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sa justice, voulut que les mains des chrétiens fussent teintes du sang de leurs persécuteurs, sitôt que ces chrétiens furent en liberté d'agir1.

Constantin convoqua, assembla dans Nicée, vis-à-vis de Constantinople, le premier concile œcuménique, auquel présida Ozius. On y décida a grande question qui agitait l'église, touchant la divinité de Jésus-Christ".

On sait assez comment l'église, ayant combattu trois cents ans contre les rites de l'empire romain, combattit ensuite contre elle-même, et fut toujours militante et triomphante.

Dans la suite des temps, l'église grecque presque tout entière, et toute l'église d'Afrique, devinrent esclaves sous les Arabes, et ensuite sous les Turcs 3, qui élevèrent la religion mahométane sur les ruines de la chrétienne. L'église romaine subsista, mais toujours souillée de sang par plus de six cents ans de discorde entre l'empire d'Occident et le sacerdoce. Ces querelles mêmes la rendirent très puissante. Les évêques, les abbés en Allemagne, se firent tous princes; et les papes acquirent peu à peu la domination absolue dans Rome et dans un pays considérable. Ainsi Dieu éprouva son

Ici finit le second morceau qui, par double emploi, se trouvait à l'article CHRISTIANISME. (Nouv. Edit.)

2 Voy. les art. ARIANISME; CHRISTIANISME, sect. II; et CONCILES. 3 Les deux pages suivantes fesaient le troisième double emploi avec l'article CHRISTIANISME. (Nouv. Edit.)

église par les humiliations, par les troubles, par les crimes et par la splendeur.

Cette église latine perdit au seizième siècle la moitié de l'Allemagne, le Danemarck, la Suède, l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande, la meilleure partie de la Suisse, la Hollande; elle a gagné plus de terrain en Amérique par les conquêtes des Espagnols, qu'elle n'en a perdu en Europe; mais avec plus de territoire elle a bien moins de sujets.

La Providence divine semblait destiner le Japon, Siam, l'Inde et la Chine, à se ranger sous l'obéissance du pape, pour le récompenser de l'Asie-Mineure, de la Syrie, de la Grèce, de l'Égypte, de l'Afrique, de la Russie, et des autres états perdus dont nous avons parlé. Saint François Xavier, qui porta le saint évangile aux Indes orientales et au Japon quand les Portugais y allèrent chercher des marchandises, fit un très grand nombre de miracles, tous attestés par les RR. PP. jésuites; quelques uns disent qu'il ressuscita neuf morts; mais le R. P. Ribadeneira, dans sa Fleur des saints 1, se borne à dire qu'il n'en ressuscita que quatre; c'est bien assez. La Providence voulut qu'en moins de cent années il y eût des

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La Fleur des Vies des saints, Madrid, 1599 à 1610, 2 vol. in-fol., traduite plusieurs fois en français, et qu'on trouvait dans tous les couvens à côté de la compilation de Jacques de Voragine, biographe ascétique de même force. C'est le jésuite Ribadeneira qu'Abel Servien nommait plaisamment le père Badinerria. (L. D. B.)

Japon; mais le diable sema son

milliers de catholiques romains dans les îles du mais le diable sema son ivraie au milieu du bon grain. Les jésuites, à ce qu'on croit, formèrent une conjuration suivie d'une guerre civile, dans laquelle tous les chrétiens furent exterminés en 1638. Alors la nation ferma ses ports à tous les étrangers, excepté aux Hollandais, qu'on regardait comme des marchands et non pas comme des chrétiens, et qui furent d'abord obligés de marcher sur la croix, pour obtenir la permission de vendre leurs denrées dans la prison où on les renferme lorsqu'ils abordent à Nangazaki.

La religion catholique, apostolique et romaine, fut proscrite à la Chine dans nos derniers temps, mais d'une manière moins cruelle. Les RR. PP. jésuites n'avaient pas, à la vérité, ressuscité des morts à la cour de Pékin; ils s'étaient contentés d'enseigner l'astronomie, de fondre du canon, et d'être mandarins. Leurs malheureuses disputes avec des dominicains et d'autres, scandalisèrent à tel point le grand empereur Yong-Tching, que ce prince, qui était la justice et la bonté même, fut assez aveugle pour ne plus permettre qu'on enseignât notre sainte religion, dans laquelle nos missionnaires ne s'accordaient pas. Il les chassa avec une bonté paternelle, leur fournissant des subsistances et des voitures jusqu'aux confins de son empire.

Toute l'Asie, toute l'Afrique, la moitié de l'Europe, tout ce qui appartient aux Anglais, aux Hollandais, dans l'Amérique, toutes les hordes américaines non domptées, toutes les terres australes, qui sont une cinquième partie du globe, sont demeurées la proie du démon, pour vérifier cette sainte parole: « Il y a beaucoup d'appelés, << mais peu d'élus. »(Matth., xx, 16)'.

V. DE LA SIGNIFICATION DU MOT ÉGLISE. portrait de l'église PRIMITIVE. DÉGÉNÉRATION. EXAMEN DES SOCIÉTÉS QUI ONT VOULU RÉTABLIR L'ÉGLISE PRIMITIVE, ET PARTICULIÈREMENT DES PRIMITIFS APPELÉS QUAKERS.

Ce mot grec signifiait, chez les Grecs, assemblée du peuple. Quand on traduisit les livres hébreux en grec, on rendit synagogue par église '; et on se servit du même nom pour exprimer la société juive, la congrégation politique, l'assemblée juive, le peuple juif. Ainsi, il est dit dans les Nombres 3 : << Pourquoi avez-vous mené l'église << dans le désert? >> Et dans le Deuteronome 4: « L'eu«< nuque, le Moabite, l'Ammonite, n'entreront pas << dans l'église; les Iduméens, les Égyptiens, n'entre

* Ici finit le morceau qui fesait le troisième double emploi dans l'article CHRISTIANISME. (Nouv. Edit.)

2 Voltaire semble croire que synagogue, ovvaywyn, est un mot hébreu ; mais il est grec, comme ¿xxλnoía ouvédpiou, etc.

(Nouv. édit.)

3 Chap. xx, v. 4.·

4 Chap. XXIII, v. 1, 2, 3.

<< ront dans l'église qu'à la troisième génération. »> Jésus-Christ dit dans saint Matthieu : « Si votre « frère a péché contre vous (vous a offensé), re<< prenez-le entre vous et lui. Prenez, amenez avec « vous un ou deux témoins, afin que tout s'éclair<< cisse par la bouche de deux ou trois témoins; et << s'il ne les écoute pas, plaignez-vous à l'assemblée « du peuple, à l'église ; et s'il n'écoute pas l'église, qu'il soit comme un Gentil, ou un receveur des << deniers publics. Je vous dis, ainsi soit-il, en vé« rité, tout ce que vous aurez lié sur terre sera « lié au ciel, et ce que vous aurez délié sur terre « sera délié au ciel. » (Allusion aux clefs des portes, dont on liait et déliait la courroie.)

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Il s'agit ici de deux hommes dont l'un a offensé l'autre, et persiste. On ne pouvait le faire comparaître dans l'assemblée, dans l'église chrétienne: il n'y en avait point encore; on ne pouvait faire juger cet homme dont son compagnon se plaignait par un évêque et par les prêtres qui n'existaient pas encore. De plus, ni les prêtres juifs ni les prêtres chrétiens ne furent jamais juges des querelles entre particuliers; c'était une affaire de police; les évêques ne devinrent juges que vers le temps de Valentinien III.

Les commentateurs ont donc conclu que l'écrivain sacré de cet évangile fait parler ici notre Chap. XVIII.

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