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Tus parla aux prifonniers : leur déclara qu'il n'étoit point venu pour leur faire du mal ni pour ravager leurs terres mais pour leur accorder la paix à des conditions raifonnables; & il les renvoya. On ne manqua pas d'envoyer fur le champ des députés, & la paix fut conclue. Pour la fûreté des deux peuples & de leur commun confentement, Cyrus fit bâtir fur la hauteur une fortereffe qui commandoit tout le pays, & y laiffa une bonne garnifon, qui devoit fe déclarer contre celui des deux peuples qui manqueroit au traité.

Cyrus ayant appris qu'il y avoit un commerce & une communication affez ordinaire entre les Indiens & les Chaldéens, fouhaita que ceux-ci vouluffent bien conduire & accompagner l'Ambassadeur qu'il fe préparoit d'envoyer au Roi des Indes. Le fujet de cette ambaffade étoit de lui demander quelques fecours d'argent de la part de Cyrus, qui en avoit befoin pour lever de nouvelles troupes en Perfe, & qui efpéroit que, fi Dieu accordoit un heureux fuccès à fes deffeins, le Roi n'auroit point lieu de fe répentir de l'avoir aidé. Il étoit bien-aife que les Chaldéens appuyaf fent fa demande : & ils pouvoient le faire avantageufement en rapportant le caractère & les exploits de Cyrus. L'Ambaffadeur partit dès le lendemain, accompa gné des plus confidérables du pays, qui avoient ordre de conduire cette affaire le plus adroitement qu'il leur feroit poffible,

AN. M. 3338.

& de rendre au mérite de Cyrus toute la justice qui lui étoit dûe.

L'expédition contre les Arméniens étant heureusement terminée, Cyrus partit de là pour aller trouver Cyaxare. Quatre mille Chaldéens, qui étoient les plus braves de la nation, fe joignirent à lui: & le Roi d'Arménie, qui fe voyoit délivré de fes ennemis augmenta le nombre des troupes qu'il lui avoit promises. Il arriva donc en Médie avec beaucoup d'argent & une armée beaucoup plus nombreuse que lorsqu'il en étoit forti.

S. V.

Expédition de Cyaxare & de Cyrus contre les Babyloniens: premiere bataille.

LES deux partis avoient employé trois anAv. J.C.556. nées de fuite à former leurs alliances, & à Cyrop. 13 faire des préparatifs de guerre. Cyrus voyant pag. 78-87. les troupes pleines d'ardeur & de bonne volonté, propofa à Cyaxare de les mener contre les Affyriens. Ses raifons étoient qu'il croyoit le devoir décharger du foin & de la dépenfe de nourrir deux armées ; qu'il valoit mieux manger le pays ennemi que le fien: que cette démarche hardie d'aller à la rencontre des Affyriens étoit capable de répandre la terreur parmi leurs troupes, en même temps qu'elle rempliroit les leurs de confiance; qu'enfin il lui avoit fouvent entendu dire à lui-même, auffibien qu'à Cambyfe fon pere, que la vic

toire dépendoit, non du nombre mais du courage des foldats. Cyaxare entra dans fes vues.

On fe mit donc en marche après avoir fait les facrifices ordinaires. Cyrus au nom de toute l'armée, pria tous les Dieux tutelaires de l'Empire de vouloir bien leur être favorables dans l'expédition qu'ils commençoient, de les accompagner, de les conduire, de combattre avec eux, de leur infpirer le courage & la prudence dont ils avoient befoin, & de donner un heureux fuccès à leurs armes. Cyrus, en agiffant ainfi, mettoit en pratique l'important avis que lui avoit donné fon pere de commen

cer & de finir toutes les actions & toutes fes entreprises par la priere, & il ne manquoit jamais avant & après le combat de s'acquitter à la vue de l'armée de ce devoir de religion. Quand ils furent arrivés fur les frontieres de l'Affyrie, leur premier foin fut encore de rendre hommage aux Divinités du pays, & d'implorer leur fecours & leur protection, après quoi il fit des courses dans le pays, & amaffa un grand butin.

Cyrus apprit que les ennemis étoient éloignés d'environ dix journées: il engagea Cyaxare à les aller chercher. Quand les armées furént à la vue l'une de l'autre on fe prépara au combat. Les Affyriens s'étoient campés en rafe campagne, & felon leur coutume, que les Romains imiterent depuis, ils avoient environné & for

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tifié leur camp d'un large foffé. Cyrus au contraire qui étoit bien aife de dérober aux ennemis autant qu'il étoit en lui la vue & la connoiffance du petit nombre de fes troupes, s'étoit couvert de quelques villages & de quelques petites collines. On fut de part & d'autre quelques jours à fe regarder. Enfin les Affyriens étant fortis les premiers de leur camp en fort grand nombre, Cyrus fit avancer fes troupes. Avant qu'elles fuffent à la portée du trait, il donna le mot de ralliement qui fut, * Jupiter fecourable & conducteur. Il fit entonner l'hymne ordinaire en l'honneur de Caftor & de Pollux, & les foldats pleins d'une religieufe ardeur, (Stooßws) y répondirent à haute voix. Ce n'étoit dans toute l'armée de Cyrus qu'alégreffe, qu'émulation, que courage, qu'exhortations mutuelles, que dévouement univerfel à faire tout ce que le Chef ordonneroit. Car, dit ici l'Hiftorien, on a remarqué qu'en ces occafions ceux qui craignent le plus la Divinité, ont le moins de peur des hommes. Du côté des Affyriens les archers, les frondeurs, & les gens de trait, firent leurs décharges avant que l'ennemi fût à portée. Mais les Perfes, animés par la préfence & l'exemple de Cyrus, en vinrent tout d'un coup aux mains, & enfoncerent les premiers bataillons. Les Affyriens, quelque effort fiffent & Créfus & leur propre

que

Je ne faisfi Xenophon ne | Perfans le nom des Dieux de donne point ici aux Dieux fon pays.

Roi

Roi pour les animer
" ne purent foutenir
un choc fi rude, & prirent tous la fuite.
La cavalerie des Médes s'ébranla en même
temps pour attaquer celle des ennemis, qui
fut auffi bientôt mise en déroute. Ils furent
vivement pourfuivis jufques dans leur camp.
Il s'en fit un effroyable carnage, & le Roi
des Babyloniens (c'étoit Nérigl ffor) y per-
dit la vie. Cyrus ne fe crut pas en état de
Les forcer dans leurs retranchemens, & il
fit fonner la retraite.

Cependant les Affyriens, après la mort Lib. 4.p.87 de leur Roi, & la perte des plus braves 104. gens de l'armée, étoient dans une étrange confternation. Dès que Créus les vit en Lib.6.p.160. défordre, il tourna le dos, fans fe mettre en peine de les fecourir. Les autres alliés perdirent auffi toute efpérance, & ne penferent plus qu'à fe fauver à la faveur de la nuit.

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Cyrus l'avoit bien prévu, & il se préparoit à les poursuivre vivement. Mais il avoit beloin pour cela de cavalerie, & comme on l'a déja remarqué, les Perfes n'en avoient point. Il alla donc trouver Cyaxare, & lui propofa fon deffein. Cyaxare l'improuva fort, & lui repréfenta le danger qu'il y avoit de pouffer à bout des ennemis fi puiffans, à qui l'on infpireroit peutêtre du courage en les réduitant au défefpoir qu'il étoit de la fageffe d'ufer modérément de la fortune, & de ne pas perdre le fruit de la victoire par.trop de vivacité; que d'ailleurs il ne voudroit pas Tome 11. G

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