et des sources; les séraphins visitaient l'anachorète du rocher, ou enlevaient son ame brillante sur les nues; les lions servaient de messagers au solitaire, et les corbeaux lui apportaient la manne céleste. Les cités jalouses virent tomber leur réputation antique: ce fut le temps de la renommée du désert.

Marchant ainsi d'enchantement en enchantement, dans l'établissement de la vie religieuse, nous trouvons une seconde sorte d'origines que nous appelons locales, c'està-dire certaines fondations particulières d'ordres et de couvents: ces origines ne sont ni moins curieuses ni moins agréables que les premières. Aux portes mêmes de Jérusalem on voit un monastère bâti sur l'emplacement de la maison de Pilate; au mont Sinaï, le couvent de la Transfiguration marque le lieu où Jéhovah dicta ses lois aux Hébreux, et plus loin s'élève un autre couvent sur la montagne où JésusChrist disparut de la terre.

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