Page images
PDF
EPUB

merce de l'or. Ils le font encore à présent. Quand Darius à sa conquête exigea l'énorme tribut annuel de 360 talents d'or, ce furent les Dardes, les Kampyliens, les Darvas et autres voisins qui le fournirent. Parmi les cours d'eau sans nombre qui de toute part se précipitent des hauteurs, il en est peu qui ne charrient la poudre dans leurs flots. Les sables de l'Oxus en renferment beaucoup; ceux du Kounar roulent des pépites. Le mahâ-râj du Kashmire, de qui relèvent les territoires du nord, se fait aujourd'hui payer en poudre d'or par chacun des petits États une partie de ses redevances.

Il faut en second lieu avoir présente à l'esprit la prodigieuse. antiquité du renom de cet or. Dans les documents historiques et les traditions comme dans la Genèse il est le premier à frapper les regards. Il y a bien de l'or en plusieurs autres localités indiennes; les fleuves du Dekhan, d'Orissa, de Bérar, etc., en entraînent beaucoup, mais, à l'origine, alors que la famille de Cham n'avait pas pris son essor sur la Péninsule, et vivait ramassée dans son aire de montagnes, il ne pouvait être question de cet or éloigné et inconnu. Par les noms essentiellement chamitiques des objets que Salomon et Hiram allaient chercher de concert, nous nous savons que chamitiques étaient ces objets, et que les navigateurs Phéniciens ou Kefas entendaient les demander à l'Inde leur ancienne patrie. Personne ne pouvait être plus au courant de la faune, de la flore et des minéraux de la Kapisène que les Kefas ou Kapilâs d'autrefois, et ils revenaient puiser à la source. L'or, bien qu'on pût le trouver beaucoup plus près, était, en raison de sa qualité, au nombre de ces lointaines matières d'achat.

Outre l'abondance et l'antique célébrité du métal, un troisième signalement ressort de son excellence, car le renom était mérité. Par tous, modernes ou anciens, il est exactement qualifié comme il l'était par Moïse, optimum. Le Maha-bharata, que nous allons citer, le dira « du plus radieux éclat ». Parmi les modernes, Biddulph, naguère political officer du pays, écrit de ce métal dont sont riches maints cours d'eau des environs de Gilgit : « L'or en est de belle qualité, le meilleur étant de vingt carats. Les lavages d'or de Bagrot (un peu à l'est de Gilgit) sont célèbres par la belle qualité de l'or qu'ils rappor

tent (1). » L'optimum de la Genèse devient un véritable indice de l'Éden. Quand de plus on voit cet or accompagné des pierres précieuses et du bdellium, alors aucun doute n'est possible. L'or paradisiaque est celui du nord-ouest himalayen.

2o Les Pierres précieuses. Elles comportent des observations analogues. Aux mêmes lieux elles pullulent (2).

A l'invasion des Aryas, qui pénétrèrent par ce nord-ouest, les Dasyous en étaient étincelants, et en ornaient jusqu'à leurs flèches. Les Nagas de l'Hindou-Koush sont toujours représentés de même. Lorsque, fuyant devant l'ennemi, ils se réfugièrent au Kashmire, on les reconnaissait à ces parures. Les fait-on population des enfers, ils les portent toujours. Siva est surnommé Mandira-mani, « temple de joyaux ». ». L'Inde continua à les prodiguer au delà de toute mesure, comme elle faisait de l'or. La réputation en était grande aussi à l'étranger soigneux de faire là ses emplettes (Ctesias, 5).

De ces dépôts inépuisables les Tyriens, qui y retournaient, avaient en grande partie obtenu les gemmes qui faisaient dire à Ezéchiel (XXVIII, 13-14): « Vous avez été dans les délices du paradis de Dieu; votre vêtement était enrichi de toute sorte de pierres précieuses la sardoine, la topaze, le jaspe, la chrysolithe, l'onyx, le bérille, le saphir, l'escarboucle, l'émeraude et l'or étaient employés pour relever votre beauté... Vous avez marché au milieu des pierres étincelantes. »>

Mégasthènes, à la cour de Sandrokottus (Chandra-gupta, à Patna, fin du Ve siècle av. notre ère), dit : « Leurs robes sont en drap d'or, semé de pierres précieuses (3).

(1) BIDDULPH. Tribes of the Hindoo-Koosh, p. 22.

[ocr errors]

(2) La Genèse ne nomme que la pierre shoham, dont la nature est indécise. Si cette pierre est l'onya, il est très commun dans les Indes. Ctesias le cite (5). Le Périple de la mer Erythrée (1e siècle de notre ère) raconte qu'on l'exportait de l'ouest en grande quantité (c. 48-51). Si, comme le pensent des savants (Lenorm., Orig. de l'hist., t. II, p. 58), la pierre shoham est le lapis-lazuli, celui-ci, d'après Burnes (Travels into Bokhara, t II, p. 246), serait dans les montagnes qui dominent Estalif, c'est-à-dire tout proche de Kaboul, qui va devenir notre 'Havilah, et en la plus ravissante partie du district, là où de legitimes inductions placeraient volontiers le Jardin de délices. Dans ce cas on aurait une excellente preuve de plus sur le site de Havilah. Que si le dire de Burnes ne se vérifie pas, il est certain qu'à environ 50 lieues nord de Kaboul, sur le cours de la Kokcha, le lapis-lazuli forme des roches entières que l'on exploite. Auprès, la ville de Kurán en fait le commerce.

(3) Edition de Mac Crindle, p. 70.

Quoique la provision ait dû baisser beaucoup, elle n'est certes pas tarie. Elphinstone (1), qui fut comme ambassadeur admis plusieurs fois en présence du roi de Kaboul, parle de la couronne et du vêtement du souverain comme « d'une « flamme de joyaux ». L'effet produit était tel qu'il crut d'abord à une armure de pierres précieuses. L'un des bracelets du prince était orné du Koh-i-nur, « mont de lumière », le plus grand diamant du monde. Les étoffes de drap d'or étaient très com

munes.

A leur tour les pierres précieuses du nord-ouest himalayen appellent le site édénique.

3o Le Bdellium.

Ce qui concerne le bdellium et son arbre aguru, improprement dit aloès, fixe de nouveau l'emplacement de l'Eden, et d'une façon d'autant plus sûre que l'aguru étant rare (2), on ne peut supposer l'Eden qu'en un très petit nombre de localités.

L'habitat de l'arbre est établi par les botanistes, qui tiennent le végétal pour indigène dans les montagnes du Petit. Tibet, entre les 34 et 35 degrés de latitude: c'est juste chez nous...! c'est dans l'Eden...! Le Kaboul en effet court exactement entre les 34 et 35° degrés; et les provinces édéniques ou presque édéniques, que nous verrons au pouvoir des Koushites, des Kabuli et de leurs immédiats voisins, le grand pic de l'Hindou-Koush, Kushân, Kapisa, seront également sur ces lignes. Quant aux Tibétains, ils profitaient de leur aguru pour faire des présents de sa substance odorante aux empereurs de Chine.

L'habitat est aussi indiqué par les données historiques, qui regardent ces terres et la Bactriane adjacente comme centres non seulement de production, mais d'exportation. Pline vient

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) ELPHINSTONE, Caubool, t. I, p. 63 et suiv. (2) ISID. Orig., XVIII, 8. PLIN. XII, 9, 19, 35. Ce dernier écrit (c. 35) : << Bactriane, in qua bdellium laudatissimum..... nascitur, et in Arabia Indiaque, et Media ac Babylone. Suivant le Périple (c. 48), le bdellium était expédié pour la vente des régions supérieures de l'Inde aux ports de mer, avec le costus odoratissimus et le nard, tous deux fournis par le Kaboul, ce qui valait au nard l'épithète de Kabolitique. Le Périple voit encore l'arbre du bdellium sur la côte de la Gédrosie (c. 37). Mais qui s'aviserait de placer l'Eden sur ce littoral très désolé?

[ocr errors]
[ocr errors]

de proclamer le bdellium de la Bactriane laudatissimum. Ce même habitat est encore montré par les informations locales les plus positives et les plus réitérées. Un narrateur de nos régions himalayennes, Kalhane, l'auteur de la Rajatarangini ou Chronique du Kashmire », à propos des conquêtes d'un râja du vin siècle de notre ère, parle d'un bois entier d'aloès (1. IV, sl. 171): « Dans la ville de Prâg-jyotisha il ne vit que la fuméc odorante qui s'élevait du sombre bois d'aloès dont les tiges avaient été brûlées. » Pràg-jyotisha fut la capitale de Bhaga-datta, roi des Kirâtes, l'un des combattants de la Grande Guerre, qui va bientôt faire à Youdhishthire des dons magnifiques, parmi lesquels figureront l'aloès et ses parfums.

L'habitat est de plus assuré par l'extrême usage indien du bois et de son extrait. Tandis que le reste du monde en est privé, et ne l'obtient qu'à des prix fabuleux, aux Indes, on ne peut plus commun, sous quantité de noms ou d'épithètes, il est partout. Pas de riche demeure, pas de fête, pas de cérémonie religieuse, sans prodigalité d'aloès. On en fait des onguents, des eaux de senteur, on en arrose le sol, on s'en parfume le corps, le mêlant au sandal, même lorsqu'on marche au combat; on brûle le bois par place dans les lieux publics. Grâce aux tributs, l'Assyrie de loin suivait ces traces: ainsi Assarhadon, relevant avec solennité à Babylone le temple de Bit-Sagattu, dit: « J'ai brûlé des bois d'aloès. » L'Egypte s'en procurait.

Les noms de la gomme odorante nous ont à leur tour révélé les propriétaires et vendeurs. Elle est appelée Kauçika, désignation lumineuse, puisqu'elle rattache le produit au Koush de l'Eden, et à elle seule fait présumer que Koush et 'Havilah, tous deux producteurs de la gomme rare, c'est-à-dire l'Eden lui-même, se trouvaient là. On la dit encore Siva, et Siva est également un Kauçika et un Kuçala, Kumbha ou Kumbhini (actuellement dans le Guzrat, les Kumbhis habitèrent d'abord l'Inde supérieure), Daitya-meda-ja, « née de la moelle des Daityas » (1), An-Arya-ja, << produit des An-Aryas» ou des sauvages indigènes Mlechhas. Tous ces noms qui, avec intention marquée, désignent des Cha

«

(1) Ces Daityas représentaient des indigènes sous la métamorphose des démons ou Asours, Madhou et Kaitábha.

mites, parlent clairement. Une sorte de gentiane dite aussi an-ârya tikta ou kirâta-tikta, «amer des an-àryas, des Kirâtes », maintenant encore nommée ainsi avec le mot simple Kiráta, insinue que les Kirâtes furent un des peuples principaux détenteurs des deux substances an-âryennes. En effet, nous allons voir le bdellium en leurs mains.

Bdellium n'est pas une épithète comme les termes précédents, mais le nom même. Sa simplicité, puisqu'il signifie uniquement gomme, comme nous l'avons démontré (App. L des Chamites), porte à croire qu'il fut le premier de tous. Sa nature est foncièrement chamitique; mieux que cela, en raison soit de la haute antiquité qui le fait placer dans 'Havilah, soit de l'habitat exactement pareil que lui reconnaît la science, la plante étant à la fois fille de l'Eden et du berceau des Chamites, c'est là qu'elle a dû recevoir son nom (1). Ce nom est par conséquent indicateur du site de l'Eden. Une observation semblable est à faire touchant le nom de l'arbre, aguru. Ce terme n'est nullement celui de a-guru, bois « non pesant », donné par les lexiques sanscrits; il est d'une racine dont le malais conserve assez bien la forme dans garu, «< parfum ». Chamitique encore, et née sur les lieux, l'expression, comme celle de la gomme, a donc également par elle-même son mérite probant sur le site édénique.

En outre, la diffusion du terme himalayen sur les terres étrangères, car il est en Assyrie budil'hat, et pour les Hébreux beddolah, sont des signes que les zones reconnues pour l'habitat et pour le baptême nominal de la substance expédièrent les premières, et que le siège du bdellium en son Pays de 'Havilah est bien notre angle alpestre. On y attacherait même les dénominations arabe et égyptienne. Les Arabes disent en effet mukl, « graisse », si proche du guggul indien qu'il pourrait n'en être qu'une variante. Quant aux Coptes, ils se servent de loohe, lutum, cœnum, bdellium, qui représente une pure traduction du sens indien de

gomme.

[ocr errors]

Les renseignements divers pouvaient-ils mieux concorder ?

(1) La langue actuelle des lieux, l'hindoustani, a conservé de l'ancien parler des éléments qui éclairent, et que possèdent aussi les autres langues chamitiques, comme l'égyptien. Bdellium signifie amas, coagulum, gomme, et l'hindoustani a toujours batornâ amasser, batolan amas, coagulum, pâthân bdellium.

« PreviousContinue »