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ni barbare, à la condition qu'elle s'applique dans des climats favorables et ne constitue pas une peine de mort déguisée, ces messieurs sont, en vérité, à peu près en dehors de la question.

Celle-ci réside pratiquement en ce point précis : La mise à exécution de cette peine produit-elle des résultats efficaces au point de vue de la répression et du reclassement?

C'est à quoi, beaucoup d'esprits répondent par la négative. Et quand on médite en particulier le rapport si détaillé de M. de Sartiges (1), sous-chef de bureau de l'Administration pénitentiaire de la Nouvelle-Calédonie, on est bien forcé de convenir que les arguments ne leur font pas défaut. Il en ressort, en effet, avec la plus parfaite évidence, que jusqu'au Règlement de 1887 pour les relégués, et jusqu'au Décret disciplinaire de 1891 pour les transportés, les choses se passaient de façon déplorable. Avant cette époque, avoue M. Babinet, « l'histoire des vicissitudes de la transportation serait le plus souvent, le tableau des erreurs de ceux qui ont eu pour mission de la faire fonctionner (2). » Et quand, de ces insuccès de la transportation française, on rapproche les insuccès, non moins éclatants et trois fois séculaires, de la transportation russe (3), on comprend que la Commission de la Société juridique de Saint-Pétersbourg ait déclaré « que pour ce qui est de l'application pratique de la transportation, elle oppose une opinion négative, attendu qu'il y a lieu de douter de l'organisation rationnelle de la transportation en Russie, où, depuis trois cents ans qu'elle existe, elle n'a pu parvenir à s'établir fortement ».

Dans ces conditions, après une expérience si courte en France, et si malheureuse en Russie, pourquoi le Congrès n'a-t-il pas écouté M. Bérenger, et ne s'est-il pas abstenu?

C'eût été, semble-t-il, plus sage et plus prudent.

On pouvait s'en tenir aux décisions si mesurées de Stockholm et de Saint-Pétersbourg. (1878-1890).

Mais, voilà! M. Babinet avait prononcé, en section, le mot fatidique. Je ne voudrais pas, avait-il dit, que les étrangers,

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(1) Bulletin de la Commission, 5o livraison, p. 238 et suiv.

(2) Bulletin de la Commission, 2o livraison, p. 13.

(3) Rapport de M. Tagantzew, professeur à l'École de Droit de Saint-Pétersbourg. Bulletin, 3 livraison, p. 43.

REVUE THOMISTE. 3 ANNÉE. 33.

en condamnant la transportation, décourageassent les administratenrs français qui ont dirigé la transportation et qui chaque jour l'améliorent (1). » Avec l'affirmation de M. Petit et de M. Léveillé sur le petit nombre des récidivistes parmi les transportés, (5%, tandis que 95 % parmi les libérés de l'ancien bagne, et 50 pour les libérés de la prison fermée) n'était-ce pas assez pour que la transportation fût adoptée et applaudie?

La quatrième section (1 question) a reculé de 16 à 18 ans l'àge de la Minorité pénale, c'est-à-dire la période pendant laquelle le juge peut prononcer l'acquittement pour manque de discernement, sauf envoi dans un établissement correctionnel.

Actuellement, en effet, explique très nettement le rapporteur M. Voisin, dans la plupart des législations, l'enfant, en principe, est irresponsable jusqu'à 16 ans. Ou bien donc les tribunaux reconnaissent qu'il a agi avec discernement, et alors ils appliquent une peine. Ou bien ils déclarent que le coupable a manqué de discernement, et en ce cas il est remis à sa famille, si elle est capable de l'amender, sinon il est confié à un établissement d'éducation correctionnelle pour une durée qui ne peut dépasser sa vingtième année. Après seize ans l'enfant est considéré comme entièrement responsable. Or l'enfant ne se rend pas compte des conséquences d'une condamnation. Il aime beaucoup mieux la prison, avec sa flétrissure sans doute, mais sa libération toujours prochaine, que la maison correctionnelle avec son stage plus long.

Aussi tous ses efforts tendent-ils à déguiser son âge et à prouver son discernement, pour encourir la condamnation, et échapper à l'internement prolongé que comporte l'envoi en correction..

Mais la prison en fait presque toujours un récidiviste, tandis

(1) Bulletin du Congrés, no 8.

que l'emprisonnement correctionnel permettrait d'assurer son éducation morale.

Il faut donc le protéger contre lui-même en étendant pour le juge la faculté de lui appliquer le second de ces traitements.

La réunion plénière s'est rendue à de si bonnes raisons, et malgré l'intervention angoissée de M. le conseiller Petit qui a tout perdu en exigeant trop (1), elle a donné la majorité à la conclusion de M. Voisin :

« Il convient de fixer la limite de la minorité pénale à l'âge de 18 ans, à condition que les enfants envoyés dans une maison d'éducation correctionnelle après l'âge de 16 ans, ne seront pas confondus avec les autres. »

Comment et par qui les placements individuels dans les familles des enfants sortant des colonies pénitentiaires, assistés ou moralement abandonnés, devraient-ils être surveillés? (IV® section, 7 question). On voit assez le lien qui unit à la précédente cette question relative aux mineurs libérés, soit parce qu'ils ont atteint leur vingtième année, limite extrême, actuellement, de l'éducation correctionnelle; soit parce qu'ils bénéficient de la libération conditionnelle ou ont été frappés d'un arrêt plus doux.

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Elle a donné lieu et c'est pourquoi nous la signalons en passant — à un mouvement de sympathie très marquée en faveur des Sociétés de patronage.

naturellement

-

M. Lejeune, ministre d'État, a lutté avec avantage contre M. Brueyère, membre du Conseil supérieur de l'Assistance publique qui préconisait cette même Assistance publique, et le Service administratif des enfants assistés. L'ancien ministre de la justice, en Belgique, a demandé pour les sociétés de patronage et avec quelle fermeté, quelle sagesse, quelle distinction élégante de pensée et de diction! un affranchissement aussi complet que possible de la surveillance de l'État. L'État, a-t-il dit, avec son peu de souplesse, son goût des paperasses, « tue le germe du patronage. >> Il faut cultiver ce germe, au contraire. Ayez confiance dans l'initiative privée. C'est elle qui a assez de charité pour faire le bien et assez de zèle pour nous sauver. Ce n'était pas l'affaire de l'éternelle Administration.

(1) Voir Bulletin du Congrès, no 7.

Pour cette fois, elle fut battue. Et la conclusion suivante a été adoptée :

« Les placements individuels des enfants placés sous la tutelle << administrative ou mis à la disposition du gouvernement ne « peuvent être surveillés que par des sociétés de patronage ».

Resteraient les deux questions si graves et que l'on peut appeler sociales, du vagabondage et de la mendicité, et de la prostitution.

Les rapports qui ont trait à cette dernière surtout sont remplis de révélations. La traite des blanches avec ses routes tracées et ses convois réguliers; la complicité de la police inscrivant, malgré la loi, des mineures au-dessous de seize ans sur les rôles des maisons de tolérance; la levée de boucliers presque générale contre ces établissements auxquels on reproche de légaliser le vice; l'aveu que les réglements ne sont pas observés; la constatation des progrès effrayants du mal; l'énoncé de ses causes diverses, depuis l'extrême misère des logements ouvriers et leur exiguïté troublante, jusqu'à la littérature qui s'abaisse à écrire Nana, et jusqu'aux Altesses qui baptisent « Gigolette <«< Gigolette » leur embarcation de plaisance, quelle matière à réflexions, pour le penseur et pour l'apôtre!.. Mais nous nous apercevons seulement que cet article est déjà bien long.

On a remis d'ailleurs au prochain Congrès international, l'examen de la Prostitution réglementée, et voté seulement l'élévation de 13 à 15 ans pour les attentats contre la pudeur. Attendons...

M. Rivière (1) parlait de « faillite partielle », ou même, je crois, de « demi-faillite » en analysant l'œuvre du Congrès de Paris. Le mot est peut-être un peu sévère. Si le Congrès n'a pas innové - et c'est le cas pour toutes les questions qu'énumère M. Rivière il a du moins sanctionné de son autorité plus large les mesures discutées et adoptées avant lui. N'est-ce pas assez pour avoir fait faire à la science pénitentiaire une étape de plus?

1) Le Monde, article déjà cité.

Fr. J. HÉBERT, O. P.

LA FORME DE LA TERRE

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ÉTUDES SUR LA THÉORIE TÉTRAÉDRIQUE

Dans son excellent Traité de Géologie, M. de Lapparent consacre un chapitre aux essais de coordination systématique des éléments du relief terrestre (1). Avec la netteté qui le caractérise, il expose d'abord le principe de cette recherche, puis, laissant de côté les tentatives infructueuses et peu connues d'Oken (2), de Boucheporn (3). de Pissis (4), de Hauslab (5), assimilant la Terre à un octaèdre irrégulier, de Francq (6) et d'autres encore, il passe immédiatement aux deux principales, le système pentagonal d'Élie de Beaumont (7), qu'il discute d'une manière fort intéressante, et le système tétraédrique de M. W. L. Green (8), qu'il préfère avec raison au précédent et dont il perfectionne encore l'exposé dans la dernière édition de son livre.

Nous n'aurons garde de revenir sur ce qui est si bien fait. Nous laisserons complètement de côté les systèmes antérieurs à celui de M. Green pour nous attacher uniquement à ce dernier, mais ici, en revanche, nous aurons beaucoup à ajouter (9).

(1) Troisième éd, (1893), p. 1577.

(2) En 1809; trad. Boné, Bull. Soc. geol. fr. 1851), VIII, 274.

(3) Etude sur l'hist. de la Terre, 1844.

(4) Bull. Soc. géol. fr. 1848, V, 453.

(5) Ibid., (1851), VIII, 178.

(6) Acad. des sciences, 4 avril 1853. Voir A. FAVRE, dans la Bibl. univ. de Genève, juillet 1853.

7) Voir la Notice sur les syst. de mont., les Comptes rendus de l'Acad. des Sc., LVII, 121: LVIII, 308, 341, 394, et les Annales des Mines (6), XI, 1867.

(8) Vestiges of the molten globe, Londres, 1875.

(9) Les bases de cette étude, qui parait aujourd'hui, étaient fixées déjà en 1890 et nous fournissaient notre leçon inaugurale à l'Ecole polytechnique suisse. Nous ne connaissions alors la théorie tetraédrique que par l'exposé de M. de Lapparent. Depuis lors, nous avons réussi à nous procurer le livre de M. Green, épuisé et rare, ce qui nous a permis d'étudier sa théorie dans sa forme originale. Nos idées antérieures s'en trouvant confirmées et les lacunes que nous avions soupçonnées se montrant bien réelles, nous

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