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raison, nous attirons leur attention également sur la description richement illustrée des monuments chrétiens conservés dans l'antique capitale de la Dalmatie, Spalato-Salona. Elle est due aux archéologues distingués MM. Jelic, Bulic et Rutar qui ont si bien mérité des reliques que l'antiquité nous a laissées dans cette contrée classique. Sous le titre modeste de Guide, ils ont publié un ouvrage vraiment scientifique, contenant la description des monuments et le catalogue des objets conservés dans les musées de la capitale, la première peut-être après Rome pour la variété et l'importance des restes de l'antiquité chrétienne (1). L'occasion qui a fait naître l'idée de cette publication fut le premier Congrès d'archéologie chrétienne, qui se réunit précisément dans la ville de Salona l'automne de l'année passée. Le compte rendu officiel de cette réunion n'a pas encore paru; nous nous réservons d'y revenir dans un prochain Bulletin.

Notons encore ici un ouvrage et quelques mémoires de M. E. Le Blant, l'infatigable explorateur des premiers siècles du christianisme. Son livre sur les persécuteurs et les martyrs contient une étude très intéressante de la lutte gigantesque et séculaire engagée entre l'État romain païen et la nouvelle religion,' qui devait prendre la place de l'Empire dans la domination du monde, en changeant toutefois le caractère de cette domination (2). D'autres études dues à la plume du même auteur concernent les mœurs des premiers chrétiens et traitent de quelques idées particulières qui régnaient parmi eux (3).

Deux érudits allemands ont étudié dans leur ensemble les plus anciennes traces monumentales du christianisme dans quelques contrées du midi et de l'ouest de l'Allemagne : M. Ebner a consacré son travail aux monuments de l'antique cité de Ratisbonne en Bavière, M. Barthol traite des restes qui ont été découverts dans les pays au centre du Rhin, à l'embouchure du Mein (4). Un savant italien cherche à fixer les résultats obtenus par l'étude des monuments pour la théologie et pour l'apologétique (5). Nous sommes heureux de pouvoir annoncer cet ouvrage; car il est cer

(1) JELIÇ, BULIÇ, RUTAR, Guida di Spalato e Salona. Zara, 1894.

(2) LE BLANT, Les persécuteurs et les martyrs aux premiers siècles de notre ère. Paris, Leroux, 1893.

(3) LE BLANT, Note sur quelques anciens talismans de bataille (Mém. de l'Acad. des inscriptions XXXIV, 2; 1893). Sur quelques carreaux de terre cuite nouvellement découverts en Tunisie (Revue archéologique, 1893). Les premiers chrétiens et les dieux (Mélanges d'archéol. et d'histoire, 1894, p. 3-16).

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(4) ADALBERT EBNER, Die altesten Denkmale des Christentums in Regensburg. Stadtamhof, 1893. H. BARTHOL, Die æltesten Spuren des Christentums in der mittleren Rhein und untern Maingegend. Francfort, 1894.

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(5) VINCENZO DI GIOVANNI, L'Archeologia cristiana in sostegno della Theologia e logetica. Palermo, 1894.

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tain que les arguments, souvent si décisifs, fournis par l'archéologie chrétienne, ne sont que trop négligés dans l'étude de la théologie. Et pourtant il y a bien des questions, par exemple celle du culte des martyrs, de l'invocation des saints, du suffrage pour les âmes des trépassés, pour lesquelles les preuves monumentales sont plus frappantes que les textes que l'on tire des auteurs ecclésiastiques de l'antiquité.

Enfin, consacrons un dernier souvenir à celui par le nom duquel nous avons commencé ce Bulletin, en mentionnant l'édition du plus ancien grand martyrologe de l'église romaine, le « Martyrologium Hieronymianum », faite par MM. de Rossi et Duchesne.

Ce calendrier des saints connus et vénérés dans différentes contrées de l'empire romain, forme la base du martyrologe romain moderne. Il est conservé dans plusieurs manuscrits, lesquels ont été étudiés minutieusement par les deux savants auteurs. Des années ont été consacrées à cette édition, vivement désirée par tous les érudits en matière d'histoire. L'introduction nous fait connaître le caractère et la composition du calendrier, et les manuscrits qui nous l'ont transmis. Le texte contient la reproduction exacte des manuscrits les plus importants avec les variantes des autres en note, de sorte qu'on trouve là tous les éléments que peut fournir cette source de premier ordre pour l'histoire des saints vénérés dans les premiers siècles de l'Église (1).

J.-P. KIRSCH,

professeur à l'Université de Fribourg (Suisse).

(1) Martyrologium Hieronymianum ad fidem codicum, adiectis prolegomenis, ediderunt J-B DE ROSSI et L. DUCHESNE. (Acta Sanctorum, novembris, t. III.) Bruxelles, 1894. Se vend aussi séparément.

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

M. L'ABBÉ J. CRESTEY. L'esprit nouveau dans l'action morale
et religieuse. Paris, Guillaumin, 1895.

C'est avec une réelle pénétration et un véritable esprit pratique que M. l'abbé Crestey étudie, dans ce livre, les conditions de l'action sociale catholique. Assurément plus d'une théorie de l'auteur pourrait être contestée, plus d'une appréciation sur les œuvres existantes semblera injuste ou en tout cas trop sévère. On dira encore que l'auteur pousse trop au noir le tableau de la situation présente et qu'il abuse du lieu commun autrefois et aujourd'hui. Tout cela n'empêche que l'idée du travail est bonne, généreuse, et que si le public auquel elle s'adresse lui accorde l'attention qu'elle mérite, elle sera utile. Stimuler les initiatives privées, pousser le clergé et les catholiques dans la mêlée sociale où leur dévouement aux affaires du peuple leur ferait reconquérir l'influence perdue, c'est là un noble but ; et si M. l'abbé Crestey n'est pas le premier à le poursuivre, il n'en est pas pour cela moins méritant.

AVENCEBROLIS. Fons vitæ ex arabico in latinum translatus ab Johanne Hispano et Dominico Gundissalino. Ex codicibus parisinis, Amploniano Columbino primum edidit CLEMENS BAEUMKER. Münster, 1895, Aschendorf. Cette savante édition d'un ouvrage dont le texte original a disparu mérite tous les éloges et toute la reconnaissance des thomistes. On n'ignore pas que saint Thomas cite en plusieurs endroits l'ouvrage d'Avicebron. Il réfute en particulier deux opinions du philosophe arabe, l'une concernant la nature des substances spirituelles (1), l'autre qui refuse l'activité aux substances corporelles (2).

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M. le D' Bacumker nous fait part dans la préface de ce livre des recherches qu'il a dû faire pour se procurer les manuscrits les plus anciens de cette traduction latine. « J'ai lu moi-même, nous dit-il, les codex A, C, M, N. J'ai copié le premier qui pour cela m'avait été envoyé à Breslau... Les manuscrits N et M, grâce à l'entremise de l'illustre Rodolphe Bosse, ministre de l'instruction publique en Prusse, me furent envoyés par Léopold Delisle et Auguste Molinier, directeurs des Bibliothèques Nationale et Mazarine, avec la gracieuseté qui leur est contumière. Il fut plus difficile d'obtenir le manuscrit de Séville car son fondateur avait défendu par testament de le faire sortir de la bibliothèque capitulaire. Je dois à la bienveillance de Son Eminence Mgr Kopp, archevêque de Breslau d'en avoir pu faire usage. Il s'interposa auprès du cardinal Zéphirin Gonzalez, archevêque de Séville, et, sur la demande de celui-ci, le bibliothécaire en chef de la Colombine, Don Simon de la Rosa y Lopez, fit photographier par Antonio Rodriguez, artiste d'élite, les 108 feuillets du manuscrit. La Société de Gærres, dont j'allai trouver le président, Georges de Hertling, prit sur elle, avec libéralité, de faire face à la plus grande partie des dépenses. »

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Ces lignes diront mieux que nous ne le pourrions faire la valeur de cet ouvrage. Nous ajouterons que le professeur Baeumker, est une des célébrités de la science allemande et que sa valeur de savant n'est surpassée que par son unour des doctrines thomistes. Il l'a bien montré lors de l'apparition de la Revue Thomiste dont il fut le premier abonné étranger. Le texte du Fons vitæ est suivi d'une table alphabétique et raisonnée des plus complètes, conçues dans le genre de l'Index d'Albert de Bergame. Les professeurs pourront ainsi se fixer en un instant sur tel ou tel point de la doctrine d'Avicebron qu'ils auront plus particulièrement en vue.

L'impression confiée à la maison Aschendorf, de Münster, rivalise avec les productions les plus belles de l'Imprimerie nationale et des Didot. Fr. A. GARDEIL.

A. MALNORY. Saint Césaire, évêque d'Arles, 503-543. Paris, 1894. La remarquable étude que nous signalons ici sur saint Césaire d'Arles a déjà reçu leshonneurs et les applaudissements académiques, lorsque son auteur l'a présentée et défendue en Sorbonne comme thèse d'examen pour l'obtention du titre de docteur ès lettres. Ce travail est un remaniement critique de toute l'histoire du célèbre métropolitain d'Arles. L'état dans lequel les précédents écrivains avaient laissé la question demandait une révision sévère et minutieuse. M. Malnory a réussi à nous donner une étude d'ensemble sur saint Césaire et sur le milieu contemporain, dans

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laquelle l'érudition est sûre d'elle-même, l'exposition limpide et pleine d'intérêt. Rarement une étude historique arrive à joindre dans une proportion aussi bien mesurée l'élément scientifique à l'aisance de l'allure, au mouvement des faits, à la constance de l'intérêt. Quant à l'importance du sujet, elle ressort assez lorsqu'on songe au rôle joué par saint Césaire comme écrivain ecclésiastique et législateur religieux, comme défenseur et protecteur de son église au milieu des graves mutations politiques contemporaines de son épiscopat.

Nous signalons particulièrement à nos lecteurs de la Revue le chapitre relatif au semi-pélagianisme où l'auteur a exposé l'historique des idées et des événements avec une grande clarté et beaucoup d'impartialité, tout en n'oubliant pas que des compatriotes ont un droit spécial à notre bienveillance. Pareillement le chapitre relatif à l'histoire des règles monastiques et à celle de saint Césaire en particulier est d'un grand intérêt.

L'ouvrage de M. Malnory sur saint Césaire forme le 103° fascicule de la Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Etudes qui contient déjà un si grand nombre de précieux travaux.

P. M.

YVES LE QUERDEC vient de tirer successivement de son portefeuille les Lettres d'un curé de campagne (Lecoffre, 1894) et les Lettres d'un curé de canton (1895).

Ces deux curés n'en sont qu'un. Desservant ou doyen, il ne se résigne pas à vivre en simple fonctionnaire du culte, estimable d'ailleurs, pour sa tenue correcte et ses talents de jardinier ou d'apiculteur. Il veut être et il devient, non sans épreuves, non sans écoles, un « curé missionnaire », dont l'action personnelle atteint directement, dans leur vie privée, et sous le rapport religieux, ses paroissiens de toute catégorie. Il comprend les temps, et ce qu'on appelle <«<l'action sociale nécessaire au clergé ». Naturellement, des allures aussi nouvelles ont d'abord étonné beaucoup de monde et irrité pas mal de préjugés an château comme au village, à l'atelier comme chez l'usinier, dans les presbytères eux-mêmes comme dans les sacristies. Le curé missionnaire en fait largement confidence à son ami Jacques Voisin. Puis nous apprenons comment peu à peu, avec ses habitudes de rapprochement personnel qu'il refuse d'appeler « une méthode >> et surtout « sa méthode », il a mérité la pleine confiance de son évêque, gagné ou calmé l'opinion, rallié les sympathies, préparé des conversions. Il convertit son vicaire lui-même; oh! un bon prêtre, suffisamment exact dans l'administration des sacrements; mais aussi un << bon enfant ». II rêvait, ce cher abbé Firmin, d'une théorie toute faite du gouvernement

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