Page images
PDF
EPUB

SOMMAIRE.

TÉLÉMAQUE raconte que le successeur de Boccoris rendant tous les prisonniers tyriens, lui-même Télémaque fut emmené à Tyr sur le vaisseau de Narbal qui commandoit la flotte tyrienne; que Narbal lui dépeignit Pygmalion, leur roi, dont il falloit craindre la cruelle avarice; qu'ensuite il avoit été instruit par Narbal sur les règles du commerce de Tyr, et qu'il alloit s'embarquer sur un vaisseau cyprien pour aller par l'île de Chypre à Ithaque, quand Pygmalion découvrit qu'il étoit étranger, et voulut le faire prendre; qu'alors il étoit sur le point de périr; mais qu'Astarbé, maîtresse du tyran, l'avoit sauvé pour faire mourir à sa place un jeune homme dont le mépris l'avoit irritée.

[ocr errors]
[graphic]

Monnet Inv. Dol-Duranton, aquâ forti - Robert De Launay, Direxit.

LIVRE TROISIÈME.

CALYPSO écoutoit avec étonnement des paroles si sages. Ce qui la charmoit le plus étoit de voir que Télémaque racontoit ingénuement les fautes qu'il avoit faites par précipitation, et en manquant de docilité pour le sage Mentor: elle trouvoit une noblesse et une grandeur étonnante dans ce jeune homme qui s'accusoit lui-même, et qui paroissoit avoir si bien profité de ses imprudences pour se rendre sage, prévoyant et modéré. Continuez, dit-elle, mon cher Télémaque; il me tarde de savoir comment vous sortîtes de l'Egypte, et où vous avez retrouvé le sage Mentor, dont vous avez senti la perte avec tant de raison.

Télémaque reprit ainsi son discours : Les Egyptiens les plus vertueux et les plus fidèles au roi étant les plus foibles, et voyant le roi mort, furent contraints de céder aux autres: on établit un autre roi nommé Termutis. Les Phéniciens, avec les troupes de l'ile de Chypre, se retirèrent après avoir fait alliance avec le nouveau roi. Celui-ci rendit tous les prisonniers phéniciens; je fus compté comme étant de ce nombre. On me fit sortir de la tour; je m'embarquai avec les autres, et l'espérance commença à reluire au fond de

mon cœur. Un vent favorable remplissoit déjà nos voiles, les rameurs fendoient les ondes écumantes, la vaste mer étoit couverte de navires; les mariniers poussoient des cris de joie ; les rivages d'Egypte s'enfuyoient loin de nous; les collines et les montagnes s'aplanissoient peu-à-peu. Nous commencions à ne

plus voir que le ciel et l'eau, pendant que le soleil, qui se levoit, sembloit faire sortir du sein de la mer ses feux étincelants; ses rayons doroient le sommet des montagnes que nous découvrions encore un peu sur l'horizon; et tout le ciel, peint d'un sombre azur, nous promettoit une heureuse navigation.

Quoiqu'on m'eût renvoyé comme étant Phénicien, aucun des Phéniciens avec qui j'étois ne me connoissoit. Narbal, qui commandoit dans le vaisseau où l'on me mit, me demanda mon nom et ma patrie. De quelle ville de Phénicie êtes-vous? me dit-il. Je ne suis point Phénicien, lui dis-je; mais les Egyptiens m'avoient pris sur la mer dans un vaisseau de Phénicie : j'ai demeuré captif en Egypte comme un Phénicien; c'est sous ce nom que j'ai long-temps souffert; c'est sous ce nom que l'on m'a délivré. De quel pays êtes-vous donc ? reprit alors Narbal. Je lui parlai ainsi : Je suis Télémaque, fils d'Ulysse, roi d'Ithaque en Grèce. Mon père s'est rendu fameux entre tous les rois qui ont assiégé la ville de Troie : mais les Dieux ne lui ont pas accordé de revoir sa patrie. Je l'ai cherché en plusieurs pays; la fortune me persécute comme lui : vous voyez un malheureux qui ne soupire qu'après le bonheur de retourner parmi les siens, et de retrouver son père.

« PreviousContinue »