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peu à peu par les Turcs. Les papes étaient depuis long-temps de puissans et riches souverains; toute l'église grecque fut esclave depuis Mahomet II, excepté la Russie, qui était alors un pays barbare, et dont l'église n'était pas comptée.

Quiconque est un peu instruit des affaires du Levant, sait que le sultan confère le patriarchat des Grecs par la crosse et par l'anneau, sans crainte d'être excommunié, comme le furent les empereurs allemands par les papes pour cette cérémonie.

Bien est-il vrai que l'église de Stamboul a conservé en apparence la liberté d'élire son archevêque; mais elle n'élit que celui qui est indiqué par la Porte ottomane. Cette place coûte à présent environ quatre-vingt mille francs, qu'il faut que l'élu reprenne sur les Grecs. S'il se trouve quelque chanoine accrédité qui offre plus d'argent au grand-visir, on dépossède le titulaire, et on donne la place au dernier enchérisseur, précisément comme Marozia et Théodora donnaient le siége de Rome dans le dixième siècle. Si le patriarche titulaire résiste, on lui donne cinquante coups de bâton sur la plante des pieds, et on l'exile. Quelquefois on lui coupe la tête, comme il arriva au patriarche Lucas Cyrille en 1638.

Le Grand-Turc donne ainsi tous les autres évê

chés moyennant finance; et la somme à laquelle

chaque évêché fut taxé sous Mahomet II, est toujours exprimée dans la patente; mais le supplément qu'on a payé n'y est pas énoncé. On ne sait jamais au juste combien un prêtre grec achète son évêché.

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Ces patentes sont plaisantes : « J'accorde à N***, prêtre chrétien, le présent mandement pour perfection de félicité. Je lui commande de rési« der en la ville ci-nommée comme évêque des « infidèles chrétiens, selon leur ancien usage et « leurs vaines et extravagantes cérémonies; vou<< lant et ordonnant que tous les chrétiens de ce « district le reconnaissent, et que nul prêtre ni « moine ne se marie sans sa permission (c'est-à<< dire sans payer).»

L'esclavage de cette église est égal à son ignorance; mais les Grecs n'ont que ce qu'ils ont mé, rité; ils ne s'occupaient que de leurs disputes sur la lumière du Thabor et sur celle de leur nombril, lorsque Constantinople fut prise.

On espère qu'au moment où nous écrivons ces douloureuses vérités, l'impératrice de Russie Catherine II rendra aux Grecs leur liberté. On souhaite qu'elle puisse leur rendre le courage et l'esprit qu'ils avaient du temps de Miltiade, de Thémistocle, et qu'ils aient de bons soldats et moins de moines au mont Athos.

x. de la présente église grecque.

Si quelque chose peut nous donner une grande idée des mahométans, c'est la liberté qu'ils ont laissée à l'église grecque. Ils ont paru dignes de leurs conquêtes, puisqu'ils n'en ont point abusé. Mais il faut avouer que les Grecs n'ont pas trop mérité la protection que les musulmans leur accordent; voici ce qu'en dit M. Porter, ambassadeur d'Angleterre en Turquie :

« Je voudrais tirer le rideau sur ces disputes « scandaleuses des Grecs et des Romains au sujet « de Bethléem et de la Terre-Sainte, comme ils

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l'appellent. Les procédés iniques, odieux, qu'elles << occasionent entre eux, font la honte du nom << chrétien. Au milieu de ces débats, l'ambassadeur chargé de protéger la communion romaine, malgré sa dignité éminente, devient véritable<< ment un objet de compassion.

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« Il se lève dans tous les pays de la croyance << romaine des sommes immenses, pour soutenir << contre les Grecs des prétentions équivoques à << la possession précaire d'un coin de terre réputée « sacrée, et pour conserver entre les mains des « moines de leur communion les restes d'une « vieille étable à Bethleem, où l'on a érigé une chapelle, et où, sur l'autorité incertaine d'une <<< tradition orale, on prétend que naquit le Christ;

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« de même qu'un tombeau, qui peut être, et plus << vraisemblablement peut n'être pas ce qu'on ap

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pelle son sépulcre : car la situation exacte de ces << deux endroits est aussi peu certaine que la place « qui recèle les cendres de César. »

Ce qui rend les Grecs encore plus méprisables aux yeux des Turcs, c'est le miracle qu'ils font tous les ans au temps de Pâques. Le malheureux évêque de Jérusalem s'enferme dans le petit caveau qu'on fait passer pour le tombeau de notre Seigneur Jésus-Christ, avec des paquets de petite bougie; il bat le briquet, allume un de ces petits cierges, et sort de son caveau en criant : « Le feu << du ciel est descendu, et la sainte bougie est << allumée. » Tous les Grecs aussitôt achètent de ces bougies, et l'argent se partage entre le commandant turc et l'évêque.

On peut juger par ce seul trait de l'état déplorable de cette église sous la domination du Turc.

L'église grecque, en Russie, a pris depuis peu une consistance beaucoup plus respectable, depuis que l'impératrice Catherine II l'a délivrée du soin de son temporel; elle lui a ôté quatre cent mille esclaves qu'elle possédait. Elle est payée aujourd'hui du trésor impérial; entièrement soumise au gouvernement, contenue par des lois sages, elle ne peut faire que du bien; elle devient tous les jours savante et utile. Elle a aujourd'hui

DICTIONN. PHILOS. T. IV.

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un prédicateur nommé Platon, qui a fait des sermons que l'ancien Platon grec n'aurait pas désavoués.

ÉGLOGUE.

Il semble qu'on ne doive rien ajouter à ce que M. le chevalier de Jaucourt et M. Marmontel ont dit de l'églogue, dans le Dictionnaire encyclopédique; il faut, après les avoir lus, lire Théocrite et Virgile, et ne point faire d'églogues. Elles n'ont été jusqu'à présent parmi nous que des madrigaux amoureux, qui auraient beaucoup mieux convenu aux filles d'honneur de la reine-mère qu'à des bergers.

L'ingénieux Fontenelle, aussi galant que philosophe, qui n'aimait pas les anciens, donne le plus de ridicule1 qu'il peut au tendre Théocrite, le maître de Virgile; il lui reproche une églogue qui est entièrement dans le goût rustique; mais il ne tenait qu'à lui de donner de justes éloges à d'autres églogues, qui respirent la passion la plus naïve, exprimée avec toute l'élégance et la molle douceur convenable aux sujets.

Il y en a de comparables à la belle ode de Sapho, traduite dans toutes les langues. Que ne nous donnait-il une idée de la Pharmaceutrée, imitée par

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Discours sur la nature de l'Églogue; au commencement. (L. D. B.)

Seconde Idylle de Théocrite (la Magicienne). Longepierre dit

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