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droit de se croire entièrement égal aux autres hommes : il ne s'ensuit pas de là que le cuisinier d'un cardinal doive ordonner à son maître de lui faire à dîner; mais le cuisinier peut dire : Je suis homme comme mon maître; je suis né comme lui en pleurant; il mourra comme moi, dans les mêmes angoisses et les mêmes cérémonies. Nous fesons tous deux les mêmes fonctions animales. Si les Turcs s'emparent de Rome, et si alors je suis cardinal et mon maître cuisinier, je le prendrai à mon service. Tout ce discours est raisonnable et juste; mais en attendant que le Grand-Turc s'empare de Rome, le cuisinier doit faire son devoir, ou toute société humaine est pervertie.

A l'égard d'un homme qui n'est ni cuisinier d'un cardinal, ni revêtu d'aucune autre charge dans l'état; à l'égard d'un particulier qui ne tient à rien, mais qui est fâché d'être reçu partout avec l'air de la protection ou du mépris, qui voit évidemment que plusieurs monsignors n'ont ni plus de science, ni plus d'esprit, ni plus de vertu que lui, et qui s'ennuie d'être quelquefois dans leur antichambre, quel parti doit-il prendre? Celui de s'en aller.

ÉGLISE.

1. Précis de l'histoire de l'église chrétienne.

Nous ne porterons point nos regards sur les profondeurs de la théologie; Dieu nous en préserve! l'humble foi seule nous suffit. Nous ne fesons jamais que raconter.

Dans les premières années qui suivirent la mort de Jésus-Christ dieu et homme, on comptait chez les Hébreux neuf écoles, ou neuf sociétés religieuses: pharisiens, sadducéens, esséniens, judaïtes, thérapeutes, récabites, hérodiens, disciples de Jean, et les disciples de Jésus, nommés les frères, les galiléens, les fidèles, qui ne prirent le nom de chrétiens que dans Antioche, vers l'an 60 de notre ère, conduits secrètement par Dieu même dans des voies inconnues aux hommes.

Les pharisiens admettaient la métempsycose, les sadducéens niaient l'immortalité de l'ame et l'existence des esprits, et cependant étaient fidèles au Pentateuque.

Pline le naturaliste1 (apparemment sur la foi de Flavius Josèphe) appelle les esséniens gens æterna in qua nemo nascitur, « famille éternelle dans laquelle il ne naît personne,» parce que les

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esséniens se mariaient très rarement. Cette définition a été depuis appliquée à nos moines.

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Il est difficile de juger si c'est des esséniens ou des judaïtes que parle Josèphe quand il dit1 : « Ils méprisent les maux de la terre2; ils triomphent « des tourmens par leur constance; ils préfèrent << la mort à la vie lorsque le sujet en est honorable. << Ils ont souffert le fer et le feu, et vu briser leurs << os, plutôt que de prononcer la moindre parole «< contre leur législateur, ni manger des viandes « défendues. >>

Il paraît que ce portrait tombe sur les judaïtes, et non pas sur les esséniens; car voici les paroles de Josèphe : « Judas fut l'auteur d'une nouvelle «< secte, entièrement différente des trois autres, «< c'est-à-dire des sadducéens, des pharisiens et des «<esséniens. » Il continue et dit : « Ils sont Juifs de << nation; ils vivent unis entre eux, et regardent « la volupté comme un vice. » Le sens naturel de cette phrase fait croire que c'est des judaïtes dont l'auteur parle.

Quoi qu'il en soit, on connut ces judaïtes avant que les disciples du Christ commençassent à faire un parti considérable dans le monde. Quelques

1 Hist., chap. xII.

2

Ce passage fort long se trouvait répété plus haut à l'article CHRISTIANISME, où les derniers éditeurs de Voltaire ont eu raison de le supprimer pour éviter un double emploi. (L. D. B.)

bonnes gens les ont pris pour des hérétiques qui adoraient Judas Iscariote.

Les thérapeutes étaient une société différente des esséniens et des judaïtes; ils ressemblaient aux gymnosophistes des Indes et aux brames. « Ils ont, « dit Philon, un mouvement d'amour céleste qui << les jette dans l'enthousiasme des bacchantes et « des corybantes, et qui les met dans l'état de la << contemplation à laquelle ils aspirent. Cette secte « naquit dans Alexandrie, qui était toute remplie « de Juifs, et s'étendit beaucoup dans l'Égypte.

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Les récabites subsistaient encore; ils fesaient vœu de ne jamais boire de vin; et c'est peut-être à leur exemple que Mahomet défendit cette liqueur à ses musulmans.

Les hérodiens regardaient Hérode, premier du nom, comme un messie, un envoyé de Dieu qui avait rebâti le temple. Il est évident que les Juifs célébraient sa fête à Rome du temps de Néron, témoin les vers de Perse:

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Les disciples de Jean-Baptiste s'étendirent un peu en Égypte, mais principalement dans la Syrie, dans l'Arabie, et vers le golfe Persique. On les

connaît aujourd'hui sous le nom de chrétiens de saint Jean; il y en eut aussi dans l'Asie-Mineure. Il est dit, dans les Actes des Apôtres (chap. Ix), que Paul en rencontra plusieurs à Ephèse; il leur dit : « Avez-vous reçu le Saint-Esprit ? » Ils lui répondirent: << Nous n'avons pas seulement ouï dire qu'il y ait un Saint-Esprit. » Il leur dit : « Quel baptême' avez-vous donc reçu? » Ils lui répondirent: « Le baptême de Jean. »

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Les véritables chrétiens cependant jetaient, comme on sait, les fondemens de la seule religion véritable.

Celui qui contribua le plus à fortifier cette société naissante fut ce Paul même qui l'avait persécutée avec le plus de violence. Il était né à Tarsis en Cilicie1, et fut élevé par le fameux docteur pharisien Gamaliel, disciple de Hillel. Les Juifs prétendent qu'il rompit avec Gamaliel, qui refusa de lui donner sa fille en mariage. On voit quelques traces de cette anecdote à la suite des Actes de sainte Thècle. Ces actes portent qu'il avait le front large, la tête chauve, les sourcils joints, le nez aquilin, la taille courte et grosse, et les jambes torses. Lucien, dans son Dialogue de Philopatris, semble faire un portrait assez semblable. On a douté qu'il fût citoyen romain, car en ce temps

Saint Jérôme dit qu'il était de Giscala en Galilée.

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