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On doit donc rejeter l'hypothèse gratuite de disparition, que contredisent et les faits et le texte même de la Genèse, et qui ne fut émise que parceque l'on ne savait où prendre le beau jardin.

Mais, dira-t-on, si rien d'important n'est changé dans l'Eden, s'il est encore maintenant ce qu'il fut en ses heureux jours, on peut s'y rendre et contempler sa végétation ravissante. « Il est très vrai; et ce sera pour nous une joie que d'y conduire le lecteur, et d'admirer avec lui tout à loisir.

Revenons à nos preuves pour les résumer. Ce serait vraiment trop exiger que d'en vouloir sur la situation de l'Eden de plus fortes et de plus nombreuses. Elles portent principalement sur l'emplacement des deux divisions paradisiaques, la terre de Koush et la terre de 'Havilah ou Xavilah.

I. La situation de la terre de Koush est fixée au nord-ouest de 'Inde par des données géographiques multipliées de lieux au nom de Koush, qui ont traversé tous les âges, sans jamais dispa

raître.

Elle l'est encore d'une manière éclatante par les Poêmes et les Pourânes qui eux aussi, ont un Kuça-dvipa dans l'ouest himalayen. La Péninsule fut autrefois couverte de grands royaumes et de grandes villes à nom de Kuça (mot identique à Kush), ramifications du Kuça-dvîpa. Par excellence, elle était donc la région de Kuça.

Comme nom de personnes, Kuça y fut des plus honorablement porté.

Ces peuples avaient toute la physionomie koushite brune, et le reste.

Le fils aîné de Koush, Seba, répond à Siva: or, Siva qui a sa première demeure sur les hauteurs du Nord-Ouest, est précisément tenu pour un Kauçika et Kuçala. Par les mœurs il est encore plus que par le nom chamite et koushite.

Terre de Koush et Kuça-dvipa sont tous deux, comme ils doivent l'être, contigus à la seconde terre du 'Havila-douipe.

Le Pays de Koush, de toute certitude, fut donc dans la région de l'Ilindou-Koush et ouest himalayen.

II. La Terre de Xavilah doit être voisine.

1° Elle est encore d'une manière indéniable fixée au nord-ouest par l'habitat commun des trois produits caractéristiques que lui attribue la Genèse. Indépendamment de la Bible, les Poèmes indiens les placent aussi expressément dans cette zone.

Et, en réalité, ils y sont. L'or y est copieusement répandu, et sa qualité (optimum de la Gen.) fut de tout temps très estimée. -Les pierres précieuses les plus variées y brillent en quantité non moins considérable que l'or. - L'aguru du bdellium est par les botanistes tenu pour spontané entre les 34 et 35° degrés de latitudes, dans le Petit-Tibet et ses environs. D'autres données nombreuses l'y placent également. Il fut acheté là par l'antiquité; et tandis que ailleurs il était presque inconnu, il inondait l'Inde avec l'or et les gemmes.

L'existence simultanée et surabondante dans le nord-ouest des trois marques de signalement est tout à fait unique sur la face du globe, et suffirait à elle seule pour résoudre le problème.

2o Au groupe l'on doit adjoindre le Serpent Tentateur, dont le nom hébreu nakhash n'est autre que celui du fameux naga de l'Inde, le cobra de capello. En même temps qu'il est le serpent de l'Eden, il est par excellence celui du berceau des Chamites, qui lui prêtent des pouvoirs magiques extraordinaires. Par une connexité très confirmative, son nom est aussi celui de l'étain et du plomb trouvés près des serpents dans les mêmes montagnes avec le peuple niga pour travailleur. Peuple naga, serpent naga ou nakhash, étain et plomb naga, or, pierreries, bdellium, avec le lotus et l'ibis, dont nous allons parler, tous ensemble forcent d'aller à eux, hôtes de l'Eden, pour trouver l'Eden.

3° 'Havilah est encore déterminé par sa propre signification et par les circonstances qui l'accompagnent. Cette signification est celle d'ibis (égypt. habu, éthiop. howe), nom autrefois très aimé et porté par les hommes et par les lieux, tandis que l'échassier luimême était un objet d'hommages dans tout le domaine chamitique, Inde, Chaldée, Accad, Egypte, Polynésie.

En premier lieu, le nom égyptien de l'ibis, habu, est conservé aux Indes, souvent uni en un seul avec celui du lotus comme dans Kuba, Kubal, Kavela. Ici il offre l'incomparable avantage de fixer par son application géographique le Pays de Xavilah, en ce qu'il

devient le pays et la rivière homonyme de Kaboul, qu'animent des myriades d'ibis et de lotus. Kaboul est Xavilah.

Dans ces mêmes circonscriptions les livres sacrés des Indiens placent à leur tour, d'une façon où l'accord est aussi étonnant qu'entre le Pays de Koush et le Kuça dvipa, un douîpe des oiseaux pêcheurs. Seulement le nom de cet oiseau passe [comme de juste par la traduction sanscrite, qui dit Krauncha, « courlis ou héron ». avec le Krauncha-dvipa pour séjour. 'Havilah-douipe et Kraunchadouipe sont corrélatifs. Qui plus est, le Krancha douipe des Indiens est contigu à leur Kuça-douipe, comme le Pays de 'Havilah de la Genèse est contigu à son Pays de Koush.

Les mêmes livres ont un Pushkara-dripa, « douipe de la grue et du lotus », un Vaka-dvipa «douipe du héron ou de la grue », une division territoriale de Kanka, le héron, et, au sein même du Kuça-douipe une montagne de Kuçe-caya, la grue.

Tous ces êtres et ces noms se lient étroitement au chamitique Kavela ou 'Havilah. Ils indiquent des pays de même nature.

En second lieu, de la Bible aux Pourânes la parenté entre les éponymes se répète :

Dans la Bible, Kush est père de 'Havilah, l'ibis ;

Dans les Pourânes, Kuça est

petit-fils de Balâka, la grue.

En troisième lieu, une contrée d'ibis réclame le dieu des ibis, et le premier siège du dieu Tekh, à tête d'ibis, et de son peuple de Tak fut effectivement au « pays des ibis », le Kaboul.

Il est donc certain que le « Pays de 'Havilah » fut dans la région du Kaboul.

En conclusion: avec l'identification dans le nord-ouest himalayen des deux divisions de l'Eden, « Pays de Koush et de 'Havilah » ; avec la présence simultanée et très abondante des trois beaux produits, avec celle de la faune et de la flore de 'Havilah même avec celle du serpent nakhash, dont le nom, marié à celui de l'étain, surgit, dans l'Hindou-Koush, il n'y a pas à hésiter sur le site de l'Eden lui-même.

III. L'Eden n'a point été bouleversé. Croire à un bouleversement et effacement de l'Eden est une erreur. De tout temps, les

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Pays de Koush et 'Havilah » [furent en place, non seulement en eux-mêmes, et avec les mêmes noms, mais avec tout ce que la Genèse leur reconnaît, l'or optime, les gemmes, le bdellium, le serpent nakhash, auxquels on peut ajouter les oiseaux pêcheurs, le figuier, la vigne. Les habitats de tous ces êtres, par leur invariable permanence jusqu'à ce jour, attestent que ni le sol ni le climat ne sont changés.

Fr. ETIENNE BROSSE, O. P.

NATURE DU PREMIER PRINCIPE"

Les arguments contenus dans la première partie de notre travail concluent à l'existence d'un premier principe des choses que nous appelons Dieu. Mais savoir que Dieu est, sans savoir ce qu'il est, ne peut satisfaire la raison; instinctivement elle se demande quelle est la nature de ce premier des êtres. Est-il actif ou passif, mode ou substance, distinct de l'ensemble des choses ou immanent à cet ensemble? quelles sont les conditions de son existence et les propriétés de son être? Errer sur la nature du premier principe, n'est pas moins regrettable que d'errer sur son existence. Tertullien pense même que c'est plus honteux pour nous. « Il vaut mieux, dit-il, ne point croire à l'existence d'une chose que de croire qu'elle est autrement qu'elle ne doit être. (2) »

Nos erreurs viennent de ce que nons n'avons pour comprendre Dieu que les idées empruntées à ses créatures, et pour le nommer que les noms qui traduisent ces idées; de sorte que nous ne distinguons pas toujours suffisamment, dans notre langage comme dans notre pensée, ce qui convient au principe de ce qui convient aux dérivés. Nos erreurs viennent aussi de ce que l'on se permet d'attribuer à Dieu des choses absurdes qui ne sont pas même vraies du dernier des êtres (3). « Il y a des hommes, dit saint Au

(1) Ce travail est le premier chapitre d'un livre en préparation sur les attributs divins. destiné à faire suite à Dieu devant la science et devant la raison, Paris, Oudin, 1894. (2) Dig ius credimus non esse quodcumque non ita fuerit, ut esse debebit. (Contra Marc., lib. I, c. 3:)

(3) Nonnulli ea quæ de corporalibus rebus,... per sensus corporeos accepta... ad res incorporeus et spiritua es transferre conantur, ut ex his illas metiri atque opinari velint. Sunt etiam alii qui secun tum humani animi naturam vel affectum de Deo sentiunt, si quid sentiunt; et ex hoc errore, cum de Deo disputant, sermoni suo distortas et fallaces regulas figunt. (Trinit. lib. I c. 1.)

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