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Pour leurs mines, ils n'eurent aucune peine à nous les abandonner; elles leur étoient inutiles. Il leur paroissoit que les hommes n'étoient guère sages d'aller. chercher par tant de travaux, dans les entrailles de la terre, ce qui ne peut les rendre heureux, ni satisfaire à aucun vrai besoin. Ne creusez point, nous disoientils, si avant dans la terre contentez-vous de la labourer; elle vous donnera de véritables biens qui vous nourriront; vous en tirerez des fruits qui valent mieux que l'or et que l'argent, puisque les hommes ne veulent de l'or et de l'argent que pour en acheter les aliments qui soutiennent leur vie.

par

Nous avons souvent voulu leur apprendre la navigation, et mener les jeunes hommes de leur pays dans la Phénicie; mais ils n'ont jamais voulu que leurs enfants apprissent à vivre comme nous. Ils apprendroient, nous disoient-ils, à avoir besoin de toutes les choses qui vous sont devenues nécessaires: ils voudroient les avoir; ils abandonneroient la vertu pour les obtenir de mauvaises industries. Ils deviendroient comme un homme qui a de bonnes jambes, et qui, perdant l'habitude de marcher, s'accoutume enfin au besoin d'être toujours porté comme un malade. Pour la navigation, ils l'admirent à cause de l'industrie de cet art; mais ils croient que c'est un art pernicieux. Si ces genslà, disent-ils, ont suffisamment en leur pays ce qui est nécessaire à la vie, que vont-ils chercher en un autre? ce qui suffit au besoin de la nature ne leur suffit-il pas ? ils mériteroient de faire naufrage, puisqu'ils cherchent la mort au milieu des tempêtes, pour assouvir l'ava

rice des marchands, et pour flatter les passions des autres hommes.

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Télémaque étoit ravi d'entendre ce discours d'Adoam, et se réjouissoit qu'il y eût encore au monde un peuple qui, suivant la droite nature, fût si sage et si heureux tout ensemble. Oh! combien ces mœurs, disoit-il, sont-elles éloignées des mœurs vaines et ambitieuses des peuples qu'on croit les plus sages! Nous sommes tellement gâtés, qu'à peine pouvons-nous croire que cette simplicité si naturelle puisse être véritable. Nous regardons les mœurs de ce peuple comme une belle fable, et il doit regarder les nôtres comme un songe monstrueux.

FIN DU LIVRE HUITIÈME.

LIVRE IX.

SOMMAIRE.

VÉNUS, toujours irritée contre Télémaque, en demande la perte à Jupiter. Mais les Destinées ne permettant pas qu'il périsse, la Déesse va concerter avec Neptune les moyens de l'éloigner d'Ithaque, où Adoam le conduisoit. Ils emploient une Divinité trompeuse pour surprendre le pilote Athamas, qui, croyant arriver en Ithaque, entre à pleines voiles dans le port des Salentins. Leur roi Idoménée reçoit Télémaque dans sa nouvelle ville, où il préparoit actuellement un sacrifice à Jupiter pour le succès d'une guerre contre les Manduriens. Le sacrificateur, consultant les' entrailles des victimes, fait tout éspérer à Idoménée, et lui fait entendre qu'il devra son bonheur à ses deux nouveaux hôtes.

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