qu'au goût de fon fiecle, fonge plus à la perfonne qu'à fes écrits: il faut toûjours tendre à la perfection, & alors cette juftice qui nous eft quelquefois refufée par nos contemporains, la pofterité fçait nous la rendre,

Il ne faut point mettre un ridicule où il n'y en a point, c'est se gâter le goût, c'eft corrompre fon jugement & celuy des autres; mais le ridicule qui eft quelque part; il faut l'y voir, l'en tirer avec grace, & d'une maniere qui plaife & qui inftruife,

HORACE OU DESPRE AUX l'a dit avant vous, je le croy fur vôtre parole; mais je l'ay dit comme mien, ne puis-je pas penfer aprés eux

une chofe

d'autres en-

core penferont aprés moy ?

Q

Ui peut avec les plus rares ta

lens & le plus excellent merite n'être pas convaincu de fon inutilité; quand il confidere qu'il laiffe,en mourant, un monde qui ne fe fent pas de La perte, & où tant de gens fe trouvent pour le remplacer ?

De bien des gens

il n'y a que le nom qui vale quelque chofe; quand vous les voyez de fort prés,c'eft moins que rien; de loin ils impofent.

Tout perfuadé que je fuis que ceux que l'on choifit pour de differens emplois, chacun felon fon genie & sa profeffion font bien, je me hazarde de dire qu'il fe peut faire qu'il y ait au monde plufieurs perfonnes connuës ou inconnues, que l'on n'employe pas, qui feroient tres-bien; & je fuis induit à ce fentiment par le merveilleux fuccés de certaines gens que le hazard feul a placez, & de qui jufques alors on n'avoit pas attendu de fort grandes choses.

Combien d'hommes admirables, & qui avoient de tres-beaux genies, font morts fans qu'on en ait parlé ? Combien vivent encore dont on ne parle point, & dont on ne parlera jamais ?

¶ Quelle horrible peine à un homine qui eft fans prôneurs & fans cabale, qui n'eft engagé dans aucun corps, mais qui eft feul, & qui n'a que beaucoup de merite pour toute recommandation, de fe faire jour à travers l'obfcurité où il fe trouve, & de venir au niveau d'un fat qui eft en credit.

¶ Perfonne prefque ne s'avife de luy-même du merite d'un autre.

Les hommes font trop occupez d'eux-mêmes pour avoir le loifir de penetrer ou de difcerner les autres : de là vient qu'avec un grand merite & une plus grande modeftie l'on peut être long-temps ignoré.

Le genie & les grands talens manquent fouvent, quelquefois auffi les feules occafions: tels peuvent être loüez de ce qu'ils ont fait, & tels de ce qu'ils auroient fait,

Il est moins rare de trouver de

l'efprit, , que des gens qui fe fervent du leur, ou qui faffent valoir celuy des autres, & le mettent à quelque ufage.

gil y a plus d'outils que d'ouvriers, & de ces derniers plus de mauvais que d'excellens que penfez-vous de celuy qui veut fcier avec un rabot, & qui prend fa fcie pour raboter ?

:

Il n'y a point au monde un fi penible métier que celuy de fe faire un grand nom; la vie s'acheve que l'on a à peine ébauché fon ouvrage.

Que faire d'Egefippe qui demande un employ? le mettra-t-on dans les Finances, ou dans les Troupes ? cela eft indifferent, & il faut que ce foit l'intereft feul qui en décide; car il eft auffi capable de manier de l'argent, ou dreffer des comptes, que de porter les armes: il eft propre à tout, difent fes amis difent fes amis, ce qui fignifie toûjours qu'il n'a pas plus de talent pour une chofe que pour une autre,ou en d'autres termes qu'il n'est propre à rien. Ainfi la plupart des hommes occupez d'eux feuls dans leur jeuneffe, corrompus par la pareffe ou par le plaifir croyent fauffe

ment dans un âge plus avancé qu'il leur fuffit d'être inutiles ou dans l'indigence, afin que la Republique foit engagée à les placer ou à les fecourir, & ils proficent rarement de cette leçon fi importante: que les hommes devroient employer les premieres années de leur vie à devenir tels par leurs études & par leur travail, que la Republique elle-même eût befoin de leur induftrie & de leurs lumieres; qu'ils fuffent comme une piece neceffaire à tout fon édifice; & qu'elle fe trouvât portée par fes propres ayantages à faire leur fortune ou à l'embellir.

Nous devons travailler à nous rendre tres-dignes de quelque employ; -le refte ne nous regarde point, c'est l'affaire des autres.

Se faire valoir par des chofes qui ne dépendent point des autres, mais de foy feul, ou renoncer à fe faire valoir : maxime ineftimable & d'une reffource infinie dans la pratique, utile aux foibles, aux vertueux, à ceux qui ont de l'efprit, qu'elle rend maîtres de leur fortune ou de leur repos; pernicieuse pour les Grands,