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tels. Aucune classe d'hommes n'a plus honoré l'humanité que celle des évêques, et l'on ne pourrait trouver ailleurs plus de vertus, de grandeur et de génie.

Le chef apostolique devait être sans défaut de corps, et pareil au prêtre sans tache, que Platon dépeint dans ses Lois. Choisi dans l'assemblée du peuple, il était peut-être le seul magistrat légal qui existât dans les temps barbares. Comme cette place entraînait une responsabilité immense, tant dans cette vie que dans l'autre, elle était loin d'être briguée. Les Basile et les Ambroise fuyaient au désert, dans la crainte d'être élevés à une dignité dont les devoirs effrayaient même leurs vertus.

Non-seulement l'évêque était obligé de remplir ses fonctions religieuses, comme d'enseigner la morale, d'administrer les sacrements, d'ordonner les prêtres, mais encore le poids des lois civiles et des débats politiques retombait sur lui. C'était un prince à apaiser, une guerre à détourner, une ville à défendre. L'évêque de

Paris, au neuvième siècle, en sauvant par son courage la capitale de la France, empêcha peut-être la France entière de passer sous le joug des Normands.

« On était si convaincu, » dit d'Héricourt, « que l'obligation de recevoir les étrangers était un devoir dans l'épiscopat, que saint Grégoire voulut, avant de consacrer Florentinus, évêque d'Ancône, qu'on exprimât si c'était par impuissance ou par avarice qu'il n'avait point exercé jusqu'alors l'hospitalité envers les étrangers'. »

On voulait que l'évêque haït le péché, et non le pécheur '; qu'il supportât le faible, qu'il eût un cœur de père pour les pauvres. Il devait néanmoins garder quelque mesure dans ses dons, et ne point entretenir de profession dangereuse ou inutile, comme les baladins et les chasseurs: véritable loi politique, qui frappait d'un côté

1. Lois eccl. de Fr., pag. 751.

2. Id. ib. can. Odio.

3. Id. loc. cit.

4. Id. ib. can. Don, qui venatoribus.

le vice dominant des Romains, et de l'autre la passion des Barbares.

Si l'évêque avait des parents dans le besoin, il lui était permis de les préférer à des étrangers, mais non pas de les enrichir: «Car, » dit le canon, « c'est leur état d'indigence, et non les liens du sang qu'il doit regarder en pareil cas1. >>

Faut-il s'étonner qu'avec tant de vertus, les évêques obtinssent la vénération des peuples? On courbait la tête sous leur bénédiction; on chantait Hozannah devant eux; on les appelait très-saints, très-chers à Dieu, et ces titres étaient d'autant plus magnifiques, qu'ils étaient justement acquis.

Quand les nations se civilisèrent, les évêques, plus circonscrits dans leurs devoirs religieux, jouirent du bien qu'ils avaient fait aux hommes, et cherchèrent à leur en faire encore, en s'appliquant plus particulièrement au maintien de la morale,

1. Lois eccl., pag. 742, can. Est probanda.

aux œuvres de charité et au progrès des lettres. Leurs palais devinrent le centre de la politesse et des arts. Appelés par leurs souverains au ministère public, et revêtus des premières dignités de l'Église, ils y déployèrent des talents qui firent l'admiration de l'Europe. Jusque dans ces derniers temps, les évêques de France ont été des exemples de modération et de lumières. On pourrait sans doute citer quelques exceptions: mais, tant que les hommes seront sensibles à la vertu, on se souviendra que plus de soixante évêques catholiques ont erré fugitifs chez des peuples protestants, et qu'en dépit des préjugés religieux, et des préventions qui s'attachent à l'infortune, ils se sont attiré le respect et la vénération de ces peuples; on se souviendra que le disciple de Luther et de Calvin est venu entendre le prélat romain exilé, prêcher, dans quelque retraite obscure, l'amour de l'humanité et le pardon des offenses; on se souviendra enfin que tant de nouveaux Cyprien, persécutés pour leur

religion, que tant de courageux Chrysostôme se sont dépouillés du titre qui faisait leurs combats et leur gloire, sur un simple mot du chef de l'Église; heureux de sacrifier, avec leur prospérité première, l'éclat de douze ans de malheur à la paix de leur troupeau.

Quant au clergé inférieur, c'était à lui qu'on était redevable de ce reste de bonnes mœurs que l'on trouvait encore dans les

villes et dans les campagnes. Le paysan sans religion est une bête féroce; il n'a aucun frein d'éducation ni de respect humain une vie pénible a aigri son caractère; la propriété lui a enlevé l'innocence du Sauvage; il est timide, grossier, défiant, avare, ingrat surtout. Mais, par un miracle frappant, cet homme, naturellement pervers, devient excellent dans les mains de la religion. Autant il était lâche, autant il est brave; son penchant à trahir se change en une fidélité à toute épreuve, son ingratitude en un dévouement sans bornes, sa défiance en une confiance ab

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