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miére lettre à fon frere Quintus, que (a) Xenophon avoit compofe l'hiftoire de Cyrus, non fuivant l'exacte vérité, mais comme le modèle d'un bon gouvernement, ne doit ren diminuer de l'autorité de ce judicieux Ecri vain, ni de la créance qui lui eft due. Ce qu'on en peut conclure, c'eft que le deffein de Xénophon, auffi grand Philofophe que grand Capitaine, n'a pas été fimplement d'écrire 1 hiftoire de Cyrus, mais d'apprendre aux Princes, dans la perfonne de celui-ci, l'art de régner, & de fe faire aimer de leurs fujets malgré le faste & l'élévation de la puffance fouveraine. Il a pu dans cette vue, prêter à son héros quelques penfées, quelques fentimens quelques difcours: mais le fond des événemens & des faits qu'il rapporte doit paffer pour wrai, & leur conformité avec l'Ecriture fainte en eft une preuve évidente. On peut lire la differtation de M. l'Abbé Banier fur ce fujet dans les Mémoires de l'Académie Tome. 6 pag. des Belles-Lettres.

Pour plus grande clarté, je divife l'hif toire de Cyrus en trois parties. La premiere s'étendra depuis fa naiffance jufqu'au fiége de Babylone: la feconde renfermera la defcription du fiége & de la prise de cette ville, & de tout ce qui regarde ce grand événement; la troifieme contiendra l'hiftoire de ce Prince depuis la prife de Babylone jufqu'à fa mort.

(a) Cyrus ille à Xeno- fidem fcriptus, fed ad fig phoste non ad hiftoriæ giem jufti imperii.

4000

Xenoph. Cy

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Hiftoire de Cyrus depuis fon enfance jufqu'au fiége de Babylone.

CET intervalle, outre l'éducation de Cyrus & le voyage qu'il fit en Médie chez Aftyage fon grand-pere, renferme les premieres campagnes de ce Prince, & les importantes expéditions qui en furent la fuite.. §. I. Education de Cyrus.

CYRUS étoit fils de Cambyfe Roi de Top.l.1.p.3-Perfe & de Mandane, fille d'Aftyage Ro AN.M.3405 des Médes. Il naquit un an après Cyaxare Av. J.C.395. fon oncle, frere de Mandane.

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Les Perfes, divifés en douze Tribus étoient alors renfermés dans une feule pro vince de cette vafte région qui depuis a porté leur nom & ne faifoient tous en femble que fix-vingt mille hommes. Dans la fuite cette nation ayant acquis l'Empire de l'Orient par la fageffe & par la valeur de Cyrus, le nom de la Perfe s'étendit avec leur fortune, & comprit ce vaste ef pace de pays qui s'étend du levant au couchant depuis le fleuve Indus jufqu'au Tigre, & du feptentrion au midi depuis la mer Cafpienne jufques à l'océan. Ce nom a encore aujourd'hui la même étendue.

Cyrus étoit bien fait de corps, & encore plus eftimable par les qualités de l'ef prit plein de douceur & d'humanité, de defir d'apprendre, d'ardeur pour la gloire,

Il ne fut jamais effrayé d'aucun péril, ni rebuté d'aucun travail, quand il s'agif foit d'acquérir de l'honneur. Il fut élevé felon les loix des Perfes, qui pour lors étoient excellentes par rapport à l'éduca

tion.

Le bien public, l'utilité commune, étoit cyrop. 1. 1. le principe & le but de toutes leurs loix. p. 3-8. L'éducation des enfans étoit regardée com me le devoir le plus important & la partie la plus effentielle du gouvernement. On ne s'en repofoit pas fur l'attention des peres & des meres qu'une aveugle & inolle tendreffe rend fouvent incapables de ce foin: l'Etat s'en chargeoit. Ils étoient élevés en commun d'une maniere uniforme. Tout y étoit réglé : le lieu & la durée des exercices, le le temps des repas, la qualité du boire & du manger, le nombre des maîtres, les différentes fortes de châtimens. Toute leur nourriture auffi-bien pour les enfans que pour les jeunes gens, étoit du pain, du creffon, & de l'eau : car on vouloit de bonne heure les accoutumer à la tempérance & à la fobriété ; & d'ailleurs cette forte de nourriture fimple & frugale, fans aucun mélange de fauces ni de ragoûts, leur fortifioit le corps, & leur préparait un fonds de fanté capable de foutenir les plus rudes fatigues de la guerre jufques dans l'âge le plus avancé.

Ils alloient aux écoles pour y apprendre la juftice, comme ailleurs on y va pour apprendre les lettres & les fciences; & le

crime qu'on y puniffoit le plus févére ment étoit l'ingratitude.

La vue des Perfes, dans tous ces fages établiffemens, étoit d'aller au devant dų mal, perfuadés qu'il vaut bien mieux s'appliquer à prévenir les fautes qu'à les punir: & au lieu que dans les autres Etats on fe contente d'établir des punitions contre les méchans, ils tâchoient de faire enforte que parmi eux il n'y eût point de méchans.

On étoit dans la claffe des enfans jufqu'à 16 ou 17 ans ; & c'eft-là qu'ils apprenoient à tirer de l'arç, & à lancer le javelot après cela on entroit dans celle des jeunes gens. C'eft alors qu'on les tenoit de plus court, parce que cet âge a plus befoin que tout autre d'être veillé exac tement. Ils étoient dix années dans cette claffe. Pendant ce temps ils paffoient toutes les nuits dans les corps de garde, tant pour la fûreté de la ville, que pour les accoutumer à la fatigue. Pendant le jour ils venoient recevoir les ordres de leurs gouverneurs, accompagnoient le Roi lorsqu'il alloit à la chaffe, ou fe perfectionnoient dans les exercices.

La troifieme claffe étoit compofée des hommes faits; & ils y demeuroient vingtcinq ans. C'eft de là qu'on tiroit tous les Officiers qui devoient commander dans les troupes, & remplir les différens poftes de l'Etat, les charges, les dignités. On ne les forçoit point à porter les armes hors du pays, quand ils avoient paffé cinquante ans,

Enfin il paffoient dans la derniere claffe, où l'on choififfoit les plus fages & les plus expérimentés pour former le confeil public, & les compagnies des Juges.

Par-là tous les citoyens pouvoient aspi rer aux premieres charges de l'Etat : mais aucun n'y pouvoit arriver qu'après avoir paffé par ces différentes claffes, & s'en être rendu capable par tous ces exercices. Ces claffes étoient ouvertes à tous, mais il n'y avoit ordinairement que ceux qui étoient affez riches pour entretenir leurs enfans fans travailler qui les y envoyaffent.

p.8-12.

Cyrus fut élevé de la forte, & furpaffa Cyrop.1.xy toujours fes égaux, foit par la facilité à apprendre, foit par le courage, ou par l'adreffe à exécuter tout ce qu'il entreprenoit.

S. I I.

Voyage de Cyrus chez Aftyage fon grandpere, & fon retour en Perfe.

ans,

QUAND Cyrus eut atteint l'âge de douze AN. M. 3418. fa mere Mandane le mena en Médie Av.J.C.588, chez Aftyage fon grand-pere, à qui tout le bien qu'il entendoit dire de ce jeune Prince avoit donné une grande envie de le voir. Il trouva dans cette Cour des mœurs bien différentes de celles de fon pays. Le fafte, le luxe, la inagnificence y régnoient par-tout. Aftyage étoit fuperbement vêtu, avoit les yeux peints, le vifage fardé,

*

Les Anciens, pour relever la beauté du vifage, &

donner plus de vivacité au
teint, formoient les fourcils

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