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Ce furent eux-mêmes qui choisirent sept d'entre eux, pour avoir soin des tables et pourvoir aux nécessités communes. Ils élurent, dans Jérusalem même ceux que nous nommons Étienne, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parmenas, et Nicolas. Ce qu'on peut remarquer, c'est que, parmi ces sept élus par la communauté juive il y a six Grecs.

Après les apôtres, on ne trouve aucun exemple d'un chrétien qui ait eu sur les autres chrétiens d'autre pouvoir que celui d'enseigner, d'exhorter, de chasser les démons du corps des énergumènes, de faire des miracles. Tout est spirituel; rien ne se ressent des pompes du monde. Ce n'est guère que dans le troisième siècle que l'esprit d'orgueil, de vanité, d'intérêt, se manifesta de tous côtés chez les fidèles.

Les agapes étaient déja de grands festins; on leur reprochait le luxe et la bonne chère. Tertullien l'avoue 1. « Oui, dit-il, nous fesons grande chère; mais dans les mystères d'Athènes et d'É<< gypte,ne fait-on pas bonne chère aussi? Quelque

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dépense que nous fassions, elle est utile et pieuse, << puisque les pauvres en profitent. » Quantiscumque sumptibus constet, lucrum est pietatis, siquidem inopes refrigerio isto juvamus.

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Dans ce temps-là même, des sociétés de chré

Tertullien, chap. xxxix.

tiens qui osaient se dire plus parfaites que les autres, les montanistes, par exemple, qui se vantaient de tant de prophéties et d'une morale si austère, qui regardaient les secondes noces comme des adultères, et la fuite de la persécution comme une apostasie, qui avaient si publiquement des convulsions sacrées et des extases, qui prétendaient parler à Dieu face à face, furent convaincus, à ce qu'on prétend, de mêler le sang d'un enfant d'un an au pain de l'eucharistie. Ils attirèrent sur les véritables chrétiens ce cruel reproche qui les exposa aux persécutions.

Voici comme ils s'y prenaient, selon saint Augustin1 : ils piquaient avec des épingles tout le corps de l'enfant, ils pétrissaient la farine avec ce sang et en fesaient un pain; s'il en mourait, ils l'honoraient comme un martyr.

Les mœurs étaient si corrompues, que les saints pères ne cessaient de s'en plaindre. Écoutez saint Cyprien dans son livre des Tombés2 : « Chaque

prêtre, dit-il, court après les biens et les hon«neurs avec une fureur insatiable. Les évêques << sont sans religion, les femmes sans pudeur; la << friponnerie règne; on jure, on se parjure; les <<< animosités divisent les chrétiens; les évêques

«

I

Augustin, De Hæresibus, hæres. XXVI.

a Voyez les OEuvres de saint Cyprien, et l'Histoire ecclésiastique de Fleuri, tome 11, page 168, édition in-12, 1725.

« abandonnent les chaires pour courir aux foires, << et pour s'enrichir par le négoce; enfin nous << nous plaisons à nous seuls, et nous déplaisons « à tout le monde. >>

Avant ces scandales, le prêtre Novatien en avait donné un bien funeste aux fidèles de Rome : il fut le premier antipape. L'épiscopat de Rome,, quoique secret et exposé à la persécution, était un objet d'ambition et d'avarice, par les grandes contributions des chrétiens, et par l'autorité de la place.

Ne répétons point ici ce qui est déposé dans tant d'archives, ce qu'on entend, tous les jours dans la bouche des personnes instruites, ce nombre prodigieux de schismes et de guerres; six cents années de querelles sanglantes entre l'empire et le sacerdoce; l'argent des nations coulant par mille canaux, tantôt à Rome, tantôt dans Avignon lorsque les papes y fixèrent leur séjour pendant soixante-douze ans; et le sang coulant dans toute l'Europe, soit pour l'intérêt d'une tiare si inconnue à Jésus-Christ, soit pour des questions inintelligibles dont il n'a jamais parlé. Notre religion n'en est pas moins vraie, moins sacrée, moins divine, pour avoir été souillée si long-temps dans le crime, et plongée dans le carnage.

Quand la fureur de dominer, cette terrible passion du cœur humain, fut parvenue à son der

DICTIONN. PHILOS. T. IV.

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nier excès, lorsque le moine Hildebrand, élu contre les lois évêque de Rome, arracha cette capitale aux empereurs, et défendit à tous les évêques d'Occident de porter l'ancien nom de pape pour se l'attribuer à lui seul; lorsque les évêques d'Allemagne, à son exemple, se rendirent souverains; que tous ceux de France et d'Angleterre tâchèrent d'en faire autant, il s'éleva, depuis ces temps affreux jusqu'à nos jours, des sociétés chrétiennes qui, sous cent noms différens, voulurent rétablir l'égalité primitive dans le christianisme.

Mais ce qui avait été praticable dans une petite société cachée au monde, ne l'était plus dans de grands royaumes. L'église militante et triomphante ne pouvait plus être l'église ignorée et humble. Les évêques, les grandes communautés monastiques riches et puissantes, se réunissant sous les étendards du pontife de la Rome nouvelle, combattirent alors pro aris et pro focis, pour leurs autels et pour leurs foyers. Croisades, armées, siéges, batailles, rapines, tortures, assassinats par la main des bourreaux, assassinats par la main des prêtres des deux partis, poisons, dévastations par le fer et par la flamme, tout fut employé pour soutenir ou pour humilier la nouvelle administration ecclésiastique; et le berceau de la primiLe pape Grégoire VII. (Ed. de Kehl.)

sang

tive église fut tellement caché sous les flots de et sous les ossemens des morts, qu'on put à peine le retrouver.

VIII. DES PRIMITIFS APPELÉS QUAKERS'.

Les guerres religieuses et civiles de la GrandeBretagne ayant désolé l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande dans le règne infortuné de Charles Ier, Guillaume Penn, fils d'un vice-amiral, résolut d'aller rétablir ce qu'il appelait la primitive église sur les rivages de l'Amérique septentrionale, dans un climat doux qui lui parut fait pour ses mœurs. Sa secte était nommée celle des trembleurs; dénomination ridicule, mais qu'ils méritaient par les tremblemens de corps qu'ils affectaient en prêchant, et par un nasillonnement qui ne fut dans l'église romaine que le partage d'une espèce de moines appelés capucins. Mais on peut, en parlant du nez et en se secouant, être doux, frugal, modeste, juste, charitable. Personne ne nie que cette société de primitifs ne donnât l'exemple de toutes

ces vertus.

Penn voyait que les évêques anglicans et les presbytériens avaient été la cause d'une guerre affreuse pour un surplis, des manches de linon,

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Voyez aussi, sur les quakers et sur G. Penn, les premières Lettres sur les Anglais (Mélanges historiques), et l'article QUAKERS, dans le Dictionnaire philosophique. B.

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