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chands d'autrefois ne se seraient pas trompés à l'égard du 'Havilah qui avait l'avantage de les posséder et d'en être le fournisseur. Sur ces objets insignes, pas d'erreur possible; et en conséquence pas d'erreur possible sur leur pays. Mais le nom même de ce pays, Xavilah, sera encore plus révélateur. Lorsqu'on saura que Kaboul n'est autre que Xavilah, la Terre de ce Xavilah-Kaboul, autant que celle de Koush, éclatera sous les yeux.

Deux époques différentes, et qu'il importe beaucoup de distinguer, sont comprises dans les lignes de la Genèse sur l'Eden. L'une est celle de la Création; l'autre, implicitement indiquée, est celle où fut prise la géographie des lieux, avec la nomenclature de leurs richesses. On ne supposera pas que les noms et la célébrité des régions de Koush et 'Havilah, de leur bdellium, de leur pierre shoham, de leur serpent nakhash, datent de l'apparition de l'homme, pas plus que les mots de Tigre, Euphrate et Assyrie. Ils sont d'un âge postérieur. Pour être désignés comme Pays de Koush et 'Havilah, il fallait bien avoir déjà existé. Dans l'âge postérieur dont nous parlons, c'est la famille de Cham, à renom suspect, que l'on voit régner sur le Paradis et les lieux environnants. On retrouvera sa physionomie, ses mœurs, sa langue. Entre les deux époques l'hiatus est immense, car cette famille spéciale, qui en suppose d'autres à facies différents et tout aussi caractérisés, exigea nécessairement de longs siècles de formation.

Le chapitre II ne cite parmi les membres de cette famille que Koush et 'Havilah; mais le chapitre X, quoiqu'il ne s'applique pas à l'Eden, par un effet rétroactif, en apprend davantage. Avec Koush il évoque sa descendance, puis Metsraïm et la sienne, Chanaan et la sienne, Phut. Il nomme ainsi lui-même des peuples ou plus anciens que ceux placés dans l'Eden ou leurs contemporains.

L'Eden se transforme donc en Pays de Cham, ou, si l'on veut, le Pays de Cham est le Paradis perdu.

L'introduction des Chamites dans le récit de la Création ne

les fait participer ni à la date de la Création ni à son caractère. Chamites ils sont donnés, et Chamites ils se montrent. On ne sera donc pas surpris si, malgré les frais souvenirs que réveille. l'Eden, la présence d'une telle race entraîne des faits dignes d'elle. Mais aussi par cette présence, si rien n'est changé à la substance de la tradition, il y a de plus des élucidations fournies sur des territoires qui sont devenus les siens. Occupante de l'Eden à la seconde époque, cette famille pourra nous faire voir l'Eden de la première.

Que Koush et 'Havilah, les deux « Pays » de ce théâtre mystérieux, révèlent maintenant où ils étaient situés.

TERRE DE KOUSH

Quatre contrées, distantes les unes des autres, quoique se rattachant à une seule et même lignée, portent le nom de Koush : 1o l'une au sud de l'Egypte qui pour les Egyptiens eux-mêmes était le « Pays de Koush »; une seconde dans l'Arabie méridionale; une troisième au bas Euphrate; une quatrième dans les confins occidentaux de l'Himalaya. C'est la plus ancienne et la mère des autres qu'il faut découvrir.

Elle ne sera pas le « Pays de Koush » sud-égyptien, simple établissement du Koush arabique au milieu des nègres africains, l'Egypte déjà constituée en royaume. Ce ne sera pas non plus le Koush arabique. Celui-ci offre bien toute une chaîne chamitique de la famille, Koush, 'Havilah, Seba; mais cette chaîne ne fut qu'une colonie; son origine est ailleurs, avec les racines de sa civilisation; elle se montre très visible en une série de même. nom qui se déroule dans l'Asie centrale auprès de l'HindouKoush. Le Koush du bas Euphrate ne saurait davantage être le Koush initial. Les Koushites y sont en étrangers, venus postérieurement, avec une langue, une religion, une science, des coutumes toutes faites; et ils ne projettent pas de nombreux rayons comme vont faire les suivants. En outre, d'importants éléments édéniques leur manquent: ils sont loin d'avoir la profusion d'or, de pierreries, de bdellium qui ornaient le site véri– table.

Les conditions déterminantes appartiennent exclusivement au

quatrième pays de Koush, qui sera dans l'ouest himalayen. Tous les rameaux de la famille, Seba, 'Havilah, Kefa, Anou, y retiennent leur souche impérissable, leurs pénates et noms d'autrefois. On les voit même de nos jours. Les trois autres contrées de Koush se sont évanouies; mais jamais celle de l'ouest himalayen ne perdit son nom et ses peuples préhistoriques.

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Malgré tant de siècles révolus, le nom de Koush, relique du passé, dans cet ouest indien, se lit et relit sur nos cartes. Partant du Pamir où les Koushites résidèrent avec Seba ou Siva, nous voyons à présent une rivière de Koush ou Adam-i-Koush, limite des possessions russes, ainsi qu'un défilé de Kara-KushKar, de l'intérieur ouvrant une route vers le nord. A l'occident se projette l'Hindou-Koush, de 100 lieues de long, avec son pic le plus élevé (20.000 pieds), du même nom d'Hindou-Koush, puis Kushan, tout ensemble défilé de la chaîne, vallée, rivière, autrefois vieille ville sur la rivière, Kush-nádir, belle prairie aux environs de Kaboul, - Kush-nadur, canal près Estalif, Kush-gumber, sur le haut Kaboul, Kush-Khaneh, à l'est de Candahar, - une autre ville ruinée de Kushan, à l'ouest de Hérat.

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Il est frappant que tous ces Koush sont ramassés dans le cercle de l'Ilindou-Koush, indiquant par là l'assiette du Koush initial. Deux ouvrages indiens, le Brahmâ-purána et le Hari-vansa, sanctionnent le fait en disant que Kuça, le chef de la famille, est allié aux Pahlavas et Persans (1); or ceux-ci sont dans le même Hindou-Koush. A l'intérieur des Indes il est d'autres Koush d'une grande importance, qui auront bientôt un mot, mais ils dérivent de celui de l'Hindou-Koush, et, propriétés des fils, ils agrandissent le champ paternel. Si l'on tirait une ligne pour embrasser tous ces Koush, on obtiendrait un cercle immense (2).

(1) La ville de Pahlu est au bas même de l'Hindou-Koush, du côté oriental, à la tête de la vallée du Panjshir, un peu au nord de Charikar.

(2) Il pourrrait sans doute se trouver dans ce cercle quelques Koush d'origine différente, persane ou tibétaine, car le terme appartient également à ces deux sources; mais ces dénominations seraient isolées et en minorité infime. Quand même on voudrait rendre persan le nom de la longue muraille de l'Hindou-Koush et en faire « le tueur des Hindous » ou le Hindu-Koh, « monts hindous », ce que toutefois nous sommes loin d'admettre, encore l'immense majorité avec ses vastes colonies de l'Inde et hors des Indes, et avec toute sa notoriété historique, resterait-elle au Koush ou Kuça de l'Himalaya. Il est la primitive et unique racine.

Une confirmation d'une portée souveraine nous vient par le canal de la littérature indienne. Ses livres donnent une description de la Terre et de ses divisions ou douîpes, qui, à plusieurs égards, correspond à la description biblique de l'Eden. Entre les deux des points majeurs sont communs; le suivant est du nombre. — Parmi les sept divisions ou douîpes figurent (lumineuse identité!): 1° un KUÇA-DVIPA, « continent insulaire de Kuça», avec ses habitants, les Kuçalás ou Kuça-jas, « nés de Kuça »; 2o un autre douîpe tout à fait synonyme du « Pays de 'Havilah »>, et qui nous occupera plus loin. Ainsi, aux deux Pays bibliques font écho deux Douîpes indiens. Si nous avons qualifié de souveraine la portée de cette confirmation, ce n'est pas à tort: l'origine en est totalement en dehors de la Bible; elle est émise sur les lieux mêmes; elle vient des indigènes ou des Chamites, d'une race différente de celle des possesseurs de la Bible; et par cette race qui a tiré son nom de Kuça de la Bible, c'est la Bible qui l'a puisé là.

conséquent ce n'est pas

Kuça, comme disent les Indiens, est un nom absolument identique à notre Koush. L'a final bref de Kuça ne se prononce pas, et même en hindoustani ne s'écrit pas; et la palatale ça, quoiqu'elle se prononce quelquefois s, a le plus souvent le son de sh, en sorte que Kuça revient exactement à Kush.

Demanderait-on si les hôtes du Kuça-dvipa et des nombreux Koush qui ont passé devant nous, étaient bien, par leur physionomie, par leurs mœurs, par leur langue, les vrais Koush du sang de Cham. Qui pourrait en douter? Les occupants du Kuçadouîpe étaient les Kuçalás. Leur teint avait cette nuance brune qu'appelle le nom de Cham, avec les cheveux longs, la coupe du visage européenne, la taille svelte, les allures actives. C'est par l'Ilindou-Koush que débouchèrent les Aryas deux mille ans avant notre ère; et dans leur Rig Véda ils nous font telle que nous venons de la donner l'esquisse des Dasyous, «< noires tribus », disent-ils, en forçant la couleur, mais «< habiles, rapides dans leurs mouvements, belliqueux, excellents archers ». Si de nos jours l'on sépare par la pensée les populations plus récentes, Afghans, Persans, Arabes, etc., on se retrouve avec les Dasyous, avec les bruns Kuçalâs, avec les Koushites.

Mais sortons de ce berceau; pénétrons avec les vieilles chroniques de Kuça dans la copieuse postérité nationale qui déborda sur les Indes.

Le Kuça-dripa, comme une importante demeure patriarcale, engendra de considérables États, qui s'étendirent dans l'orient de l'Inde. Tel fut le royaume de Koçala, fameux à une certaine époque, ayant pour capitale Ayodhya (Oude actuelle), dite ellemême Koçala, et non moins célèbre. Vishnou, incarné dans Rama-Chandra, y régna. Son premier-né, qu'il appela Kuça (!), construisit sur les hauteurs des monts Vindhya la cité de Kuçasthali ou Kuçâvati, pour être plus à même de régir des États devenus très vastes. Ils comprenaient, suivant les Pouranes (en particulier le Váyou-purâna), tout le pays situé entre les monts Vindhya et le Gange, et portaient encore le nom de Koçala.

L'éminence de Kuça s'accentue encore davantage. L'illustre Kauçika ou « descendant de Kuça », Viçwâ-mitra, raconte (1) que le grand roi Kuça naquit du sein même de Brahmâ, et qu'il eut quatre fils: Kuçâmba, Kuça-nâbha, Amurta-rajas et Vasu. Les deux premiers portèrent, comme on le voit, le nom de Kuça; et trois d'entre eux fondèrent des villes de ce même nom; Kuçamba érigea Kauçambi, sur la Jumna; Kuça-nâbha bâtit Kuça-sthala (Kanya-Kubja ou Canoge); Vasu éleva Kuçágârapúra, première capitale du Magadha.

Dans la même zone coule une rivière de la famille, la Kauçiki (aujourd'hui Kusy), qui sortant du Népal se jette dans le Gange. Avant d'être rivière, la Kauçikî avait été la fille du roi de Kuçasthala, Gâdhi, et était sœur de Vięwa-mitra. Comme celui-ci était un Kauçika, sa sœur naturellement était une Kauciki.

Si toute cette parenté est historiquement nuageuse, du moins sa géographie est réelle.

dire

que

de

Porté par des rois fondateurs de villes et de royaumes, le nom de Kuça était donc très vénéré. Ne venons-nous pas Râma-Chandra, Vishnou incarné, dont le culte remplit et les Indes et leurs poèmes, appela son premier-né Kuça? La mère de Râma était elle-même Kausalya ou du peuple des "Koçalas» le nom était assez commun. On se glorifiait de (1) Rámayâna, Adî-Kanda, c. xxxv, XXXVI.

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